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La délibération collective sur le travail peut-elle le rendre soutenable? Le cas d’une coopérative d’intérêt collectif

Auteur: Geoffroy GONZALEZ (Centre Georg Simmel, École des hautes études en sciences sociales, Paris)

  • La délibération collective sur le travail peut-elle le rendre soutenable? Le cas d’une coopérative d’intérêt collectif

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    La délibération collective sur le travail peut-elle le rendre soutenable? Le cas d’une coopérative d’intérêt collectif

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Résumé

L’article interroge la délibération collective comme levier de la soutenabilité écologique et sociale du travail en entreprise. L’étude porte sur une société coopérative d’intérêt collectif dont les activités s’inscrivent dans des objectifs de transition écologique. Ce type de coopérative repose sur la participation de l’ensemble des parties prenantes (producteurs, consommateurs, etc.) à la délibération collective sur le travail. L’article analyse les apports et les limites de l’«holacratie» comme méthode d’organisation du travail censée favoriser la multiplication des espaces de délibération collective. L’auteur montre que l’impact de la délibération collective sur la soutenabilité du travail est contrasté et diffère selon les parties prenantes.

Mots clés: travail soutenable, coopérative, SCIC, multisociétariat, holacratie, travail d’organisation, délibération collective, démocratie au travail

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Publié le
2025-04-01

Examen par les pairs

Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Cet article est également disponible en anglais (International Labour Review, vol. 164, n° 1) et en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, n° 1).

1. Introduction

La notion de «travail soutenable» peut sembler opportune afin d’évaluer la capacité des entreprises à contribuer à un effort de transition ou de bifurcation écologique. Elle reste cependant floue. Deux perspectives principales se dégagent des travaux qui y ont été consacrés. La première regroupe des études insistant sur la dimension écologique de la soutenabilité du travail. Il s’agit alors de se concentrer sur les conséquences du travail sur les milieux biophysiques dans leur ensemble. Les options prises par ces auteurs sont variables, allant de la défense d’activités de travail permettant le maintien d’une croissance économique (Docherty, Kira et Shani, 2009) à des approches plus radicales envisageant d’évaluer la soutenabilité en s’appuyant sur des données chiffrées, principalement le taux d’émission de CO2 (Hoffmann, 2023). Une seconde tendance rassemble les travaux mettant en avant la dimension sociale de la soutenabilité du travail. Pour ces auteurs, c’est d’abord l’activité de travail qui doit être soutenable. Certains mettent ainsi en avant l’idée selon laquelle la force de travail devrait être préservée tout au long de la vie (Kira, van Eijnatten et Balkin, 2010; Barisi, 2011; Eurofound, 2021). D’autres vont plus loin, évoquant la nécessité d’un travail adapté aux caractéristiques de la physiologie humaine et de son évolution dans le temps, mais aussi «propice à l’élaboration de stratégies de travail efficientes» et permettant d’éviter les tensions entre sphère familiale et activité de travail (Gollac, Guyot et Volkoff, 2008, p. 7). Dès lors que ces deux dimensions sont comprises dans leur complémentarité, comme le défendent Lisa Herzog et Bénédicte Zimmermann (2025) dans leur contribution au présent dossier, le travail soutenable implique d’organiser des conditions de travail et un procès de production dont les conséquences ne soient néfastes ni pour les travailleurs ni pour les équilibres écosystémiques.

Du point de vue sociologique, une manière de questionner le rapport entre l’idéal d’une soutenabilité du travail et la réalité des pratiques dans un contexte d’entreprise peut consister à interroger les dispositifs organisationnels dont la mise en place pourrait avoir une incidence sur la soutenabilité du travail, de façon à évaluer la manière dont ces dispositifs pourraient favoriser ce type de soutenabilité, mais aussi les limites qu’ils peuvent présenter. Le présent article propose d’étudier le cas d’une forme entrepreneuriale apparue relativement récemment dans le cadre juridique français: la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC)1. Comme les coopératives de production classiques, la SCIC est une entreprise dont la propriété est collective. Chacun de ses membres, que l’on appelle «sociétaires», possède au minimum une «part sociale». La part sociale est l’équivalent coopératif d’une action mais, quel que soit le nombre de parts sociales détenues, chaque sociétaire dispose théoriquement2 d’un pouvoir de vote égal aux autres dans le cadre de l’assemblée générale, selon le principe «une personne égale une voix». La SCIC se différencie des autres coopératives par sa dimension «multisociétariale»3, c’est-à-dire par le fait que son sociétariat doit réunir plusieurs catégories de membres. Là où les coopératives de production permettent aux seuls travailleurs salariés d’entrer au sociétariat, le cadre juridique de la SCIC impose que soient créées une catégorie de producteurs (salariés ou non), une catégorie de bénéficiaires (usagers, consommateurs, etc.) et au moins une troisième catégorie dont la définition est libre et qui regroupe le plus souvent des financeurs, des soutiens ou des représentants de collectivités territoriales (figure 1).

Figure 1
Figure 1

Catégories de sociétaires généralement utilisées dans le cadre du multisociétariat en SCIC

Source: https://www.les-scic.coop/presentation (consulté le 4 juillet 2024).

En tant que coopérative, la SCIC s’inscrit dans le cadre de «l’identité coopérative» prônée par le mouvement coopératif international. Cette identité coopérative est constituée par un ensemble de principes4 (Alliance Coopérative Internationale, 1995) parmi lesquels figurent deux idées que l’on peut rapporter à la question du travail soutenable. Il s’agit premièrement de l’idée selon laquelle les membres doivent bénéficier d’une formation suffisante afin de pouvoir participer à la gestion de l’entreprise. Deuxièmement, l’un des principes coopératifs insiste sur le fait que les membres doivent chercher à favoriser une production en harmonie avec des objectifs de développement durable. À travers ces principes, l’identité coopérative semble offrir un cadre pouvant favoriser une certaine soutenabilité à la fois sociale et écologique du travail5. C’est d’ailleurs ce que semblent confirmer diverses études, qui montrent que les coopératives offrent une meilleure qualité d’emploi et de travail que les entreprises classiques (Richez-Battesti, Petrella et Melnik, 2011; Chorum, 2020) et qu’elles contribuent à la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies (Lafont, Saura et Ribeiro-Soriano, 2023).

Cet article repose sur l’hypothèse selon laquelle la dimension multisociétariale de la SCIC peut offrir un contexte encore plus favorable à la soutenabilité sociale et écologique du travail dans la mesure où, en instaurant un mode de gouvernance6 censé prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, le modèle de la SCIC est supposé permettre d’intégrer les besoins, de repérer les problèmes et de définir des solutions du début à la fin de la chaîne de production, mais aussi en amont et en aval de cette dernière. L’article propose de tester cette hypothèse via une étude de cas. Il s’agit d’analyser les dispositifs par lesquels le multisociétariat est mis en œuvre et de déterminer si et comment ils peuvent se révéler propices à l’identification et au traitement des formes d’insoutenabilité du travail.

