Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Cet article est également disponible en anglais (International Labour Review, vol. 164, no 2) et en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, no 2).
1. Introduction
Les emplois représentent un facteur fondamental pour le développement économique et social, car ils améliorent le bien-être social, contribuent à la croissance de la productivité, à la réduction de la pauvreté et au renforcement de la cohésion sociale (Banque mondiale, 2012). Ces objectifs sociaux sont cependant menacés par l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des chocs climatiques (GIEC, 2014). Cette menace a suscité un regain d’intérêt des décideurs politiques, des entrepreneurs et de la communauté scientifique et internationale. Le changement climatique est une modification de la moyenne statistique et de la variabilité de la température, du vent, de l’humidité, de la nébulosité, des précipitations et d’autres variables sur une longue période (Nordhaus, 2013). Il peut induire la variabilité climatique, laquelle consiste en variations de l’état moyen et d’autres statistiques (écarts types, extrêmes, etc.) du climat à toutes les échelles spatiales et temporelles au-delà de celles des événements météorologiques individuels (GIEC, 2014). Cette variabilité climatique pourrait conduire à des chocs climatiques, qui sont des événements météorologiques imprévisibles se traduisant par une dégradation de l’environnement.
Les chocs climatiques peuvent, en entraînant la baisse de la productivité des facteurs, affecter les emplois (Kjellstrom, Holmer et Lemke, 2009; Sudarshan et al., 2015; Zhang et al., 2018; Diallo et Atangana Ondoa, 2024). Leurs effets se manifestent via la santé des travailleurs (Kjellstrom et al., 2015; Kjellstrom et al., 2016; OIT, 2019), la destruction du stock de capital physique et humain (Mueller et Quisumbing, 2011) et la baisse de la production et des revenus (Dell, Jones et Olken, 2012; Emran et Shilpi, 2018; Adhvaryu, Kala et Nyshadham, 2019; Desbureaux et Rodella, 2019). Les répercussions négatives de ces chocs sur les revenus et la productivité agricole peuvent entraîner une réaffectation stratégique de l’offre de travail (Branco et Féres, 2021; Colmer, 2021; Josephson et Shively, 2021). Cette réallocation de la main-d’œuvre peut consister en une augmentation des heures de travail, une substitution des activités agricoles par des activités non agricoles, l’exercice d’un second emploi et la migration (Rose, 2001; Emran et Shilpi, 2018; Minale, 2018; Branco et Féres, 2021). Toutefois, elle dépend de la capacité des travailleurs à se déplacer entre les secteurs et de celle des autres secteurs à absorber ces travailleurs (Colmer, 2021).
Outre ces effets sur le marché du travail, ces chocs peuvent constituer, en favorisant la création d’emplois découlant des politiques climatiques, en remplaçant des emplois liés aux combustibles fossiles par des emplois liés aux énergies renouvelables et en transformant les emplois existants, un tremplin pour les économies mondiales, en particulier africaines (OIT, 2010). Les pays d’Afrique subsaharienne enregistrent une amplification des catastrophes naturelles (GIEC, 2014). Par exemple, entre 2000 et 2017, plus de 15 pour cent des désastres naturels dénombrés à travers le globe ont été recensés en Afrique subsaharienne. Sur l’ensemble du continent africain, les pertes induites par le climat se situent entre 10 et 15 pour cent du PIB par habitant pendant la période 1986-2015 (Baarsch et al., 2020), et les épisodes de sécheresse et d’inondation et les vagues de chaleur sont récurrents (GIEC, 2022). Au cours de la dernière décennie, le climat en Afrique a été marqué par des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes. Par exemple, l’année 2010 a été l’une des plus chaudes jamais observées sur le continent durant la période 2010-2019. De même, certaines régions ont connu des épisodes de sécheresse prolongées au cours de cette période (OMM, 2020). Cette tendance est confirmée par nos données (voir figure 1). Le pic de température de 2010 et la sécheresse de 2011 ont été exacerbés par la Niňa1. Ce phénomène météorologique, qui se traduit par une forte variation des températures et une fréquence accrue de la sécheresse, s’est produit en 2010 et a duré deux ans. Par leurs effets négatifs, ces chocs risquent de compromettre la réalisation de plusieurs objectifs de développement durable clés, notamment ceux liés à la sécurité alimentaire et à la santé.
Compte tenu de la vulnérabilité élevée des emplois et de la faiblesse de la productivité et des revenus en Afrique subsaharienne (Szirmai et al., 2013; OIT, 2020), les effets négatifs des chocs climatiques sur l’emploi sont susceptibles de générer des coûts économiques et sociaux considérables. Les pertes d’emploi et de productivité projetées toucheront plus les personnes vulnérables telles que les jeunes. Cette catégorie constitue la moitié de la population africaine et devrait atteindre 295 millions en 2035 (Filmer et Fox, 2014). Cette tendance démographique implique un accroissement du nombre de jeunes entrant dans la population active. Les jeunes représentent 23,5 pour cent des travailleurs pauvres, lesquels constituent au total 38,1 pour cent de la population active en Afrique subsaharienne (Yeboah et Flynn, 2021).
En Afrique subsaharienne, la population active est très exposée au chômage, notamment les jeunes. En 2023, le taux de chômage moyen était de 5,8 pour cent contre 8,9 pour cent parmi les jeunes (OIT, 2024). Le chômage des jeunes peut constituer un problème grave, puisqu’il érode le capital humain et empêche l’accumulation d’expérience professionnelle, ce qui a des effets négatifs sur le revenu futur et les possibilités de carrière (Marelli et Signorelli, 2016). Sur le plan social et psychologique, le chômage durable des jeunes peut également conduire à leur exclusion de la société avec pour corollaire le désespoir et la frustration (Seghiar, 2014). Cela peut constituer une source de perturbations et de déséquilibre pour la société. Les jeunes sans emploi pourraient venir grossir les viviers de recrutement des groupes armés et fragiliser davantage les pays faibles déjà en proie à des crises sécuritaires. Ainsi, par son pouvoir catalyseur de la croissance économique, de la paix et de la réduction de la pauvreté, l’emploi des jeunes est au centre de la nouvelle vision du développement définie par l’Agenda 2063 de l’Union africaine et par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.
L’objectif de notre étude consiste à estimer les effets des chocs climatiques sur les emplois en Afrique subsaharienne, plus précisément l’impact du pic de température de 2010 et de la sécheresse de 2011 sur l’emploi des jeunes et sur l’emploi dans les secteurs agricole, industriel et des services.
La littérature existante s’est pour l’essentiel concentrée sur les effets des chocs climatiques sur l’allocation de l’offre de travail des ménages agricoles dans les pays en développement et développés. Citons, parmi de nombreux autres exemples, Josephson et Shively (2021) pour le Zimbabwe, Brookes Gray, Taraz et Halliday (2023) pour l’Afrique du Sud, Liu, Shamdasani et Taraz (2023) pour l’Inde, Desbureaux et Rodella (2019) pour l’Amérique latine, Branco et Féres (2021) pour le Brésil, Graff Zivin et Neidell (2014) pour les États-Unis d’Amérique. D’après cette littérature, en présence d’un choc climatique, la réallocation de la main-d’œuvre constitue une stratégie pour faire face aux événements imprévus (Rose, 2001; Emran et Shilpi, 2018; Minale, 2018; Colmer, 2021). Généralement, les ménages procèdent à une réallocation de leur force de travail lorsque les revenus et les moyens de subsistance sont affectés par des chocs météorologiques tels que des anomalies pluviométriques (Desbureaux et Rodella, 2019; Branco et Féres, 2021; Josephson et Shively, 2021; Brookes Gray, Taraz et Halliday, 2023), un pic de température (Graff Zivin et Neidell, 2014; Colmer, 2021; Liu, Shamdasani et Taraz, 2023) et des inondations (Mueller et Quisumbing, 2011). Les études documentent également une baisse des salaires agricoles en raison de la réduction de la demande de travail pendant les chocs climatiques (Jayachandran, 2006; Emran et Shilpi, 2018).
En dépit d’une littérature riche, nous savons très peu de chose sur les effets des chocs climatiques sur l’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne. De plus, les études existantes ont exploré les effets d’un choc climatique spécifique, alors que le mécanisme de transmission diffère selon la nature du choc. Contrairement aux travaux qui mettent l’accent sur les emplois sectoriels2, notre étude fournit des estimations des effets des chocs climatiques sur l’emploi des jeunes en général. Nous examinons en outre les effets sur l’emploi de deux phénomènes, à savoir les variations de température et la sécheresse, ce qui nous permet d’identifier le canal de transmission et de proposer des recommandations ciblées. Enfin, nous étudions le processus de réallocation de la main-d’œuvre du secteur agricole vers ceux de l’industrie et des services. Partant de ces constats, nous posons la question suivante: quels sont les effets induits par le choc de température et la sécheresse sur l’emploi dans les pays d’Afrique subsaharienne?