Parce que la spécificité des coopératives est de donner la parole à chacun de ses membres et d’envisager la décision comme une pratique collective, répondre à ces questions amène à porter une attention particulière à la manière dont se prennent les décisions dans l’entreprise. Afin d’étudier les mécanismes de la décision collective, nous proposons de croiser deux cadres théoriques complémentaires: la théorie du travail d’organisation de Gilbert de Terssac et la théorie de la délibération collective de Philippe Urfalino.

S’inscrivant dans la continuité de la théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud, qui insistait sur les processus de production et de reproduction de la règle collective dans les organisations (Reynaud, 1989), Gilbert de Terssac explique que toutes les formes de travail organisé s’accompagnent d’un «travail d’organisation» qui consiste à repérer l’impertinence de la règle collective de travail et à «inventer des solutions efficaces pour résoudre les problèmes posés par les perturbations qui contredisent le déroulement habituel de la production» (de Terssac, 2011, p. 103). Le travail d’organisation doit alors être compris comme comportant deux phases: l’ajustement de la règle en situation et la tentative de faire valider cet ajustement par le collectif, pour produire une nouvelle règle socialisée au moyen d’un processus de délibération collective.

D’après Philippe Urfalino, délibérer collectivement c’est procéder à l’organisation d’un débat, durant lequel des arguments fondés sur des formes de raisonnement pratique vont être échangés par les membres du groupe. Ces derniers cherchent par là à se persuader les uns les autres de la forme la plus pertinente que devrait prendre la règle. Pour qu’un tel débat aboutisse, il faut que les membres du groupe se soient entendus en amont sur une métarègle censée clôturer la délibération collective. Définie par le groupe, cette métarègle arrête la décision collective qui va obliger le groupe (Urfalino, 2021).

Ces deux appuis théoriques font apparaître combien la décision collective n’est pas spontanée. Elle est plutôt la dernière étape d’un processus qui part de la détection d’un problème et qui conduit à une délibération collective dont l’objectif est de statuer sur la meilleure manière de résoudre ce problème. Dans le contexte d’une coopérative multisociétariale comme la SCIC, nous allons nous attacher à montrer si et comment les différents types de sociétaires peuvent prendre part à la délibération collective. Pour ce faire, nous analyserons un modèle d’organisation du travail utilisé afin de permettre la participation de l’ensemble des parties prenantes à la délibération collective en favorisant une distribution de l’autorité et de la responsabilité et en aplanissant la hiérarchie: la méthode holacratique. Nous montrerons comment cette méthode est mise en œuvre au sein d’Enercoop Région, une SCIC qui fait valoir une recherche d’excellence écologique dans le domaine de la production et de la commercialisation d’énergie verte (voir encadré).

Dans la deuxième partie de l’article, nous analyserons en premier lieu la manière dont les membres de cette SCIC ont structuré la gouvernance de leur entreprise en ouvrant, aux différents niveaux de l’organisation, des arènes de délibération collective dans lesquelles des sociétaires de tous les collèges, salariés ou non, peuvent siéger. Nous montrerons ensuite combien le choix de la méthode holacratique tend à atténuer la souffrance au travail que produit dans d’autres contextes l’absence d’attribution de moyens destinés à l’effectuation du travail d’organisation. Ces résultats seront ensuite confrontés à ce que requiert l’organisation holacratique de la délibération collective, notamment en termes de disponibilité temporelle. Qu’il s’agisse du temps requis pour adopter la méthode ou du temps de travail d’organisation qu’elle induit, nous montrerons que certains effets d’insoutenabilité sociale peuvent en découler, sous forme de tensions relationnelles ou de surcharge de travail.

Dans la troisième partie, nous étudierons l’impact de la délibération collective outillée par la méthode holacratique sur la soutenabilité écologique de la SCIC. Nous montrerons d’abord que c’est par la délibération des salariés que sont décidées des formes de mitigation des effets d’insoutenabilité écologique liés à la nature de la production de l’entreprise. Puis nous exposerons les limites du multisociétariat en matière d’impact sur la soutenabilité écologique du travail en montrant que la délibération collective des autres catégories de sociétaires, à travers le conseil d’administration de la SCIC, n’intervient qu’à la marge sur la compensation des effets d’insoutenabilité écologique du travail.

Terrain et méthode

Cet article repose sur une enquête de terrain menée en France entre 2019 et 2022 au sein d’une coopérative membre du réseau national Enercoop. Ce réseau regroupe, en plus d’une SCIC dite «nationale» basée en région parisienne, dix SCIC régionales. Celles-ci ont pour mission de commercialiser le service proposé par la coopérative nationale, à savoir la fourniture d’électricité verte, tout en suscitant l’ouverture de sites locaux de production d’énergie renouvelable.

Le réseau Enercoop s’affiche comme le représentant d’un «modèle unique en son genre»1 consistant à fournir une électricité «100 pour cent renouvelable», c’est-à-dire issue de sites de production d’énergie photovoltaïque, éolienne ou hydraulique.

La coopérative étudiée, que l’on nommera ici Enercoop Région, a été créée en 2013. Son conseil d’administration se compose d’une quinzaine de personnes représentant les six catégories de sociétaires: salariés, porteurs, producteurs, consommateurs, partenaires, collectivités. À la fin de l’année 2022, la coopérative comptait environ 3 600 sociétaires répartis dans ces six collèges. L’activité des dix salariés2 de la SCIC était partagée entre deux pôles économiques: l’accompagnement de projets citoyens de production d’énergie verte ainsi que la commercialisation de la fourniture d’énergie.

Les analyses présentées ici s’appuient sur des données tirées de l’observation à découvert de réunions de divers types (tableau 1). Dix-neuf entretiens approfondis ont aussi été conduits avec des sociétaires (tableau 2). D’une durée moyenne d’une heure et trente minutes, ces entretiens étaient enregistrés. Les noms des personnes et des localités citées dans l’article ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

Tableau 1

Synthèse des réunions observées entre le 19 novembre 2019 et le 7 novembre 2022

Type de réunion observé Nombre de réunions Durée totale des observations (en heures) Nombre de participants
Production 4 4 3 à 4
Fourniture 3 4,5 3 à 4
Administration 2 2 2
Coordination 5 8 4 à 5
Équipe salariée 4 14 9 à 10
Conseil d’administration 5 13 8 à 14
Tableau 2

Genre et fonction des sociétaires d’Enercoop Région interviewés

Genre Femme 9
Homme 10
Fonction dans l’entreprise Administrateur 10
Salarié en CDI 11
Salarié en alternance 1

1 Voir https://www.enercoop.fr/ (consulté le 4 juillet 2024).

2 À cette équipe de dix salariés engagés en contrat à durée indéterminée et sociétaires de la SCIC s’ajoutent plusieurs employés en contrat d’alternance, stage ou service civique. Leur temps de travail hebdomadaire plus restreint, la durée réduite de leur engagement dans l’entreprise et leur éloignement du sociétariat expliquent qu’ils n’aient pas été pris en compte dans la présente analyse.