Pour répondre à cette question, nous avons combiné des données sur la température et les précipitations avec des données sur l’emploi se rapportant à 42 pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période comprise entre 1991 et 2020. En utilisant l’approche de la double différence, nous avons mis en évidence des résultats intéressants. Ils révèlent que la température affecte l’emploi des jeunes et l’emploi agricole. À l’inverse, ils indiquent une expansion de l’emploi dans l’industrie et dans les services à la suite de la variation des températures.
Le reste de l’article est structuré de la manière suivante. Nous débattons dans la partie 2 des mécanismes à travers lesquels le changement climatique peut affecter les emplois. La partie 3 présente nos données et les statistiques descriptives. Dans la partie 4, nous décrivons la spécification économétrique. La partie 5 fournit une discussion sur nos résultats. La partie 6 conclut et propose des implications pour l’action publique.
2. Revue de la littérature
Les effets des chocs climatiques sur l’emploi peuvent se faire sentir sur la productivité du travail, l’investissement et la réaffectation sectorielle.
2.1. Productivité du travail
La littérature indique que l’exposition à la chaleur entraîne le stress thermique, lequel dégrade les conditions de travail, provoque de la fatigue, une baisse des performances et des maladies cliniques (Kjellstrom, Holmer et Lemke, 2009; Graff Zivin et Neidell, 2014). Ces troubles physiologiques accroissent le risque d’accident (Ramsey et al., 1983) et entraînent une baisse de la capacité physique et mentale du travailleur (Ramsey, 1995; Kjellstrom et al., 2016), ce qui réduit la productivité du travail (Seppänen, Fisk et Lei, 2006; Kjellstrom et al., 2015; OIT, 2019).
De même, les théories du stress thermique expliquent la perte de productivité par un mécanisme psychologique. Selon ces théories, l’épuisement des ressources attentionnelles3 lié à l’exposition à des niveaux de chaleur excessifs induit une baisse de la performance cognitive et du rendement de l’individu (Duffy, 1957; Provins, 1966; Hancock et Warm, 1989; Hocking et al., 2001; Vasmatzidis, Schlegel et Hancock, 2002). Cet épuisement s’explique par le fait que la température corporelle ne se situe pas dans la zone de confort thermique, un endroit où la performance est élevée, puisque les ajustements cognitifs s’effectuent facilement (Hancock et Warm, 1989).
Outre la baisse du rendement sur le lieu de travail, les températures élevées peuvent également réduire la productivité par l’augmentation de l’absentéisme des travailleurs (Somanathan et al., 2021). Par exemple, les troubles du sommeil pendant les nuits chaudes peuvent réduire la volonté et la capacité d’être présent au travail. La baisse de la productivité des travailleurs peut se traduire par une diminution de la production et du profit de l’entreprise (Deschênes et Greenstone, 2007; Somanathan et al., 2021).
Les chocs climatiques peuvent perturber les chaînes d’approvisionnement et la logistique des entreprises (Sabbag, 2013), ce qui entraîne une baisse de la production, de la productivité globale et du revenu, puisque les entreprises ne peuvent pas utiliser pleinement leur main-d’œuvre et les autres facteurs de production (Allcott, Collard-Wexler et O’Connell, 2016; Desbureaux et Rodella, 2019).
2.2. Investissement
Les chocs climatiques peuvent, en accroissant l’incertitude et les risques, décourager les entreprises d’investir. La baisse de l’investissement va affecter la capacité de production et la demande de travail (Stern, 2007; Dell, Jones et Olken, 2008; Sabbag, 2013; Hsiang et Burke, 2014; Desbureaux et Rodella, 2019). Elle se manifeste à travers deux effets dynamiques: l’accumulation du capital et l’épargne (Fankhauser et Tol, 2005). En effet, la contraction de la production réduit le montant consacré à l’accumulation du capital et, par conséquent, entraîne une réduction des investissements, de la croissance économique et du revenu (Horowitz, 2009; Burke, Hsiang et Miguel, 2015). Cet effet sur l’accumulation du capital peut être exacerbé si la baisse de l’investissement ralentit également le progrès technique et les améliorations de la productivité du travail ou l’accumulation de capital humain (Fankhauser et Tol, 2005).
Quant à l’épargne, les agents rationnels sont plus enclins à modifier leur comportement d’épargne pour anticiper les chocs climatiques. Pour cela, ils peuvent, d’une part, augmenter leur épargne pour compenser l’insuffisance de leur revenu futur. D’autre part, le faible taux de rendement du capital induit par la baisse de la productivité du capital incite les agents à investir moins et à consommer plus au présent (Paxson, 1992; Fankhauser et Tol, 2005). Ce changement de comportement va aussi affecter l’accumulation du capital et la production future. Par ailleurs, ces effets peuvent être amplifiés par la réallocation de la main-d’œuvre et du capital induite par les conditions météorologiques défavorables. Le flux de migrants et la rareté des opportunités d’investissement dans les zones touchées par ces phénomènes génèrent des mouvements du facteur travail et du capital vers d’autres secteurs, entreprises et régions (Albert, Bustos et Ponticelli, 2021).
2.3. Réaffectation sectorielle
Les phénomènes météorologiques peuvent modifier les conditions de production et la compétitivité relative des différents secteurs économiques (Stern, 2007). L’emploi va diminuer dans certains secteurs comme l’agriculture, mais connaître une expansion dans des secteurs plus résilients comme ceux des énergies renouvelables ou des services (Jessoe, Manning et Taylor, 2018; Emerick, 2018). Ce changement structurel implique des coûts d’ajustement élevés pour les travailleurs, qui doivent se reconvertir ou changer de secteur d’activité.
3. Données et statistiques descriptives
3.1. Données
Dans cette étude, nous utilisons des données secondaires provenant des bases de données des indicateurs du développement dans le monde (World Development Indicators – WDI) et de la gouvernance dans le monde (Worldwide Governance Indicators – WGI) de la Banque mondiale, de l’Unité de recherche climatique de l’Université d’East Anglia4 (Climate Research Unit – CRU) et de l’Institut Fraser5. Ces bases de données ont l’avantage de couvrir la majorité (sinon la totalité) des pays africains dans de nombreux domaines, alors que d’autres ne couvrent que quelques-uns de ces pays (le Guide international des risques-pays) ou se focalisent sur un domaine précis (indice de perception de la corruption de Transparency International). En dépit de ces avantages, Williams et Siddique (2008) ont signalé les limites des indicateurs de gouvernance. Ces auteurs leur reprochent de ne pas couvrir une période suffisamment longue, ce qui réduit la possibilité de réaliser des études de séries chronologiques ou d’obtenir une quantité suffisante d’informations. Toutefois, cela n’entache pas la qualité de nos données.
Les indicateurs sur l’emploi, les investissements directs étrangers (IDE), le niveau d’étude, le PIB par habitant, la population totale et l’urbanisation proviennent de la base de données des indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale. Les indicateurs sur l’emploi renseignent sur l’emploi des jeunes et l’emploi dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services. Ils sont largement utilisés dans la littérature, car ils fournissent des informations sur le nombre de personnes occupées dans des activités de production de biens et services, ainsi que sur ses variations dans le temps (Phélinas, 2014). Ils permettent d’identifier les groupes et les secteurs les plus vulnérables, ainsi que les leviers potentiels pour renforcer la résilience.
Les variables climatiques proviennent de l’unité de recherche climatique (CRU) de l’Université d’East Anglia. Cette unité fournit des données météorologiques recueillies dans plus de 4 000 stations météorologiques. Elle permet de disposer de données sur le climat avec une résolution de 0,5° x 0,5° de 1900 à nos jours et est considérée comme une source d’informations climatiques fiables pour l’Afrique subsaharienne (Zhang, Körnich et Holmgren, 2013). Ces données sont collectées à l’échelle nationale. Nous les avons choisies faute de données géoréférencées, lesquelles offrent des informations climatiques spécifiques sur des zones géographiques précises. Nous avons, à partir des informations sur la température et les précipitations, calculé le score d’écart type (z-score)6 pour identifier les pays affectés par le choc de température de 2010 et la sécheresse de 2011. La première variable de traitement est la température de 2010, égale à 1 si l’écart de la température par rapport à la moyenne est supérieur ou égal à 1,282 dans un pays en 2010. Tous les pays ayant un z-score supérieur ou égal à 1,282 pour la température ont été affectés par le choc climatique et sont classés dans le groupe de traitement. La deuxième variable de traitement est la sécheresse de 2011, égale à 1 si l’écart des précipitations par rapport à la moyenne est inférieur à 1,282 dans un pays en 2011. Selon la même logique, le groupe de contrôle est composé des pays dont le z-score des précipitations est inférieur à 1,282. Cette valeur constitue le seuil standard utilisé pour définir une saison chaude ou une sécheresse (Gebrehiwot, van der Veen et Maathuis, 2011; Jain et al., 2015).