2. Les effets contrastés de la délibération collective sur la soutenabilité sociale du travail

Pour la majorité des 3 600 sociétaires d’Enercoop Région, dont 84 pour cent sont des clients, membres du collège des consommateurs, la délibération collective sur le travail dans la SCIC n’est pas une pratique courante. La principale occasion pour un sociétaire non salarié et non administrateur de prendre part à une forme de délibération collective réside dans l’assemblée générale annuelle. Or, en 2022, par exemple, seuls 28 pour cent des sociétaires, toutes catégories confondues, ont pris part aux différents votes7. Ce chiffre, rapporté au taux de participation aux assemblées générales dans les banques coopératives, qui tourne entre 1,5 et 7 pour cent (Caire et Nivoix, 2012)8, n’est pas dérisoire, mais il indique que seul un nombre restreint des sociétaires d’Enercoop Région participe effectivement à la validation formelle des règles générales concernant la SCIC, par exemple la définition de la valeur de la part sociale ou l’attribution d’un budget d’«indemnités compensatrices» destiné aux administrateurs. Qui plus est, la plus grande part des délibérations collectives se joue ailleurs qu’en assemblée générale, dans des instances auxquelles les sociétaires non salariés et non administrateurs n’ont pas accès. C’est principalement au sein du conseil d’administration et dans les différents groupes de travail de l’Équipe salariée que se prennent les décisions et que les règles sont amendées. La différence entre ces espaces et l’assemblée générale est qu’il s’agit davantage d’espaces de travail. Le travail des sociétaires salariés et administrateurs y est non seulement régulier, mais aussi plus reconnu, par exemple au moyen de rémunérations fixes, celles des salariés, ou exceptionnelles, celles des administrateurs. Il est aussi lié à une forme de responsabilité plus forte, qu’il s’agisse de la responsabilité pénale du président, des responsabilités électives des élus au conseil d’administration ou encore de responsabilités salariales. C’est sur ces espaces de délibération collective sur le travail que les analyses seront focalisées.

2.1. Éviter la souffrance au travail en dédiant des temps au travail d’organisation

Dès la création d’Enercoop Région, en 2013, et en cohérence avec les pratiques de travail au sein d’Enercoop Nationale, les premiers salariés ont eu à cœur d’adopter une organisation du travail s’éloignant du schéma classique de la hiérarchie pyramidale. Néanmoins, ce n’est qu’au bout de quelques années, à mesure que le nombre de salariés augmentait, que la nécessité se fit sentir de mettre en place des outils formels permettant de consolider ce mode d’organisation. À partir de septembre 2019, notamment, l’Équipe salariée et le conseil d’administration ont décidé de se faire accompagner par un groupe de salariés de la SCIC Enercoop Nationale formés à la «gouvernance partagée» et notamment au management «holacratique». La notion d’«holacratie»9, qui provient de la littérature en management (Robertson, 2015), renvoie à une méthode de répartition des responsabilités et de dissémination des niveaux de prise de décision. Cette méthode, qui est censée permettre de distribuer l’autorité et favoriser l’auto-organisation, repose sur le modèle d’une hiérarchie composée de «cercles» unis par des «doubles-liens», à savoir le fait que certains membres de ces cercles puissent participer en même temps à d’autres cercles, de manière à favoriser la circulation de l’information au sein de l’entreprise (Romme, 1995).

Concrètement, cela implique une déverticalisation de la hiérarchie organisationnelle. Chaque cercle doit ainsi prendre en charge le pilotage, l’exécution et l’évaluation d’une mission. Disposant pour cela d’une relative autonomie, les membres d’un cercle sont censés être responsables de leur mode d’organisation interne et, s’il existe un rôle de responsable, celui-ci consiste non seulement à manager les membres du cercle, mais aussi à assurer le «double-lien» entre eux et les entités de niveau supérieur, en faisant circuler l’information dans les deux sens.

Dans le cas d’Enercoop Région, on peut dénombrer sept cercles comprenant uniquement des sociétaires salariés: Équipe salariée, Coordination, Administration, Fourniture, Production, Vie coopérative et Communication (voir figure 2). Le cercle Production est par exemple responsable du développement des projets de sites de production d’énergie renouvelable, tandis que le cercle Fourniture regroupe des salariées assurant des missions commerciales consistant à ouvrir des contrats de fourniture d’électricité et à assurer un service d’assistance téléphonique. Les cercles Vie coopérative et Communication, qui ne se composaient au moment de l’enquête que d’une seule personne10, se chargent de fonctions support comme l’organisation de l’assemblée générale ou de la levée de fonds annuelles, ainsi que des échanges avec les sociétaires et le public. Ces quatre cercles sont en lien direct, via leurs responsables, avec le cercle Coordination, organe au sein duquel lesdits responsables se sont réparti les fonctions de direction. Ce faisant, le responsable du cercle Vie coopérative, qui avait pris en charge la fonction de gestion administrative, s’est retrouvé membre d’un sixième cercle autour de l’Administration. Enfin, chaque salarié est membre d’office du cercle Équipe salariée.

Figure 2
Figure 2

Organisation holacratique des salariés d’Enercoop Région en 2022

Source: Reformulation par l’auteur d’un schéma d’organisation fourni par la responsable du cercle Fourniture).

Chacun de ces différents cercles bénéficie d’une certaine autonomie en ce qui concerne son mode de fonctionnement. Les membres de ces cercles prennent régulièrement des décisions collectives, qui portent à la fois sur des enjeux opérationnels et organisationnels. Les membres du cercle Production, par exemple, décident autant de leurs plans de charge respectifs et de la fréquence de leurs réunions que du choix des futurs sites à prospecter en vue d’y installer des centrales photovoltaïques ou du rapport à entretenir avec des élus ou opposants à un projet. Quant au cercle Coordination, le contenu de ses délibérations s’étend du choix des événements où représenter Enercoop Région à la gestion des ressources humaines.

En ce qui concerne les administrateurs, le nombre de cercles est plus restreint (figure 3) si l’on confine l’analyse à la seule Enercoop Région11. En effet, outre le cercle du conseil d’administration, où l’on retrouve les représentants de chacune des catégories de sociétaires de la SCIC et où se prennent les décisions stratégiques liées au développement de l’entreprise, il existe un cercle n’incluant que trois membres du conseil d’administration, le COS ou comité opérationnel de suivi, dont le rôle consiste à aider l’Équipe salariée à préparer l’ordre du jour des réunions du conseil d’administration.

Figure 3
Figure 3

Organisation holacratique des administrateurs d’Enercoop Région en 2022

Note: CA = conseil d’administration.

Source: Auteur, à partir des observations et des entretiens.

Les promoteurs de la méthode holacratique d’organisation du travail vantent son potentiel en termes d’implication de toutes les parties prenantes (Richard et al., 2020) dans la résolution de problèmes au sein de l’entreprise (Autissier, Johnson et Moutot, 2016). Certains y voient même un dispositif permettant de favoriser des objectifs de soutenabilité sociale (Archer, Forrester-Wilson et Muirhead, 2016). De fait, les membres les plus actifs de la SCIC (salariés et administrateurs) semblent être en mesure, grâce à leur répartition dans les divers cercles, de contribuer aux différents aspects du travail d’organisation. Outre cette cohérence vis-à-vis des enjeux liés à la mise en œuvre du multisociétariat dans la SCIC, l’holacratie permet d’éviter un facteur d’insoutenabilité sociale du travail bien documenté: la prescription du travail d’organisation sans l’octroi des moyens de le réaliser (Dujarier, 2012, pp. 173-177). En dédiant des temps spécifiques – les diverses réunions des cercles – au travail d’organisation, les membres de la SCIC se donnent les moyens de le mettre en œuvre. Ils paraissent donc en mesure d’échapper aux troubles de santé associés au travail d’organisation empêché (Clot, 2013; de Terssac, 2013) et favoriser par là un certain degré de soutenabilité sociale de leur travail.

2.2. Les effets d’insoutenabilité de la délibération collective sur le travail des salariés: tensions et surmenage

Pour autant, la mise en œuvre de la délibération collective via la méthode holacratique s’accompagne de certaines limites du point de vue de la dimension sociale de la soutenabilité du travail. La principale de ces limites est la dimension chronophage de cette méthode. Comme le relèvent les sociologues Carine Ollivier et Sandrine Rospabé (2022), la mise en place de la méthode holacratique et son adoption par les membres peut prendre un temps considérable. Dans le cas d’Enercoop Région aussi, la formalisation d’une telle organisation du travail a demandé de nombreux ajustements, en particulier pour les membres salariés. Entre son introduction, en 2019, et 2022, l’équipe et le conseil d’administration ont organisé diverses réunions et séminaires internes et ont suivi plusieurs formations, prodiguées par des prestataires externes, afin de préciser les attributions de responsabilités et le périmètre des cercles. Bien que le caractère chronophage de l’adoption de la méthode soit explicitement reconnu par ses promoteurs, qui s’accordent pour dire qu’il faudrait environ dix ans pour que l’outil soit pleinement accepté et fonctionne de façon optimale (ibid.), il reste à évaluer quels impacts sur la soutenabilité sociale du travail cette intégration progressive peut avoir. Ces impacts sont de deux ordres: le surgissement de tensions dans les relations entre membres et l’apparition d’une surcharge de travail pour certains membres de l’Équipe salariée.

La notion de «tension» est au cœur de la méthode holacratique. Cette dernière doit en effet permettre de faire émerger et de résoudre des «tensions», c’est-à-dire des écarts entre l’existant et la norme recherchée. Rapportées au cadre de la théorie du travail d’organisation, les tensions correspondent donc à des points d’achoppement dans le processus de production. La mise en délibération collective de ces points d’achoppement dans les cercles est alors censée permettre aux membres d’effectuer le travail d’organisation au plus près des tensions existantes. Or la notion de tension a pu, au départ, être ambigüe pour certains membres:

J’ai pas mal halluciné en arrivant […] du fait que je trouvais que les gens n’étaient pas du tout sympas les uns avec les autres, et pas respectueux dans leurs échanges. Il y avait beaucoup de violence [à cause] de méthodes d’intelligence collective mal appliquées. On fonctionnait par tensions, sauf que personne ne savait ce que c’était qu’une tension. Donc il y avait des gens qui arrivaient avec un énorme truc au milieu de la table, là. Et qui le balançaient à la gueule des autres. Et c’était pas… fait de manière non violente (Illona, 35 ans, responsable du cercle Fourniture, entretien du 20 mai 2022).

Les difficultés relationnelles occasionnées par la mise en place de la méthode holacratique ne s’arrêtent cependant pas à ce genre d’ambigüité sur la notion de tension. La multiplication des espaces et des temps d’expression a aussi mis au jour la nécessité pour les membres de se former à la prise de parole non violente afin d’éviter la reproduction de situations conflictuelles dont la plus significative survint en 2020 lorsque Victor, le responsable du cercle Vie coopérative, exprima, d’une manière jugée violente par plusieurs de ses collègues, un certain nombre de malaises et de frustrations vis-à-vis de la réduction progressive des activités liées à son pôle d’activités, puis entama une période d’arrêt de travail de plusieurs mois. Ces difficultés liées à la formulation de tensions ont progressivement été surmontées par les membres. Après une phase expérimentale d’environ trois ans, ceux-ci en sont venus à partager un même sentiment de valorisation de la méthode. Pour Julie, par exemple, la participation aux cercles fait partie de ce qui compte le plus dans son travail, car «ça permet de prendre vachement de recul sur les projets, de pouvoir échanger sur les pratiques, c’est hyper riche de se connaître bien les uns les autres»12. On peut néanmoins supposer que, pour chaque nouvelle personne recrutée, un certain temps d’adaptation est nécessaire.

D’autant qu’au temps d’adaptation s’ajoute le temps du travail d’organisation qu’implique la méthode holacratique. En effet, étant donné la fréquence des réunions des différents cercles, les membres salariés voient une part conséquente de leur temps de travail consacrée à gérer des tensions et à délibérer quant à leur résolution. C’est ce que montre le tableau 3.

Tableau 3

Fréquence des réunions des différents cercles chez Enercoop Région en 2022

Entité holacratique Fréquence de réunions
Cercles Production et Administration 4 réunions par mois
Durée = 1 h
Cercle Fourniture 2 réunions par mois
Durée = 1 h 30
Cercle Coordination 1 réunion par mois
Durée = 1 h 30
Plénière (cercle Équipe salariée) 1 réunion par mois
Durée = 3 h
  • Note: Le décompte des heures a été réalisé par nos soins. Nous nous sommes appuyé sur les fréquences et durées réglementaires, qui nous ont été indiquées à plusieurs reprises par Loïc (directeur entre 2018 et 2022), puis par Illona (responsable du management à partir de 2022). Nos observations de réunions ont confirmé que ces fréquences et durées tendaient à être respectées.