Les données sur l’état de droit et la régulation du marché du travail proviennent de la base de données des indicateurs de la gouvernance mondiale et de l’Institut Fraser. L’indicateur de l’état de droit correspond au score du pays pour l’indicateur agrégé, exprimé en unités d’une distribution normale standard, c’est-à-dire allant approximativement de –2,5 à 2,5. Des valeurs élevées indiquent une bonne gouvernance tandis que des valeurs faibles révèlent une mauvaise qualité de la gouvernance. Quant à l’indicateur de la régulation du marché du travail, il rend compte de la réglementation de l’embauche, du licenciement, du salaire minimum, de la négociation et des heures de travail. À partir de cette variable, nous avons classé les pays dans deux catégories: pays à faible régulation (score compris entre 1 et 5) et forte régulation (score compris entre 6 et 10). Les variables institutionnelles permettent d’appréhender les mesures d’adaptation destinées à atténuer les effets néfastes du changement climatique. Notre échantillon est composé de 42 pays d’Afrique subsaharienne (voir la liste des pays dans le tableau A.1 de l’annexe [en ligne]) et la période d’étude s’étend de 1991 à 2020. Ces choix s’expliquent par la disponibilité des données. La description des variables est présentée dans le tableau A.2 en annexe [en ligne].
3.2. Statistiques descriptives
Les statistiques descriptives présentées dans le tableau 1 montrent que le z-score moyen pour la température des pays de l’Afrique subsaharienne est de –2,23e – 09 avec un minimum de –2,6148 et un maximum de 3,1749. Quant au z-score moyen des précipitations, il s’établit à 3,96e - 10 avec un minimum de –2,9950 et un maximum de 4,1583, ce qui traduit une forte variation du régime pluviométrique en Afrique subsaharienne. Cette observation est plausible puisque les pays de cette région ont connu des épisodes de sécheresse et d’inondation au cours de la période 1991-2020. Ces tendances thermiques et pluviométriques concordent avec les projections climatiques du GIEC (2014). Le groupe de traitement représente 10,57 pour cent de notre échantillon, contre 89,43 pour cent pour le groupe de contrôle en 2010; en 2011, 8,29 pour cent des pays ont été affectés par la sécheresse, contre 91,71 pour cent.
Statistiques descriptives
Variable | N | Moyenne | Écart type | Minimum | Maximum |
Emploi des jeunes | 1 230 | 41,8356 | 17,1589 | 2,81 | 77,204 |
Emploi agricole | 1 230 | 53,6027 | 22,1845 | 1,2036 | 92,5917 |
Emploi industriel | 1 230 | 11,6749 | 7,31754 | 1,0679 | 40,0362 |
Emploi dans les services | 1 230 | 34,7223 | 17,6835 | 5,2047 | 93,1843 |
Z-score Température | 1 230 | –2,23e – 09 | 0,9836 | –2,6148 | 3,1749 |
Z-score Précipitations | 1 230 | 3,96e – 10 | 0,9836 | –2,9950 | 4,1583 |
État de droit | 902 | –0,6770 | 0,6283 | –1,9260 | 1,0442 |
Niveau d’étude | 1 027 | 91,9597 | 26,9636 | 22,0793 | 151,5778 |
IDE | 1 017 | 1,15e + 08 | 6,20e + 08 | –3,51e + 09 | 7,69e + 09 |
PIB/habitant | 1 220 | 1410,976 | 1829,506 | 99,7573 | 11643,46 |
Population totale | 1 230 | 1,89e + 07 | 2,75e + 07 | 372 721 | 2,08e + 08 |
Traitement 2010 | 1 230 | 0,1057 | 0,3076 | 0 | 1 |
Traitement 2011 | 1 230 | 0,0829 | 0,2759 | 0 | 1 |
Post-traitement 2010 | 1 230 | 0,36667 | 0,4821 | 0 | 1 |
Post-traitement 2011 | 1 230 | 0,3333 | 0,4716 | 0 | 1 |
Sources: Auteurs à partir des données de la Banque mondiale (WDI et WGI), de l’Institut Fraser et de la CRU (2021).
4. Spécification du modèle et méthode d’estimation
Pour illustrer le canal à travers lequel les chocs climatiques peuvent affecter les emplois productifs, nous considérons une fonction de production de type Cobb-Douglas. Elle se présente comme suit:
(1)
Yit est la quantité produite dans le pays i à l’instant t, Kit est le stock de capital, Lit est l’emploi, Ait désigne la productivité totale des facteurs, β et 1 – β sont respectivement les élasticités du capital et du travail par rapport à la production.
En divisant l’équation (1) par Lit, nous obtenons:
(2)
où correspond à la productivité du travail et Kit à l’intensité capitalistique. Le choc climatique peut réduire la production à travers la productivité des facteurs (Zhang et al., 2018; Huang et al., 2020). Des températures élevées influent sur la productivité du travail en induisant, chez le travailleur, l’inconfort physique, la fatigue et la dégradation du fonctionnement cognitif (Hancock, Ross et Szalma, 2007).
(3)
où µ est un ensemble de paramètres à estimer et Tit représente les variables climatiques. En replaçant (3) dans (2) et en prenant le logarithme, nous obtenons la relation suivante:
(4)
Notre objectif est d’identifier l’effet causal des chocs climatiques sur les emplois, ce qui revient à estimer l’effet du traitement sur le traité. Plus précisément, il s’agit de comparer les emplois affectés par les chocs climatiques au contrefactuel, c’est-à-dire aux emplois en l’absence de choc climatique. Comme le contrefactuel n’est pas observé, il doit être estimé à l’aide d’un groupe de comparaison. Les pays affectés forment le groupe de traitement; et les pays non affectés, le groupe de contrôle. Ce classement est effectué en fonction de la valeur de la température de 2010 ou des précipitations de 2011. Selon l’OMM (2020), l’année 2010 a été l’une des trois années les plus chaudes jamais constatées sur le continent. De même, les précipitations de 2011 ont connu de forts contrastes géographiques. La sécheresse a frappé plusieurs régions d’Afrique entre 2010 et 2016.
La littérature propose de nombreux outils pour estimer le contrefactuel, notamment l’assignation aléatoire. Cette dernière est un excellent outil d’évaluation d’impact d’une politique ou d’un programme puisqu’elle permet de générer un contrefactuel solide, lequel est considéré comme l’étalon-or en matière d’évaluation d’impact (Gertler et al., 2016). Cette méthode est applicable lorsque: i) le nombre d’unités de la population éligible au programme est supérieur au nombre de places disponibles dans le programme; ii) le programme doit être progressivement étendu pour couvrir l’ensemble de la population éligible. Comme ces critères ne sont pas satisfaits dans notre cas, la méthode de l’assignation aléatoire n’est pas applicable. Contrairement à cette méthode, l’approche de la double différence n’exige pas que les règles d’assignation au programme soient précises. Elle est applicable lorsque l’on dispose d’informations sur le groupe de traitement et de contrôle tant avant qu’après la mise en œuvre du programme (ibid.). Ici, nous disposons de données sur ces deux groupes avant et après la mise en œuvre de la variable de traitement (chocs climatiques). Nous allons donc utiliser l’approche de la double différence (DD) pour estimer l’effet des chocs climatiques sur les emplois. À l’opposé des méthodes de l’appariement et de la comparaison avant-après, cette approche a l’avantage de prendre en compte les différences invariables dans le temps entre le groupe de traitement et le groupe de comparaison (Gertler et al., 2016; Glewwe et Todd, 2022). Cependant, elle n’élimine pas les différences qui varient dans le temps entre les deux groupes (Gertler et al., 2016), ce qui peut biaiser l’estimation du contrefactuel. En conséquence, pour fournir un contrefactuel solide, il faut supposer qu’il n’existe aucune différence variable dans le temps entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle. Cela constitue l’hypothèse des tendances parallèles, qui suppose qu’en l’absence de traitement le changement moyen de la variable de résultat pour les pays traités est égal au changement moyen de la variable de résultat observé pour les témoins (Mora et Reggio, 2019). Cela implique que les résultats affichent des tendances équivalentes en l’absence de traitement (Gertler et al., 2016).
La méthode de la double différence est largement utilisée pour évaluer l’impact des interventions de politique publique ou d’autres traitements spécifiques sur différents résultats d’intérêt (Duflo, 2001; Galiani, Gertler et Schargrodsky, 2005; Imbens et Wooldridge, 2009; Joshi, 2019; Chávez et Rodríguez-Puello, 2022). Elle compare le groupe de traitement (emplois affectés par le choc climatique) et le groupe de contrôle (emplois non affectés) pour identifier l’effet du choc climatique. L’estimateur DD conventionnel est obtenu en utilisant des techniques de régression linéaire standards. Dans le cas le plus simple, avec seulement deux périodes (t ≥ 2), l’effet du traitement peut être estimé avec l’hypothèse des tendances parallèles à partir d’une régression qui comprend une constante, l’indicateur de traitement Dit, une variable muette pour la période post-traitement (Cit), et le terme d’interaction Dit × Cit. Dans cette configuration, l’effet du traitement est identifié par le paramètre associé au terme d’interaction (δ) (voir tableau 2). Formellement, le modèle de la double différence standard peut être spécifié comme suit:
(5)
Approche de la double différence
Après le choc | Avant le choc | Après-avant | |
Groupe de traitement (1) | α + β + γ + δ | α + γ | β + δ |
Groupe de contrôle (2) | α + β | α | β |
1-2 | γ + δ | γ | δ |
Source: Auteurs.