Il faudrait ajouter au tableau 3, qui est incomplet, un certain nombre de réunions dont la fréquence est irrégulière, comme les réunions bilatérales entre membres de l’équipe, les réunions de groupes de travail ponctuels, les réunions «réseau» qui permettent aux salariés de collaborer avec leurs homologues dans les autres coopératives du réseau Enercoop. On pourrait aussi y ajouter les réunions impliquant d’autres sociétaires que les seuls salariés, comme celles du conseil d’administration et du comité d’orientation stratégique, auxquelles certains salariés participent. Enfin, ce tableau ne permet pas de prendre en compte le temps de préparation de toutes ces réunions et la gestion des échanges, notamment par voie électronique, entre membres des différents cercles. Il permet toutefois de réaliser que pour Mathieu, par exemple, qui est responsable du cercle Production, membre du cercle de coordination, du conseil d’administration et de l’Équipe salariée, et qui s’occupe du lien avec le réseau à la fois au niveau du CODIR (instance regroupant les directeurs de toutes les coopératives du réseau Enercoop) et au niveau de la commission Production nationale, le temps occupé par le travail d’organisation s’élève au minimum à quinze ou vingt heures, soit entre 12 et 15 pour cent de son temps de travail mensuel. Pour une salariée impliquée dans un nombre plus restreint de cercles, comme Julie (Production et Plénière), le travail d’organisation représente plus de 5 pour cent de son temps mensuel. Dans le cadre d’un fonctionnement holacratique, le temps dédié à ce genre d’activité régulatrice qu’est le travail d’organisation est donc considérable.

La dimension chronophage du travail d’organisation a un impact sur l’efficacité productive du travail, ce que les membres de l’Équipe salariée jugent délétère. Ce sont surtout les membres du cercle Coordination, au premier chef desquels Mathieu et Victor, qui se plaignent régulièrement, en réunion, de manquer de temps pour réaliser les missions propres à leurs métiers. Leurs attitudes face à ce problème diffèrent cependant. Après l’épisode de grande tension évoqué plus haut, Victor s’est résigné, avec une certaine dose de ressentiment, à réduire ses activités d’animateur de la vie coopérative d’Enercoop Région. Il a par exemple cessé de recruter des «ambassadeurs», ces sociétaires qu’il formait pour les aider à devenir des relais locaux du plaidoyer commercial d’Enercoop. Mathieu, quant à lui, ne peut réduire inconsidérément ses activités «métier» liées au cercle Production. Qu’il s’agisse de la prospection de nouveaux sites d’implantation, du développement de projets de centrales photovoltaïques ou encore des négociations avec les acteurs locaux, ces activités sont structurantes pour la SCIC. Il se retrouve donc «sous pression»13 et manque régulièrement de temps «métier», parce qu’il doit mener à bien sa part du travail d’organisation. Quant aux autres salariés, leur conscience du risque d’improductivité lié à la multiplication des temps de travail d’organisation se manifeste régulièrement lorsqu’ils expriment à tour de rôle leurs ressentis sur la qualité de leurs réunions dès celles-ci terminées. Dans ces occasions, nombre d’entre eux valorisent les réunions qui ont été conduites «efficacement», soit celles durant lesquelles le plus grand nombre de sujets ont pu être traités, sans qu’il ne soit nécessaire d’organiser des réunions supplémentaires qui grèveraient d’autant leurs temps de travail «métier».

La mise en place d’une organisation du travail fondée sur la délibération collective des sociétaires les plus actifs, par la méthode holacratique, présente donc des effets contrastés en termes de soutenabilité sociale du travail. Si la méthode permet d’éviter certaines souffrances au travail en associant les membres à un travail d’organisation au plus près des tensions liées au procès de production, le temps requis à cet effet peut créer des tensions relationnelles et être une source de surcharge de travail pouvant mener au surmenage.

3. Mitiger l’insoutenabilité écologique du travail

3.1 Le rôle central de la délibération collective des salariés dans la soutenabilité écologique de leur travail

Si l’organisation holacratique de la délibération collective peut occasionner des effets contrastés sur la soutenabilité sociale du travail, qu’en est-il de l’impact de cette méthode sur la soutenabilité écologique de la SCIC? Afin de mettre à l’épreuve l’hypothèse selon laquelle la contribution à la décision collective des membres intervenant de l’amont à l’aval du procès de production peut avoir une influence significative sur le degré de soutenabilité du travail dans l’entreprise, il faut observer les différents types de décisions collectives prises par les membres salariés et administrateurs lorsqu’ils sont confrontés à une situation de travail caractéristique de l’entreprise: l’aménagement de centrales photovoltaïques sur des espaces naturels.

Si le réseau Enercoop s’appuie sur des sources variées d’énergie, la SCIC Enercoop Région concentre ses efforts sur le développement de projets de panneaux photovoltaïques au sol. Lorsqu’il s’agit d’un projet d’envergure, la concurrence avec les grands opérateurs privés oblige la SCIC à restreindre ses critères de recherche concernant les terrains, ce qui n’est pas sans conséquence en termes de soutenabilité écologique. En effet, bien que la priorité de l’équipe de prospection soit de déceler des zones déjà anthropisées pour implanter les nouvelles centrales afin de limiter leur impact sur la biodiversité, le plus souvent c’est sur des parcelles naturelles que les projets sont envisagés du fait de la difficulté à obtenir des marchés sur les zones anthropisées. Étant donné la dimension écologique du projet économique et politique du réseau Enercoop, on pourrait imaginer que le choix définitif d’une parcelle revienne au cercle responsable des questions stratégiques: le conseil d’administration. Or, ce n’est pas le cas. Lorsque l’équipe du cercle Production, après avoir sélectionné une parcelle, s’apprête à lancer des études prospectives et à se mettre en contact avec les acteurs locaux concernés, elle en informe le conseil d’administration, mais celui-ci ne prend pas directement part à la décision. Ce n’est qu’ensuite, dès lors que l’analyse du projet de production est suffisamment avancée et que la sécurisation financière approche, que le cercle Production présente les tenants et aboutissants du projet devant le conseil d’administration, lequel va alors délibérer afin d’émettre un avis ou des recommandations. Les membres du conseil d’administration ne peuvent donc pas décider collectivement du terrain à sélectionner. Seuls les salariés du cercle Production sont en mesure de le faire. Et si les membres du conseil d’administration peuvent, en théorie, s’opposer, au bout du processus, au choix d’un terrain, ils ne le font en réalité jamais étant donné que l’avancement du projet est tel que la plupart des critiques ont déjà été traitées par le cercle Production, dont les membres ont par ailleurs informé régulièrement le conseil d’administration de l’avancée de leur travail.