Yit désigne l’indicateur des emplois dans le pays i à la période t; Cit est une variable binaire prenant la valeur 1 si t est la période post-traitement; Ti est également une variable binaire prenant la valeur 1 si le pays i appartient au groupe de traitement; δ représente l’effet estimé moyen du choc climatique sur les emplois. Xit désigne l’ensemble des variables de contrôle qui varient à la fois entre les pays et dans le temps; ηi contrôle l’effet fixe du pays; ψt représente les chocs temporels communs à tous les pays; eit est le terme d’erreur – les termes d’erreur sont regroupés au niveau du pays; α est la constante.
Nous supposons que les chocs de température et de précipitations ont respectivement eu lieu à la fin de 2010 et de 2011. Ainsi, l’équation à estimer se présente comme suit:
(6)
5. Présentation et analyse des résultats
5.1. Test de tendances parallèles du groupe de traitement et du groupe de contrôle
L’hypothèse d’identification essentielle pour interpréter l’effet estimé du choc est que la variation des emplois dans les pays du groupe de contrôle constitue une estimation non biaisée du contrefactuel. Elle exige qu’en l’absence de traitement la différence entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle soit constante dans le temps. Bien que nous ne puissions pas tester directement cette hypothèse, nous pouvons vérifier si les tendances temporelles dans les pays des deux groupes étaient identiques au cours de la période antérieure au choc (de 1991 à 2010 et de 1991 à 2011). Si l’évolution temporelle est la même durant cette période, alors il est probable qu’elle soit aussi la même pendant la période postérieure au choc si le groupe de traitement n’a pas été affecté. Dans ce cas, la stratégie d’identification par l’approche de la double différence est valide. Des tests statistiques sont utilisés pour vérifier les différences de tendances avant le traitement (prétendances) (Rambachan et Roth, 2023).
Nous vérifions formellement que les prétendances temporelles pour les groupes de contrôle et de traitement ne sont pas différentes en estimant une version légèrement modifiée de l’équation (5), laquelle décrit la situation pour plus de deux périodes. Pour cela, nous utilisons uniquement les observations relatives aux pays des groupes de contrôle et de traitement se rapportant à la période prétraitement, c’est-à-dire, pour les deux groupes, les observations portant sur les périodes 1991-2010 et 1991-2011. Les tendances avant traitement sont identiques lorsque l’effet du traitement estimé est nul pendant la période considérée, c’est-à-dire lorsque les coefficients δ1991 à δ2010 et δ1991 à δ2011 sont égaux à zéro. Cependant, certaines études récentes ont montré que les tests de prétendance peuvent souffrir d’une faible puissance (Bilinski et Hatfield, 2020; Kahn-Lang et Lang, 2020; Roth, 2022). Leurs auteurs estiment que conditionner la validité de la méthode de la double différence à la réussite des tests de prétendance introduit des problèmes statistiques liés à ces tests (Roth, 2022).
Dans cette étude, nous choisissons néanmoins de faire appel au test de prétendance. Il révèle que la tendance du groupe de traitement est identique à celle du groupe de contrôle avant les chocs climatiques de 2010 et de 2011 (voir tableau A.3 en annexe [en ligne]). Comme les probabilités sont supérieures à 5 pour cent, l’hypothèse nulle n’est pas rejetée. Le coefficient de l’effet de traitement est donc nul avant le choc. Cela signifie que les deux groupes sont caractérisés par des évolutions similaires en l’absence de traitement, ce qui valide l’utilisation de la méthode de la double différence.
Pour renforcer la crédibilité de l’hypothèse des tendances parallèles, nous avons introduit des variables de contrôle supplémentaires dans le modèle. Ces variables permettent d’isoler l’effet spécifique du traitement, ce qui améliore la précision des estimations de cet effet (Joshi, 2019).
5.2. Résultats et interprétation
5.2.1. Effets du choc de température sur l’emploi
Les estimations des effets du choc de température sur l’emploi des jeunes, l’emploi agricole, l’emploi industriel et l’emploi dans les services sont exposées dans le tableau 3. La principale variable d’analyse est représentée par le terme d’interaction Post x Température 2010. Ce coefficient mesure l’effet du choc climatique sur l’emploi, et est estimé selon le degré de réglementation du marché du travail dans chaque pays. Les résultats révèlent que la plupart des coefficients de nos variables ont les signes attendus selon la théorie.
Effets de la température sur l’emploi
Variables | Emploi des jeunes | Emploi agricole | Emploi industriel | Emploi dans les services | ||||
Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | |
(1) | (2) | (3) | (4) | (5) | (6) | (7) | (8) | |
Température 2010 | 2,326 | 2,382 | –0,00240 | 4,766 | –1,160 | –3,771*** | 1,162 | –0,995 |
(8,819) | (3,664) | (7,392) | (3,332) | (2,633) | (1,005) | (4,837) | (2,763) | |
Post 2010 | –0,440 | –1,850 | 2,124 | 1,184 | –0,357 | –2,098*** | –1,767 | 0,914 |
(2,719) | (1,290) | (2,377) | (1,318) | (0,964) | (0,696) | (1,600) | (0,883) | |
Post x Température 2010 | –3,353** | –3,987* | –5,944*** | –8,514** | 2,875*** | 3,363** | 3,069 | 5,151 |
(9,660) | (4,229) | (8,153) | (4,033) | (2,997) | (1,303) | (5,310) | (3,230) | |
État de droit | 7,125*** | 3,151** | –1,905 | –5,882*** | 1,466* | 1,887*** | 0,439 | 3,995*** |
(2,224) | (1,247) | (1,935) | (1,405) | (0,778) | (0,681) | (1,363) | (0,946) | |
Niveau d’étude | –0,0816 | –0,101*** | –0,0174 | –0,102*** | 0,0333* | 0,0504*** | –0,0158 | 0,0515** |
(0,0561) | (0,0342) | (0,0447) | (0,0327) | (0,0182) | (0,0145) | (0,0309) | (0,0217) | |
IDE | 7,65e – 09** | 3,99e – 10 | 4,27e – 09 | 1,05e – 09** | –1,66e – 09 | 0 | –2,61e – 09 | –1,07e – 09*** |
(3,81e – 09) | (3,00e – 10) | (3,64e – 09) | (4,26e – 10) | (1,16e – 09) | (2,33e – 10) | (2,56e – 09) | (3,07e – 10) | |
PIB/habitant | –0,00580*** | –0,00369*** | –0,00881*** | –0,00497*** | 0,00259*** | 0,00133*** | 0,00622*** | 0,00365*** |
(0,00162) | (0,000475) | (0,00149) | (0,000500) | (0,000464) | (0,000198) | (0,00108) | (0,000342) | |
Population | 5,65e – 07*** | –4,33e – 08*** | 7,50e – 07*** | –5,53e – 08*** | –1,87e – 07*** | –1,09e – 08** | – 5,63e – 07*** | 6,62e – 08*** |
(1,77e – 07) | (1,38e – 08) | (1,60e – 07) | (1,07e – 08) | (5,31e – 08) | (4,97e – 09) | (1,11e – 07) | (8,07e – 09) | |
Urbanisation | –0,145 | –0,306*** | –0,328*** | –0,464*** | –0,0993*** | 0,120*** | 0,428*** | 0,345*** |
(0,104) | (0,0439) | (0,0943) | (0,0527) | (0,0368) | (0,0238) | (0,0688) | (0,0355) | |
Constante | 58,79*** | 73,86*** | 64,39*** | 85,61*** | 13,44*** | 3,590* | 22,17*** | 10,80*** |
(6,384) | (3,911) | (5,453) | (4,385) | (1,803) | (1,890) | (3,959) | (2,901) | |
Observations | 162 | 404 | 162 | 404 | 162 | 404 | 162 | 404 |
R2 | 0,320 | 0,497 | 0,632 | 0.712 | 0,393 | 0,462 | 0,701 | 0,735 |
-
* Significatif à 10 pour cent. ** Significatif à 5 pour cent. *** Significatif à 1 pour cent.
Notes: Les nombres entre parenthèses représentent les erreurs standards robustes des coefficients estimés.
Sources: Auteurs à partir des données de la Banque mondiale (WDI et WGI), de l’Institut Fraser et de la CRU (2021).
Après régression, nous constatons que le choc de température a des effets néfastes sur l’emploi des jeunes et l’emploi agricole. Ces effets varient en fonction du degré de réglementation du marché du travail. Par exemple, nous avons observé une baisse de l’emploi des jeunes de 3,35 unités dans les pays à faible régulation du marché du travail contre 3,99 dans les pays à forte régulation du marché du travail (voir colonnes (1) et (2)). Les impacts économiques des chocs climatiques peuvent induire une instabilité réduisant les investissements, ce qui affecte les opportunités d’emploi pour les jeunes. De même, les jeunes sont plus enclins à migrer vers les zones les moins touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. Cela peut générer une tension sur le marché du travail local. Outre les effets de l’instabilité économique et la migration, la perturbation de l’accès à l’éducation et à la formation induite par les chocs de température, plus particulièrement dans les zones rurales, peut limiter les compétences des jeunes et leurs perspectives d’emploi. Ce résultat confirme celui obtenu par Choudhry, Marelli et Signorelli (2012) et Liotti (2020). Ces auteurs ont observé que la contraction de la demande résultant des crises économiques et financières affecte l’emploi des jeunes.
Les colonnes (3) et (4) montrent une relation négative et significative entre le choc de température et l’emploi agricole. Les pertes en emploi s’établissent respectivement à 5,94 et 8,51 pour les pays à faible régulation du marché du travail et ceux à forte régulation. Cette perte élevée révèle que le secteur agricole est le plus affecté et dénote sa forte dépendance aux températures. En effet, l’accroissement des températures atmosphériques peut allonger la période de croissance des cultures et par conséquent induire un déclin des rendements, des revenus des agriculteurs et de la viabilité des exploitations agricoles, ce qui entraîne une baisse de l’emploi dans ce secteur. En outre, le dérèglement climatique peut désynchroniser les saisons de pluie et les périodes de croissance, rendant ainsi l’agriculture moins prévisible et moins productive. La hausse des températures exacerbe la pression sur les ressources en eau, affectant l’irrigation et l’accessibilité des terres agricoles.
Par contre, nous avons constaté une expansion significative de l’emploi dans l’industrie et dans les services dans les pays plus exposés à des températures élevées (voir colonnes (5) et (7)). Les pays à faible régulation du marché du travail ont enregistré un accroissement de 2,88 de l’emploi industriel et de 3,07 de l’emploi dans les services. Les pays à forte réglementation ont également connu des créations d’emploi, avec une hausse de 3,36 et 5,15 respectivement dans le secteur de l’industrie et dans celui des services. Ces effets résultent de changements dans la structure de l’économie locale, l’emploi ayant progressé dans les secteurs de l’industrie et des services, tandis qu’il s’est contracté dans l’agriculture. En effet, le déclin de la productivité agricole a induit une baisse de la demande de travail agricole, qui a à son tour entraîné une réallocation de la main-d’œuvre de ce secteur (plus affecté) vers l’industrie et les services. L’urbanisation croissante peut également favoriser une expansion des infrastructures et des activités liées à la construction, à l’énergie et aux services. Cependant, cette réaffectation dépend d’un certain nombre de facteurs, à savoir la capacité de la main-d’œuvre à se déplacer entre les secteurs et la capacité des autres secteurs à absorber cette main-d’œuvre. Ce résultat est en harmonie avec l’effet observé par Albert, Bustos et Ponticelli (2021). Ces auteurs constatent une expansion de l’emploi manufacturier et une contraction de l’emploi dans les services à la suite de la perte de productivité agricole liée au choc climatique.
5.2.2. Effets de la sécheresse sur l’emploi
Les effets estimés de la sécheresse sur l’emploi des jeunes et l’emploi dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services sont rapportés dans le tableau 4. L’effet est mesuré par le terme d’interaction Post x Sécheresse 2011. Nous constatons que la sécheresse a un effet significatif sur l’emploi des jeunes et l’emploi industriel (voir colonnes (1) et (6)). Ce résultat est étonnant, puisque la sécheresse contribue à l’expansion de ces catégories d’emploi. Brookes Gray, Taraz et Halliday (2023) ont au contraire constaté que les effets négatifs de la sécheresse sont plus concentrés dans les secteurs tertiaire et informel. Les colonnes (4) et (7) montrent que la sécheresse réduit le niveau de l’emploi agricole et des services. Les pays ayant une forte régulation du marché du travail enregistrent une perte en emploi agricole de 5,36. Le recul de l’emploi dans les services est de 9,04 dans les pays à faible régulation du marché du travail. Conformément aux prédictions théoriques, la réduction du niveau de l’emploi agricole résulte en grande partie de la baisse de la productivité agricole, qui dépend de l’approvisionnement en matières premières, en eau et en énergie. De plus, la pénurie de produits agricoles induite par la diminution de la pluviométrie affecte la production, ce qui peut entraîner un arrêt des activités et la suppression d’emplois. En outre, le manque d’eau peut réduire la production d’électricité et provoquer des pertes de revenu et d’emploi pour les entreprises et les travailleurs. Dans le même ordre d’idées, Desbureaux et Rodella (2019) ont démontré que les épisodes de sécheresse prolongés diminuent la probabilité d’être employé, les salaires horaires, les heures travaillées et les revenus du travail. Afridi, Mahajan et Sangwan (2022) ont également mis en évidence un effet négatif et significatif de la sécheresse sur l’emploi agricole et non agricole.
Effets de la sécheresse sur l’emploi
Variables | Emploi des jeunes | Emploi agricole | Emploi industriel | Emploi dans les services | ||||
Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | Faible régulation | Forte régulation | |
(1) | (2) | (3) | (4) | (5) | (6) | (7) | (8) | |
Sécheresse 2011 | –11,09* | 2,573 | –4,716 | 3,779 | 3,215 | –1,930 | 1,501 | 1,848 |
(6,117) | (3,834) | (8,434) | (3,387) | (1,962) | (1,315) | (6,531) | (1,854) | |
Post 2011 | –1,552 | –2,184* | –0,787 | 0,241 | 0,604 | –2,010*** | 0,183 | 1,769** |
(2,507) | (1,228) | (2,234) | (1,266) | (0,919) | (0,646) | (1,483) | (0,871) | |
Post x Sécheresse 2011 | 37,53*** | 0,394 | 12,44 | –5,364 | –3,392 | 2,828* | –9,044 | 2,536 |
(7,311) | (4,900) | (8,815) | (4,151) | (2,212) | (1,695) | (6,765) | (2,855) | |
État de droit | 6,612*** | 3,297*** | –1,875 | –5,815*** | 1,462* | 1,867*** | 0,413 | 3,948*** |
(2,219) | (1,255) | (1,919) | (1,415) | (0,770) | (0,683) | (1,351) | (0,965) | |
Niveau d’étude | –0,123** | –0,0996*** | –0,0245 | –0,0947*** | 0,0347* | 0,0443*** | –0,0102 | 0,0504** |
(0,0562) | (0,0348) | (0,0463) | (0,0327) | (0,0193) | (0,0143) | (0,0313) | (0,0218) | |
IDE | 7,51e – 09* | 4,05e – 10 | 4,34e – 09 | 1,00e – 09** | –1,60e – 09 | 0 | –2,74e – 09 | –1,04e – 09*** |
(3,82e – 09) | (3,05e – 10) | (3,73e – 09) | (4,38e – 10) | (1,15e – 09) | (2,31e – 10) | (2,65e – 09) | (3,05e – 10) | |
PIB/habitant | –0,00557*** | –0,00371*** | –0,00843*** | –0,00498*** | 0,00250*** | 0,00131*** | 0,00593*** | 0,00367*** |
(0,00160) | (0,000476) | (0,00154) | (0,000498) | (0,000472) | (0,000197) | (0,00112) | (0,000342) | |
Population | 5,17e – 07*** | –4,32e – 08*** | 7,64e – 07*** | –5,03e – 08*** | –1,94e – 07*** | –1,36e – 08*** | –5,70e – 07*** | 6,38e – 08*** |
(1,74e – 07) | (1,42e – 08) | (1,64e – 07) | (1,13e – 08) | (5,48e – 08) | (5,17e – 09) | (1,13e – 07) | (8,46e – 09) | |
Urbanisation | –0,130 | –0,308*** | –0,325*** | –0,466*** | –0,100*** | 0,121*** | 0,426*** | 0,345*** |
(0,102) | (0,0437) | (0,0978) | (0,0523) | (0,0381) | (0,0237) | (0,0709) | (0,0355) | |
Constante | 62,80*** | 73,71*** | 65,15*** | 85,01*** | 13,15*** | 4,034** | 21,69*** | 10,95*** |
(6,230) | (4,062) | (5,579) | (4,497) | (1,867) | (1,933) | (3,999) | (2,994) | |
Observations | 162 | 404 | 162 | 404 | 162 | 404 | 162 | 404 |
R2 | 0,359 | 0,497 | 0,628 | 0,709 | 0,395 | 0,458 | 0,697 | 0,730 |
-
* Significatif à 10 pour cent. ** Significatif à 5 pour cent. *** Significatif à 1 pour cent.
Notes: Les nombres entre parenthèses représentent les erreurs standards robustes des coefficients estimés.
Sources: Auteurs à partir des données de la Banque mondiale (WDI et WGI), de l’Institut Fraser et de la CRU (2021).