Si ce n’est pas sur le choix du terrain que la délibération collective multisociétariale peut intervenir, c’est surtout parce que, du propre aveu des salariés du cercle Production, ces terrains sont «difficiles à trouver»14 et que, une fois sélectionnés, rien ne garantit qu’ils permettront le montage d’un projet, car les obstacles sont nombreux. Il faut en effet convaincre la collectivité publique ou les personnes privées propriétaires du terrain de l’opportunité d’un partenariat, réaliser les études préalables à la demande de permis de construire, mais aussi persuader les habitants que le projet ne constituera pas un problème pour eux, que ce soit du point de vue du paysage, de leur santé ou encore de la biodiversité locale. Cette série d’épreuves explique que ces projets n’aboutissent en général qu’après trois à cinq ans de développement. Or, c’est durant ce temps de développement que les conséquences, a priori négatives en termes de soutenabilité écologique, du choix de la parcelle vont pouvoir être mitigées par une série de délibérations collectives.

La première d’entre elles consiste à décider de la mise en œuvre de divers dispositifs et arguments de manière à compenser les effets d’insoutenabilité écologique liés au choix d’une zone naturelle. Il s’agit, encore une fois, d’une délibération collective appartenant au cercle Production. L’un des «grands projets» investis par Enercoop Région au début des années 2020, sur la commune de Pondrolles, permet de l’illustrer. Ce projet s’est heurté à une résistance importante lorsque plusieurs collectifs d’habitants ont déposé un recours conjoint à l’encontre du permis de construire. Face à de tels cas, les salariés du cercle Production doivent prendre un certain nombre de décisions collectives. En l’espèce, ils ont tout d’abord décidé de s’appuyer sur une concertation en amont du lancement du projet, avec des experts, des responsables politiques, mais aussi avec les habitants. Les expertises réalisées par les services de l’État (enquêteur public, experts) ont ainsi permis de transformer le projet initial, notamment concernant des aspects liés au paysage. Et c’est en s’appuyant sur ces expertises que les salariés ont pu argumenter en faveur du projet lors de leurs discussions avec les élus locaux ou lorsqu’ils ont organisé une réunion publique sur place, en envisageant la venue probable des opposants au projet. L’argumentation a alors reposé sur une analyse du degré d’insoutenabilité écologique du projet, du point de vue de son impact sur la biodiversité. Pour Mathieu, le responsable du cercle Production, «[les salariés d’Enercoop sont] droits dans [leurs] bottes»15 car, bien que la parcelle soit naturelle (non anthropisée), la biodiversité y est tout sauf florissante. D’après lui, le sol y est «pauvre, et seuls les pins sylvestres peuvent y pousser»16. Sa collègue Julie explique que cette essence d’arbre «colonise chaque espace laissé libre», ce qui fait reculer «les espèces endémiques comme le mélèze ou le hêtre», à tel point que la commune est recouverte à 80 pour cent de pins sylvestres. Le lieu d’implantation implique donc bel et bien un impact sur la végétation locale, puisqu’une forêt de pins doit être rasée, mais cet impact n’est pas perçu comme étant significatif du point de vue de la biodiversité, puisque la forêt en question ne présente pas de diversité végétale particulière. Un autre de leurs arguments est que le projet comprend un volet de mesures «compensatoires» consistant, pour les constructeurs, en un engagement à planter des espèces endémiques sur d’autres parcelles, de manière à «réparer» les forêts «en voie de disparition»17. Mathieu est donc confiant et, d’après lui, «même en prenant en compte le fait qu’on coupe une forêt, le bilan carbone est positif». Dès lors que les salariés du cercle Production considèrent avoir mitigé les conséquences négatives du choix de la parcelle en prenant des mesures compensatoires, il leur suffit de faire preuve de patience face aux recours déposés par les opposants au projet. Mathieu explique ainsi au conseil d’administration que les arguments des opposants «ne tiennent pas la route» et que les membres de l’équipe choisissent d’attendre que la justice leur donne raison.

Les salariés sont donc bel et bien conscients de l’impact direct sur l’environnement que peut représenter leur travail d’implantation de centrales photovoltaïques, mais ils s’en accommodent en imaginant des contre-mesures grâce auxquelles, à leurs yeux, les effets positifs de leur action l’emporteront sur son impact négatif direct. Qu’en est-il cependant de l’impact indirect que peut avoir leur production sur l’environnement?

C’est là le deuxième type de délibération collective qui intervient dans une démarche d’atténuation des effets d’insoutenabilité écologique inhérents à ce type de travail. Une fois de plus, il s’agit d’une délibération collective du cercle Production, en lien avec le bilan carbone de la chaîne d’approvisionnement de la SCIC. Pour les salariés, celle-ci repose sur une division du travail qui, de fait, exclut de leur champ de vision le procès de production des panneaux photovoltaïques. Ceux-ci sont assemblés par d’autres entreprises, à partir de matériaux extraits et raffinés par d’autres acteurs encore et, même si leur commercialisation est faite en France, leur production peut impliquer des transports de pièces au niveau international. Le bilan carbone de ces opérations n’est pas aisé à évaluer. Pourtant, les salariés n’ignorent pas le sujet. Julie explique ainsi que le choix de la provenance des panneaux a été fait en réunion de cercle:

«La proposition qui a été validée c’est: systématiquement sélectionner les panneaux assemblés en France, jusqu’à un certain seuil de rentabilité, qui est de… 4 pour cent. Quand le projet passe au-dessous, la possibilité d’avoir des panneaux chinois s’ouvre» (Julie, 39 ans, membre du cercle Production, entretien du 25 octobre 2022).

La priorité est donc donnée à des panneaux fabriqués en France, de manière à limiter le bilan carbone de la production en évitant leur transport depuis la Chine, malgré un prix plus attractif. Ce choix de limiter l’impact environnemental au détriment du prix d’achat correspond à une recherche de cohérence vis-à-vis des valeurs et des objectifs de la SCIC. Mais cette cohérence a ses limites: au-dessous d’un certain seuil de rentabilité, l’entreprise se mettrait en danger si elle s’obstinait à vouloir acheter en France. Par la décision collective du cercle, il devient alors possible de prendre en considération le tarif chinois. L’objectif d’un travail soutenable s’accompagne d’une conscience des difficultés économiques propres aux SCIC, forcées de concilier projet militant et réussite économique du produit (Smith, Gonin et Besharov, 2013; Demazière, Horn et Zune, 2013; Deville et Mourey, 2018; Wagner, 2022) et donc, parfois, de transiger avec leurs valeurs écologiques.

3.2. Le rôle limité du multisociétariat dans la mitigation des effets d’insoutenabilité écologique

L’exemple précédent semble indiquer que, lorsque survient la nécessité d’un arbitrage entre les valeurs ou les objectifs écologiques des sociétaires et la survie économique de l’entreprise, la responsabilité de trancher reviendrait uniquement aux membres des cercles de salariés. Dans certaines situations, cependant, c’est bien à l’ensemble des sociétaires de la SCIC que va revenir la responsabilité de prendre une décision collective.