5.2.3. Test de robustesse
Nous testons la robustesse de nos résultats en utilisant des variables alternatives de l’emploi, en regroupant les pays par zone climatique et en étudiant les effets non linéaires des chocs climatiques.
i) Variables alternatives de l’emploi
L’emploi informel et le travail indépendant sont utilisés comme mesures alternatives de l’emploi. Les résultats indiquent que le choc de température contribue à la destruction des emplois informels et indépendants (voir colonnes (1), (2) et (3) du tableau A.4 en annexe [en ligne]). Cela traduit la vulnérabilité de ces emplois aux aléas climatiques. Ces effets sont observés aussi bien dans les pays à faible régulation du marché du travail que dans ceux à forte régulation. Ces résultats étant semblables à ceux obtenus précédemment, nos conclusions sur les effets de la température sont robustes. Nous constatons également que la sécheresse n’a aucun effet significatif sur l’emploi informel (voir colonnes (1) et (2) du tableau A.5 en annexe [en ligne]). Par contre, nous observons dans la colonne (4) du tableau A.5 en annexe [en ligne] que la sécheresse entraîne une expansion significative du travail indépendant. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus pour l’emploi des jeunes et l’emploi dans l’agriculture, l’industrie et les services. Cela atteste de la robustesse de nos résultats.
ii) Classement des pays par zone climatique
En regroupant les pays par zone climatique7, nous constatons que les emplois des pays désertiques sont plus affectés par les chocs climatiques que ceux des pays tropicaux. Le niveau de l’emploi agricole détruit est de 26,43 dans les pays désertiques contre 2,5 dans les pays tropicaux (voir colonnes (3) et (4) du tableau A.6 en annexe). Les pays désertiques subissent davantage l’impact des températures extrêmes. Cependant, les résultats indiquent que la sécheresse a une incidence positive sur l’emploi dans les pays désertiques et négative dans les pays tropicaux (voir tableau A.7 en annexe [en ligne]). Cela dénote que les pays désertiques sont plus résilients à la sécheresse que les pays tropicaux. Cette résilience s’explique par les investissements dans les mesures d’adaptation et l’internalisation des phénomènes météorologiques extrêmes. Confrontés fréquemment aux chocs climatiques, les pays désertiques internalisent ces phénomènes, ce qui les amène à adopter différentes formes de mesures adaptatives telles que les cultures résistantes à la chaleur, les techniques agricoles, etc.
iii) Effets non linéaires des chocs climatiques
La variabilité de la température et de la sécheresse résultant du changement climatique est appréhendée par l’estimation des effets non linéaires. Les résultats révèlent que la température contribue à la destruction d’emplois agricoles et à la création d’emplois dans l’industrie et les services (voir tableau A.8 en annexe [en ligne]). Par contre, la sécheresse n’a aucun effet significatif sur les emplois (voir tableau A.9 en annexe [en ligne]). Ces effets non linéaires sont donc similaires aux effets linéaires obtenus dans la section précédente.
6. Conclusions
L’accroissement de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes va entraîner une baisse de la productivité du travail ainsi que de la productivité agricole, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur les emplois et les revenus des travailleurs. Les études portant sur l’Afrique subsaharienne ont démontré que la réallocation de l’offre de travail constitue la principale mesure de réponse aux chocs climatiques (Josephson et Shively, 2021; Brookes Gray, Taraz et Halliday, 2023).
En explorant les effets des chocs climatiques sur l’emploi des jeunes, notre étude contribue à une littérature limitée sur l’Afrique subsaharienne, mais approfondit aussi la compréhension des facteurs qui influencent la dynamique de l’emploi des jeunes en particulier et des adultes en général. Nous avons montré que les températures extrêmes entraînent des pertes d’emploi parmi les jeunes et dans l’agriculture. Nos résultats révèlent que l’augmentation des températures induit une réallocation de la main-d’œuvre du secteur agricole vers le secteur industriel et celui des services. De même, nous avons constaté que la sécheresse a une incidence positive sur les emplois dans les pays désertiques et négative dans les pays tropicaux.
Ces différents résultats nous permettent de formuler des recommandations à l’endroit des gouvernements, des entreprises et des ménages. Les gouvernements doivent promouvoir les mesures de renforcement de la capacité de résilience. Ces mesures concernent le développement des infrastructures et des technologies, le renforcement des capacités et la réglementation. Les investissements en infrastructure et en technologie pourront faciliter la transition énergétique et impulser une transformation structurelle. Cette dernière représente une option idéale pour les pays d’Afrique subsaharienne, car elle permettrait aux travailleurs vulnérables à la chaleur de quitter le secteur agricole pour des secteurs plus productifs. Le renforcement des compétences, notamment des jeunes, peut combler l’écart entre les compétences acquises et celles recherchées par les entreprises. Le renforcement des capacités peut également stimuler le changement structurel des économies et faciliter le développement de nouvelles variétés de cultures résistantes à la chaleur. Cela va contribuer à l’amélioration de la production agricole et réduire le risque de perte d’emploi et d’insécurité alimentaire.
L’amélioration de la gouvernance et l’adoption de normes et de règles de travail peuvent garantir des conditions de travail décentes aux travailleurs et aux entreprises, ce qui pourrait atténuer les effets néfastes des chocs climatiques. De même, l’adoption de mesures flexibles du marché du travail offre aux entreprises la possibilité de s’adapter à des conditions économiques changeantes et de gérer efficacement leurs activités, ce qui peut protéger les emplois, surtout ceux des jeunes.
Les entreprises et les ménages doivent ajuster leurs pratiques et comportements pour accompagner la création d’emplois nouveaux et la protection de ceux qui existent. Par exemple, l’investissement des entreprises leur permettra de réutiliser, de recycler et de réduire la consommation d’énergie fossile, ce qui, grâce à l’efficacité et à l’efficience qui en résultent, peut protéger les emplois existants et en créer d’autres. De même, les ménages peuvent adopter un comportement rationnel en termes d’utilisation de biens de consommation et un comportement altruiste en matière de reboisement.
Notre analyse a été réalisée au niveau national et fait donc abstraction de l’hétérogénéité entre les régions, lesquelles n’ont pas le même niveau de développement économique. Les études futures pourront utiliser des données géoréférencées pour résoudre ce problème. Ces données donnent des informations au niveau infranational, ce qui améliore leur précision et leur qualité. Ces études futures pourront également examiner la décision d’emploi des ménages face aux chocs climatiques, ce qui permettra d’appréhender largement la problématique des emplois en situation de crise.
Notes
- https://wmo.int/fr/media/la-nina-est-bien-la. ⮭
- Emran et Shilpi, 2018 (secteur agricole), Branco et Féres, 2021; Colmer, 2021; Brookes Gray, Taraz et Halliday, 2023; Liu, Shamdasani et Taraz, 2023 (secteurs non agricoles). ⮭
- Les ressources attentionnelles sont la concentration, la mémoire, la rétention, le traitement de l’information et l’exécution des tâches (Blanchet, 2015). ⮭
- https://www.uea.ac.uk/groups-and-centres/climatic-research-unit/data. ⮭
- https://efotw.org/economic-freedom/dataset?geozone=world&year=2022&min-year=2&max-year=0&filter=0&page=dataset. ⮭
- Nous avons calculé le z-score par pays en utilisant une approche standard pour obtenir les z-scores des températures et des précipitations. ⮭
- Nous avons regroupé les pays en deux zones climatiques selon le niveau de la température: pays désertiques et pays tropicaux. Les pays tropicaux sont ceux ayant une température moyenne comprise entre 0 et 23,5 °C; et les pays désertiques, ceux dont la température varie de 23,5 à 40 °C. ⮭
Remerciements
Nous souhaitons remercier l’Union africaine pour le soutien financier apporté à nos recherches. Nous sommes également reconnaissants à l’égard de tous ceux qui ont contribué par leur lecture à l’amélioration de la qualité de cet article, notamment à François Nkoa.
Conflits d’intérêts
Les auteurs n’ont pas d’intérêts concurrents à déclarer.
Références
Adhvaryu, Achyuta, Namrata Kala et Anant Nyshadham. 2019. «Management and Shocks to Worker Productivity», NBER Working Paper No. 25865. Cambridge (États-Unis): National Bureau of Economic Research.
Afridi, Farzana, Kanika Mahajan et Nikita Sangwan. 2022. «The Gendered Effects of Droughts: Production Shocks and Labor Response in Agriculture», Labour Economics, 78 (octobre): article no 102227. http://doi.org/10.1016/j.labeco.2022.102227.
Albert, Christoph, Paula Bustos et Jacopo Ponticelli. 2021. «The Effects of Climate Change on Labor and Capital Reallocation», NBER Working Paper No. 28995. Cambridge (États-Unis): National Bureau of Economic Research.
Allcott, Hunt, Allan Collard-Wexler et Stephen D. O’Connell. 2016. «How Do Electricity Shortages Affect Industry? Evidence from India», American Economic Review, 106 (3): 587-624. http://doi.org/10.1257/aer.20140389.
Baarsch, Florent, Jessie R. Granadillos, William Hare, Maria Knaus, Mario Krapp, Michiel Schaeffer et Hermann Lotze-Campen. 2020. «The Impact of Climate Change on Incomes and Convergence in Africa», World Development, 126 (février): article no 104699. http://doi.org/10.1016/j.worlddev.2019.104699.
Banque mondiale. 2012. «World Development Report 2013: Jobs». Washington. [Un résumé en français est disponible sous le titre «Rapport sur le développement dans le monde 2013: emplois», à l’adresse https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/c7bc435a-d635-5136-aacf-7cf0f5f3c6cf.]
Bilinski, Alyssa, et Laura A. Hatfield. 2020. «Nothing to See Here? Non-inferiority Approaches to Parallel Trends and Other Model Assumptions», arXiv:1805.03273 [stat.ME]. http://doi.org/10.48550/arXiv.1805.03273.
Blanchet, Sophie. 2015. «Attentional Resources Theory», dans The Encyclopedia of Adulthood and Aging, publ. sous la dir. de Susan Krauss Whitbourne, 1-5. Hoboken: John Wiley & Sons. http://doi.org/10.1002/9781118521373.wbeaa070.
Branco, Danyelle, et José Féres. 2021. «Weather Shocks and Labor Allocation: Evidence from Rural Brazil», American Journal of Agricultural Economics, 103 (4): 1359-1377. http://doi.org/10.1111/ajae.12171.
Brookes Gray, Harriet, Vis Taraz et Simon D. Halliday. 2023. «The Impact of Weather Shocks on Employment Outcomes: Evidence from South Africa», Environment and Development Economics, 28 (3): 285-305. http://doi.org/10.1017/S1355770X22000237.
Burke, Marshall, Solomon M. Hsiang et Edward Miguel. 2015. «Global Non-Linear Effect of Temperature on Economic Production», Nature, 527 (7577): 235-239. http://doi.org/10.1038/nature15725.
Chávez, Alicia, et Gabriel Rodríguez-Puello. 2022. «Commodity Price Shocks and the Gender Wage Gap: Evidence from the Metal Mining Prices Super-Cycle in Chile», Resources Policy, 76 (juin): article no 102497. http://doi.org/10.1016/j.resourpol.2021.102497.
Choudhry, Misbah Tanveer, Enrico Marelli et Marcello Signorelli. 2012. «Youth Unemployment Rate and Impact of Financial Crises», International Journal of Manpower, 33 (1): 76-95. http://doi.org/10.1108/01437721211212538.
Colmer, Jonathan. 2021. «Temperature, Labor Reallocation, and Industrial Production: Evidence from India», American Economic Journal: Applied Economics, 13 (4): 101-124. http://doi.org/10.1257/app.20190249.
Dell, Melissa, Benjamin F. Jones et Benjamin A. Olken. 2008. «Climate Change and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century», NBER Working Paper No. 14132. Cambridge (États-Unis): National Bureau of Economic Research.
Dell, Melissa, Benjamin F. Jones et Benjamin A. Olken. 2012. «Temperature Shocks and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century», American Economic Journal: Macroeconomics, 4 (3): 66-95. http://doi.org/10.1257/mac.4.3.66.
Desbureaux, Sébastien, et Aude-Sophie Rodella. 2019. «Drought in the City: The Economic Impact of Water Scarcity in Latin American Metropolitan Areas», World Development, 114 (février): 13-27. http://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.09.026.
Deschênes, Olivier, et Michael Greenstone. 2007. «The Economic Impacts of Climate Change: Evidence from Agricultural Output and Random Fluctuations in Weather», American Economic Review, 97 (1): 354-385. http://doi.org/10.1257/aer.97.1.354.
Diallo, Sadou, et Henri Atangana Ondoa. 2024. «Climate Shocks and Labor Market in Sub-Saharan Africa: Effects on Gender Disparities in Urban and Rural Areas», Journal of Social and Economic Development, mars (en ligne). http://doi.org/10.1007/s40847-024-00331-x.
Duffy, Elizabeth. 1957. «The Psychological Significance of the Concept of “Arousal” or “Activation”», Psychological Review, 64 (5): 265-275. http://doi.org/10.1037/h0048837.
Duflo, Esther. 2001. «Schooling and Labor Market Consequences of School Construction in Indonesia: Evidence from an Unusual Policy Experiment», American Economic Review, 91 (4): 795-813. http://doi.org/10.1257/aer.91.4.795.
Emerick, Kyle. 2018. «Agricultural Productivity and the Sectoral Reallocation of Labor in Rural India», Journal of Development Economics, 135 (novembre): 488-503. http://doi.org/10.1016/j.jdeveco.2018.08.013.
Emran, Shahe, et Forhad Shilpi. 2018. «Agricultural Productivity, Hired Labor, Wages, and Poverty: Evidence from Bangladesh», World Development, 109 (septembre): 470-482. http://doi.org/10.1016/j.worlddev.2016.12.009.
Fankhauser, Samuel, et Richard S. J. Tol. 2005. «On Climate Change and Economic Growth», Resource and Energy Economics, 27 (1): 1-17. http://doi.org/10.1016/j.reseneeco.2004.03.003.
Filmer, Deon, et Louise Fox. 2014. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne, Série Forum pour le Développement de l’Afrique. Washington: Banque mondiale.
Galiani, Sebastian, Paul Gertler et Ernesto Schargrodsky. 2005. «Water for Life: The Impact of the Privatization of Water Services on Child Mortality», Journal of Political Economy, 113 (1): 83-120. http://doi.org/10.1086/426041.
Gebrehiwot, Tagel, Anne van der Veen et Ben Maathuis. 2011. «Spatial and Temporal Assessment of Drought in the Northern Highlands of Ethiopia», International Journal of Applied Earth Observation and Geoinformation, 13 (3): 309-321. http://doi.org/10.1016/j.jag.2010.12.002.
Gertler, Paul J., Sebastian Martinez, Patrick Premand, Laura B. Rawlings et Christel M. J. Vermeersch. 2016. L’évaluation d’impact en pratique, deuxième édition. Washington: Banque mondiale.
GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). 2014. Climate Change 2014: Impacts, Adaptation and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects – Working Group II Contribution to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. New York: Cambridge University Press. [Un résumé en français est disponible sous le titre «Changements climatiques 2014: incidences, adaptation et vulnérabilité – Contribution du Groupe de travail II au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat», à l’adresse https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/WGIIAR5-IntegrationBrochure_fr-1.pdf.]
GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). 2022. Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability – Working Group II Contribution to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge et New York: Cambridge University Press.
Glewwe, Paul, et Petra Todd. 2022. Impact Evaluation in International Development: Theory, Methods and Practice. Washington: Banque mondiale.
Graff Zivin, Joshua, et Matthew Neidell. 2014. «Temperature and the Allocation of Time: Implications for Climate Change», Journal of Labor Economics, 32 (1): 1-26. http://doi.org/10.1086/671766.
Hancock, P. A., Jennifer M. Ross et James L. Szalma. 2007. «A Meta-Analysis of Performance Response Under Thermal Stressors», Human factors: The Journal of the Human Factors and Ergonomics Society, 49 (5): 851-877. http://doi.org/10.1518/001872007X230226.
Hancock, P. A., et Joel S. Warm. 1989. «A Dynamic Model of Stress and Sustained Attention», Human Factors: The Journal of the Human Factors and Ergonomics Society, 31 (5): 519-537. http://doi.org/10.1177/001872088903100503.
Hocking, Chris, Richard B. Silberstein, Wai Man Lau, Con Stough et Warren Roberts. 2001. «Evaluation of Cognitive Performance in the Heat by Functional Brain Imaging and Psychometric Testing», Comparative Biochemistry and Physiology Part A: Molecular & Integrative Physiology, 128 (4): 719-734. http://doi.org/10.1016/S1095-6433(01)00278-1.
Horowitz, John K. 2009. «The Income–Temperature Relationship in a Cross-Section of Countries and Its Implications for Predicting the Effects of Global Warming», Environmental and Resource Economics, 44 (4): 475-493. http://doi.org/10.1007/s10640-009-9296-2.
Hsiang, Solomon M., et Marshall Burke. 2014. «Climate, Conflict, and Social Stability: What Does the Evidence Say?», Climatic Change, 123 (1): 39-55. https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-013-0868-3.
Huang, Kaixing, Hong Zhao, Jikun Huang, Jinxia Wang et Christopher Findlay. 2020. «The Impact of Climate Change on the Labor Allocation: Empirical Evidence from China», Journal of Environmental Economics and Management, 104 (novembre): article no 102376. http://doi.org/10.1016/j.jeem.2020.102376.
Imbens, Guido W, et Jeffrey M. Wooldridge. 2009. «Recent Developments in the Econometrics of Program Evaluation», Journal of Economic Literature, 47 (1): 5-86. http://doi.org/10.1257/jel.47.1.5.
Jain, Vinit K., Rajendra P. Pandey, Manoj K. Jain et Hi-Ryong Byun. 2015. «Comparison of Drought Indices for Appraisal of Drought Characteristics in the Ken River Basin», Weather and Climate Extremes, 8 (juin): 1-11. http://doi.org/10.1016/j.wace.2015.05.002.
Jayachandran, Seema. 2006. «Selling Labor Low: Wage Responses to Productivity Shocks in Developing Countries», Journal of Political Economy, 114 (3): 538-575. http://doi.org/10.1086/503579.
Jessoe, Katrina, Dale T. Manning et J. Edward Taylor. 2018. «Climate Change and Labour Allocation in Rural Mexico: Evidence from Annual Fluctuations in Weather», Economic Journal, 128 (608): 230-261. http://doi.org/10.1111/ecoj.12448.