Ce fut le cas au début de l’année 2022, lorsque la question s’est posée d’avoir ou non recours à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). Ce dispositif renvoie à une obligation pour l’opérateur historique de l’énergie en France, Électricité de France (EDF), de vendre aux autres fournisseurs un volume fixe de sa production (majoritairement issue de centrales nucléaires) à un tarif fixe, établi à 42 euros le mégawatt/heure (MWh). Depuis ses débuts, le réseau Enercoop refusait d’avoir recours à l’ARENH. Ce dispositif, qui lui aurait pourtant donné la possibilité de réduire ses tarifs, ne lui aurait cependant pas permis de rester cohérent avec ses valeurs comme avec son positionnement sur le marché en tant que seul acteur proposant une énergie 100 pour cent renouvelable. En vendant le MWh entre 50 et 60 euros, Enercoop pouvait tirer son épingle du jeu sans avoir à recourir à l’énergie nucléaire. Néanmoins, la hausse des marchés à la fin de 2021 a fait passer le tarif à 300 euros le MWh. La question qui animait alors les membres du réseau, avoir recours à l’ARENH ou non, présentait le risque, si elle était posée à l’ensemble des sociétaires de manière trop abrupte, sans contextualisation, de susciter une réponse massivement négative, le recours à l’ARENH pouvant être perçu comme une forme de trahison du projet initial. Or, en réalité, Enercoop procédait à l’achat d’énergie auprès d’autres producteurs depuis longtemps. L’énergie ainsi achetée n’était pas nécessairement verte, mais elle n’avait pas vocation à être utilisée. Il s’agissait de «couvertures marché» utilisées pour lisser le coût de l’approvisionnement sur des périodes de trois ans, c’est-à-dire d’une sorte d’assurance pour se préserver de la variabilité des marchés. Dès lors, dans le contexte de hausse des marchés, le recours à l’ARENH pouvait être proposé de manière ponctuelle et dans la poursuite de cette politique de couvertures marché: en achetant à EDF de l’énergie à bas prix, Enercoop se rendait capable de résister au choc de la crise du prix de l’énergie. L’enjeu, tel que le résumait Damien, le président (non salarié) d’Enercoop Région, était de taille: «Sans ARENH, il faudrait augmenter fortement les prix et perdre toute capacité d’investissement. Avec ARENH, les tarifs pourraient être stabilisés et des capacités d’investissement existeraient»18.

Pour prendre une décision collective sur le sujet, un important processus de consultation fut mis en place au niveau du réseau. Avant que le conseil d’administration d’Enercoop Nationale, à qui revenait le dernier mot sur la question, ne se prononce sur le recours ou non à l’ARENH, chaque conseil d’administration régional devait lui faire remonter sa propre décision. Or, le conseil d’administration d’Enercoop Région ne concevait pas de prendre une telle décision sans impliquer les sociétaires de la SCIC dans leur ensemble. C’est pourquoi un groupe de travail fut créé et animé par Victor, le responsable de la vie coopérative. Seize sociétaires volontaires furent ainsi réunis par deux fois, en visioconférence. Les enjeux leur étaient expliqués par quatre membres du conseil d’administration, dont un salarié. À la suite de leurs réunions, les membres du groupe de travail produisirent une note argumentée. Celle-ci tranchait en faveur du recours à l’ARENH, mais sous conditions. Parmi celles-ci figurait le besoin qu’un plaidoyer en faveur de la transition énergétique soit produit et qu’Enercoop travaille à développer son indépendance vis-à-vis du marché. À partir de cette note, le conseil d’administration procéda à une délibération collective qui aboutit à valider les propositions du groupe de travail – et donc le recours à l’ARENH – en y ajoutant des conditions supplémentaires. Cette décision pouvait alors remonter au conseil d’administration d’Enercoop Nationale, lequel décida quelques semaines plus tard de recourir à l’ARENH.

Avec cet exemple, on voit que, si tous les sociétaires, qu’il s’agisse des membres du conseil d’administration ou de sociétaires non administrateurs, peuvent contribuer à l’élaboration de la décision collective de la SCIC, il ne va pas de soi que leur contribution puisse avoir un réel impact sur la soutenabilité écologique du travail au sein de l’entreprise. En effet, quelle que soit la décision prise vis-à-vis du recours à l’ARENH, elle n’aurait en rien affecté le degré de soutenabilité écologique de la SCIC, puisque la pratique des «couvertures marché» préexistait à la crise du marché de l’énergie. Il ne s’agissait en somme pas de prendre une décision impactant le degré de soutenabilité écologique des pratiques de l’entreprise. Le fait d’associer le plus grand nombre des sociétaires à la décision participait plutôt d’un travail du réseau sur son image publique. C’est ce qui explique l’importante communication sur le sujet qui a été faite par tout le réseau, et le temps considérable pris par les salariés et administrateurs de la SCIC pour expliquer la complexité du mécanisme des couvertures marché aux sociétaires du groupe de travail, mais aussi aux participants à l’assemblée générale, ou encore aux utilisateurs du réseau social des sociétaires d’Enercoop. En demandant l’avis de toutes les SCIC régionales et en s’appuyant sur l’explication de la part de ces dernières, à tous les sociétaires du réseau, des enjeux du recours à l’ARENH, le conseil d’administration d’Enercoop Nationale légitimait une décision qu’il comptait prendre quoi qu’il arrive.

La délibération collective est donc bel et bien mise au service de l’effort des membres de la SCIC pour atteindre, sinon une soutenabilité écologique de leur travail, du moins des formes de compensation ou de mitigation des effets d’insoutenabilité liés à leur métier. La dimension multisociétariale de la coopérative n’est alors pas réellement mise à profit puisque, en dehors de la possibilité de donner un avis ou des recommandations (vis-à-vis d’une parcelle à exploiter ou du recours à l’ARENH), le cercle des administrateurs ne semble apparemment pas avoir la capacité, réservée aux cercles de salariés, de décider collectivement des seuils de soutenabilité de l’entreprise, c’est-à-dire des bornes entre lesquelles il est possible de concilier la survie économique de l’entreprise et la réalisation tendancielle de ses objectifs écologiques.

4. Conclusions

Nous nous sommes attaché à montrer les effets de la mise en œuvre de la délibération collective dans une SCIC sur la soutenabilité sociale et écologique du travail. Avec l’adoption de la méthode holacratique de délibération collective par les sociétaires les plus impliqués, salariés ou non, c’est bien l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise qui est mis à contribution pour discuter des règles collectives. Néanmoins, les résultats montrent que l’impact de ces méthodes sur la soutenabilité du travail dans l’entreprise est à la fois contrasté et limité, et que les différentes parties prenantes de la SCIC n’ont pas le même rôle.

L’étude de cas proposée montre en effet que les effets de la délibération collective sur la dimension sociale de la soutenabilité du travail sont contrastés dans la mesure où, tout en évitant certaines formes de souffrance au travail, notamment celles liées à une dépossession du travail d’organisation, le fonctionnement holacratique de l’entreprise peut occasionner deux formes d’insoutenabilité du travail: des tensions relationnelles et une surcharge de travail pouvant se traduire par du surmenage. Ces effets contrastés de la délibération collective sur la soutenabilité sociale du travail sont encore complexifiés par la différence d’impact en fonction du type de sociétaire, les salariés étant les premiers concernés par les effets négatifs liés à la dimension chronophage de l’adoption et de la mise en œuvre de la méthode holacratique.

L’étude de cas montre par ailleurs que les effets de la délibération collective sur la soutenabilité écologique du travail ne peuvent être résumés en des termes simples, dans la mesure où les sociétaires faisant l’objet de l’enquête sont conscients des impacts écologiques négatifs de leur travail et où leurs délibérations visent surtout à compenser ces effets négatifs en arbitrant entre les difficultés économiques de l’entreprise et ses objectifs écologiques. Il ressort de l’analyse que ces délibérations sur les seuils de soutenabilité au-delà desquels la compensation devient impossible relèvent essentiellement des sociétaires salariés, et que les autres catégories de sociétaires n’interviennent sur ces sujets qu’à la marge.

L’hypothèse de départ n’est donc que très partiellement vérifiée. Certes, la généralisation de la délibération collective à toutes les parties prenantes de l’entreprise semble plutôt favorable à la soutenabilité sociale du travail des sociétaires non salariés, mais le rôle de ces derniers dans le repérage, la discussion et la résolution des problèmes liés à la soutenabilité écologique de l’entreprise ne semble pas significatif. Néanmoins, le regard porté sur la pratique de la délibération collective par les sociétaires salariés permet de voir que la dimension écologique de la soutenabilité du travail dans cette entreprise n’est pas comprise comme un objectif atteignable, mais plutôt comme un processus impliquant un travail constant d’ajustement entre des seuils d’insoutenabilité écologique et économique à ne pas dépasser. Et c’est à la délibération collective que revient alors de fixer de tels seuils.

Il convient de nuancer ces analyses en admettant que toutes les SCIC ne procèdent pas de la même manière quant à la concrétisation de la délibération collective multisociétariale. Dans certaines d’entre elles, en effet, l’Équipe salariée va pouvoir prendre l’ascendant sur les autres types de sociétaires, lesquels n’auront alors pas autant voire pas du tout la possibilité de contribuer à la délibération collective. Dans d’autres cas, l’organisation du travail ne s’inspire pas du modèle holacratique, et la délibération constante des salariés n’est pas au programme. En l’absence, donc, d’une homogénéisation des pratiques dans les SCIC, il est impossible de généraliser les observations qui précèdent à l’ensemble de ce modèle entrepreneurial19. Ces observations permettent toutefois d’interroger les bénéfices et risques potentiels liés à la mise en place de dispositifs de délibération collective incluant l’ensemble des parties prenantes, à tous les niveaux du procès de production.

Notes

  1. La SCIC a été instituée par la loi no 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses mesures d’ordre social, éducatif et culturel, qui complète la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
  2. Dans les faits, certaines coopératives choisissent de recourir à une pondération de différents «collèges» de votes, pouvant ou non correspondre aux collèges de sociétaires, avec par exemple l’objectif de donner plus d’importance au vote de certains types de sociétaires, comme les salariés, lorsque le nombre de sociétaires de l’un des collèges est beaucoup plus important que les autres.
  3. Le modèle de la coopérative multisociétariale n’est pas spécifique à la législation française. Des statuts présentant certaines analogies avec celui de la SCIC existent au Québec (coopératives de solidarité), en Belgique (sociétés à finalité sociale), en Italie (cooperative sociali), au Portugal (cooperativa de solidariedade social) ou encore au Royaume-Uni (community interest companies).
  4. Pour de plus amples informations sur ces principes, se reporter au site Internet de l’Alliance Coopérative Internationale, à l’adresse https://ica.coop/fr/coop%C3%A9ratives/identite-cooperative (consulté le 22 novembre 2024).
  5. Qui plus est, dans le cas de la SCIC, il existe une procédure obligatoire censée permettre de vérifier, tous les cinq ans, l’adéquation des pratiques de l’entreprise avec les principes du mouvement de la coopération: la «révision coopérative» (Conseil supérieur de la coopération, 2021).
  6. Par «gouvernance», on entendra ici l’ensemble des actions visant à réguler l’organisation.
  7. Voir le procès-verbal de l’assemblée générale 2022 d’Enercoop Région, qui précise que, parmi les 3 627 membres que comptait alors la coopérative, seuls 1 020 avaient pris part aux votes. La crise sanitaire du COVID-19 avait occasionné une participation encore plus basse les deux années précédentes.
  8. Il eût été préférable de prendre comme référence le taux moyen de participation aux assemblées générales dans les SCIC. Malheureusement, un tel chiffre n’est pas disponible à l’heure actuelle.
  9. Les personnes qui ont participé à l’enquête ne mentionnent pas le terme «holacratie» dans la mesure où elles ne reprennent pas tous les aspects de cette méthode très codifiée.
  10. Comme tous les cercles d’Enercoop Région, la géométrie des cercles Vie coopérative et Communication est variable, et il arrive régulièrement que de nouvelles personnes y soient recrutées, soit en contrat court (stage, alternance, service civique), soit en contrat long.
  11. On pourrait prolonger l’analyse en montrant que plusieurs administrateurs participent à des cercles «réseau», comme c’est le cas de Damien, membre du CODIR, qui rassemble tous les dirigeants des SCIC régionales membres du réseau Enercoop.
  12. Entretien avec Julie, 39 ans, salariée Enercoop Région, 25 octobre 2022.
  13. Extrait du journal de terrain. Observation d’une réunion du cercle Coordination, 25 octobre 2022.
  14. Extrait d’un message publié par Mathieu sur le Village, réseau social des sociétaires d’Enercoop, le 18 octobre 2022.
  15. Extrait du journal de terrain. Observation d’une réunion du «cercle de coordination», 24 mai 2022.
  16. Idem.
  17. Idem.
  18. Extrait du journal de terrain. Réunion du conseil d’administration d’Enercoop Région, 24 mai 2022.
  19. Notons que le petit nombre de salariés dans la SCIC étudiée, s’il correspond assez bien au nombre moyen de salariés dans ce type d’entreprise, n’a pas permis d’observer certaines autres limites ayant pu être associées à l’introduction de l’holacratie. Ainsi de la diversité de réception par les salariés de ce type de méthode (Bonnemaizon et Béji-Bécheur, 2018) ou du recul du dialogue social qu’elle peut engendrer (Ollivier et Rospabé, 2022).

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