Josephson, Anna, et Gerald E. Shively. 2021. «Unanticipated Events, Perceptions, and Household Labor Allocation in Zimbabwe», World Development, 141 (mai): article no 105377. http://doi.org/10.1016/j.worlddev.2020.105377.
Joshi, Kuhu. 2019. «The Impact of Drought on Human Capital in Rural India», Environment and Development Economics, 24 (04): 413-436. http://doi.org/10.1017/S1355770X19000123.
Kahn-Lang, Ariella, et Kevin Lang. 2020. «The Promise and Pitfalls of Differences-in-Differences: Reflections on 16 and Pregnant and Other Applications», Journal of Business & Economic Statistics, 38 (3): 613-620. http://doi.org/10.1080/07350015.2018.1546591.
Kjellstrom, Tord, David Briggs, Chris Freyberg, Bruno Lemke, Matthias Otto et Olivia Hyatt. 2016. «Heat, Human Performance, and Occupational Health: A Key Issue for the Assessment of Global Climate Change Impacts», Annual Review of Public Health, 37: 97-112. http://doi.org/10.1146/annurev-publhealth-032315-021740.
Kjellstrom, Tord, Ingvar Holmer et Bruno Lemke. 2009. «Workplace Heat Stress, Health and Productivity – an Increasing Challenge for Low and Middle-Income Countries during Climate Change», Global Health Action, 2 (1): article no 2047. http://doi.org/10.3402/gha.v2i0.2047.
Kjellstrom, Tord, Bruno Lemke, P. Matthias Otto, Olivia M. Hyatt, David J. Briggs et Chris A. Freyberg. 2015. «Heat Impacts on Work, Human Performance, and Daily Life», dans Climate Change and Public Health, publ. sous la dir. de Barry S. Levy et Jonathan A. Patz, 73-86. New York: Oxford University Press.
Liotti, Giorgio. 2020. «Labour Market Flexibility, Economic Crisis and Youth Unemployment in Italy», Structural Change and Economic Dynamics, 54 (septembre): 150-162. http://doi.org/10.1016/j.strueco.2020.04.011.
Liu, Maggie, Yogita Shamdasani et Vis Taraz. 2023. «Climate Change and Labor Reallocation: Evidence from Six Decades of the Indian Census», American Economic Journal: Economic Policy, 15 (2): 395-423. http://doi.org/10.1257/pol.20210129.
Marelli, Enrico, et Marcello Signorelli. 2016. «Youth Unemployment and the Disadvantages of the Young in the Labour Market», dans Varieties of Economic Inequality, première édition, publ. sous la dir. de Sebastiano Fadda et Pasquale Tridico, 197-216. Routledge.
Minale, Luigi. 2018. «Agricultural Productivity Shocks, Labour Reallocation, and Rural-Urban Migration in China», Journal of Economic Geography, 18 (4): 795-821. http://doi.org/10.1093/jeg/lby013.
Mora, Ricardo, et Iliana Reggio. 2019. «Alternative Diff-in-Diffs Estimators with Several Pretreatment Periods», Econometric Reviews, 38 (5): 465-486. http://doi.org/10.1080/07474938.2017.1348683.
Mueller, Valerie, et Agnes Quisumbing. 2011. «How Resilient are Labour Markets to Natural Disasters? The Case of the 1998 Bangladesh Flood», Journal of Development Studies, 47 (12): 1954-1971. http://doi.org/10.1080/00220388.2011.579113.
Nordhaus, William. 2013. The Climate Casino: Risk, Uncertainty, and Economics for a Warming World. New Haven: Yale University Press. [Traduit en français sous le titre Le casino climatique: risques, incertitudes et solutions économiques face à un monde en réchauffement, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2019.]
OIT. 2010. Changement climatique et travail: l’objectif d’une «transition juste». Genève: BIT.
OIT. 2019. Travailler sur une planète plus chaude: l’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent. Genève: BIT.
OIT. 2020. Rapport sur l’emploi en Afrique (Re-Afrique): relever le défi de l’emploi des jeunes. Genève: BIT.
OIT. 2024. Emploi et questions sociales dans le monde: tendances 2024. Genève: BIT.
OMM (Organisation météorologique mondiale). 2020. État du climat en Afrique 2019, OMM-No 1253. Genève.
Paxson, Christina H. 1992. «Using Weather Variability to Estimate the Response of Savings to Transitory Income in Thailand», American Economic Review, 82 (1): 15-33. https://www.jstor.org/stable/2117600.
Phélinas, Pascale. 2014. «Comment mesurer l’emploi dans les pays en développement?», Revue Tiers Monde, 2014/2 (218): 15-33. http://doi.org/10.3917/rtm.218.0015.
Provins, K. A. 1966. «Environmental Heat, Body Temperature and Behaviour: An Hypothesis», Australian Journal of Psychology, 18 (2): 118-129. http://doi.org/10.1080/00049536608255722.
Rambachan, Ashesh, et Jonathan Roth. 2023. «A More Credible Approach to Parallel Trends», Review of Economic Studies, 90 (5): 2555-2591. http://doi.org/10.1093/restud/rdad056.
Ramsey, Jerry D. 1995. «Task Performance in Heat: A Review», Ergonomics, 38 (1): 154-165. http://doi.org/10.1080/00140139508925092.
Ramsey, Jerry D, Charles L. Burford, Mohamed Youssef Beshir et Roger C. Jensen. 1983. «Effects of Workplace Thermal Conditions on Safe Work Behavior», Journal of Safety Research, 14 (3): 105-114. http://doi.org/10.1016/0022-4375(83)90021-X.
Rose, Elaina. 2001. «Ex Ante and Ex Post Labor Supply Response to Risk in a Low-Income Area», Journal of Development Economics, 64 (2): 371-388. http://doi.org/10.1016/S0304-3878(00)00142-5.
Roth, Jonathan. 2022. «Pretest with Caution: Event-Study Estimates after Testing for Parallel Trends», American Economic Review: Insights, 4 (3): 305-322. http://doi.org/10.1257/aeri.20210236.
Sabbag, Lea. 2013. «Temperature Impacts on Health, Productivity, and Infrastructure in the Urban Setting, and Options for Adaptation», Sheltering Series No. 4. Boulder: Institute for Social and Environmental Transition-International.
Seghiar, Saliha. 2014. «Les jeunes, le chômage et la valeur du travail», Spécificités, 2014/1 (6): 256-265. http://doi.org/10.3917/spec.006.0256.
Seppänen, Olli, William J. Fisk et QH Lei. 2006. «Effect of Temperature on Task Performance in Office Environment», LBNL Working Paper No. 60946. Berkeley: Lawrence Berkeley National Laboratory.
Somanathan, E., Rohini Somanathan, Anant Sudarshan et Meenu Tewari. 2021. «The Impact of Temperature on Productivity and Labor Supply: Evidence from Indian Manufacturing», Journal of Political Economy, 129 (6). 1797-1827. http://doi.org/10.1086/713733.
Stern, Nicholas. 2007. The Economics of Climate Change: The Stern Review. Cambridge: Cambridge University Press.
Sudarshan, Anant, E. Somanathan, Rohini Somanathan et Meenu Tewari. 2015. «The Impact of Temperature on Productivity and Labor Supply – Evidence from Indian Manufacturing», CDE Working Paper No. 244. Delhi: Centre for Development Economics.
Szirmai, Adam, Mulu Gebreeyesus, Francesca Guadagno et Bart Verspagen. 2013. «Promoting Productive Employment in Sub-Saharan Africa: A Review of the Literature», MERIT Working Papers No. 2013-062. Maastricht: UNU-MERIT.
Vasmatzidis, Ioannis, Robert E. Schlegel et Peter A. Hancock. 2002. «An Investigation of Heat Stress Effects on Time-Sharing Performance», Ergonomics, 45 (3): 218-239. http://doi.org/10.1080/00140130210121941.
Williams, Andrew, et Abu Siddique. 2008. «The Use (and Abuse) of Governance Indicators in Economics: A Review», Economics of Governance, 9 (2): 131-175. http://doi.org/10.1007/s10101-006-0025-9.
Yeboah, Thomas, et Justin Flynn. 2021. «Rural Youth Employment in Africa: An Evidence Review», Evidence Synthesis Paper 10/2021. Leyde: INCLUDE Knowledge Platform. https://includeplatform.net/wp-content/uploads/2021/05/Rural-youth-employment-in-Africa-evidence-review.pdf.
Zhang, Peng, Olivier Deschenes, Kyle Meng et Junjie Zhang. 2018. «Temperature Effects on Productivity and Factor Reallocation: Evidence from a Half Million Chinese Manufacturing Plants», Journal of Environmental Economics and Management, 88 (mars): 1-17. http://doi.org/10.1016/j.jeem.2017.11.001.
Zhang, Qiong, Heiner Körnich et Karin Holmgren. 2013. «How Well Do Reanalyses Represent the Southern African Precipitation?», Climate Dynamics, 40 (3-4): 951-962. http://doi.org/10.1007/s00382-012-1423-z.