Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Titre original: «Narratives of Sustainable Work in Mining-Affected Communities: Gleaning a Decolonial Concept» (International Labour Review, vol. 164, n° 1). Traduit par Isabelle Croix. Également disponible en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, n° 1).
1. Introduction
Dans le discours dominant, en particulier celui des organisations internationales, le travail soutenable1 est lié aux orientations sur l’économie verte et aux objectifs de développement durable. Pour diverses institutions des Nations Unies, il revêt principalement la forme d’un travail – ou emploi – «décent» et «vert». Pour l’Organisation internationale du Travail (OIT), il s’agit d’un emploi qui «contribu[e] à la préservation et à la restauration de l’environnement» (OIT, 2014), ainsi qu’à «l’éradication de la pauvreté et à l’[inclusion] sociale» (OIT, 2015, p. 5; OIT, 2012). Le travail soutenable tel qu’il est conçu par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a pour caractéristique centrale de promouvoir le développement humain «tout en réduisant et en éliminant les externalités négatives pouvant intervenir sur différents plans géographiques et temporels» (PNUD, 2015, p. 37), ce qui devrait exclure de son périmètre les secteurs économiques et les emplois qui participent à l’épuisement des ressources et qui ont un coût social et environnemental énorme à l’échelle locale et mondiale ainsi que pour les générations futures. Pourtant, comme nous l’avançons dans cet article, les conceptions dominantes de la soutenabilité peuvent être instrumentalisées de manière à faire passer pour légitimes des pratiques économiques incompatibles avec une quelconque forme de travail soutenable au sens d’un travail ancré dans le soin à la terre et aux personnes. Plus précisément, l’extraction de ressources et l’exploitation minière à grande échelle, en particulier lorsqu’elles concernent des minerais dits «essentiels», sont souvent considérées comme des activités soutenables et comme des gisements d’emplois «verts»2 alors même que l’extractivisme est une pratique dont la violence environnementale et sociale est démontrée (Shapiro et McNeish, 2021)3, notamment parce qu’elle interfère avec d’autres stratégies de subsistance et notions caractéristiques de ce qui constitue un travail soutenable.
L’incongruité inhérente à la notion d’exploitation minière «verte» (ou emploi minier «vert») est représentative des contradictions plus générales que recèlent les conceptions dominantes de la soutenabilité du travail. D’un côté, bon nombre d’orientations définies par les Nations Unies traduisent une reconnaissance de ce que le travail soutenable désigne un ensemble de pratiques qui, loin de se borner aux «emplois et à la relation d’emploi», englobent aussi le soin, le bénévolat et d’autres formes de travaux non rémunérés et non marchands (PNUD, 2015). Elles prennent aussi en compte divers modes de subsistance, dont ceux des populations traditionnelles et peuples autochtones (OIT, 2020), qui sont souvent liés à l’entretien de la terre et enracinés dans des modèles économiques et systèmes de savoir non capitalistes ou hybrides4. D’un autre côté cependant, ces politiques, y compris celles qui reposent sur une définition plus large du travail et des moyens de subsistance, mettent l’accent sur l’intégration au marché du travail et la formalisation de celui-ci (OIT, 2019), et font de la croissance une composante du développement durable. Ainsi, même si elle est saluée pour l’importance qu’elle accorde au travail décent et à l’extension des protections aux travailleurs les plus vulnérables, l’action de l’OIT en faveur de la formalisation du travail a également été conçue pour faire entrer un nombre toujours plus grand de personnes et de modes de subsistance dans le giron des structures de production capitalistes, avec les divisions mondiales du travail (racialisée et genrée) et la persistance des relations coloniales qui vont avec (Ashiagbor, 2019). De même, des chercheurs ont critiqué l’importance donnée au développement porté par la croissance, reprochant à cette conception de réifier ce qui constitue en réalité une cause majeure de non-soutenabilité (Littig, 2018; Rai, Brown et Ruwanpura, 2019), certains d’entre eux plaidant pour l’élaboration de stratégies de développement en rupture avec cette vision dominante (Gudynas, 2011; Kothari, Demaria et Acosta, 2014).
Dans notre article, nous explorons les contradictions inhérentes aux conceptions dominantes du travail soutenable en examinant comment elles sont reprises sur le terrain par les populations touchées par des projets miniers et en analysant la façon dont elles sont remises en question par d’autres visions et pratiques, en particulier celles émanant d’acteurs marginalisés. Nous nous appuyons à cette fin sur des théories contre-hégémoniques, que les politiques classiques n’ont jamais prises en compte, parce qu’elles proviennent de sujets subalternes5. Les traditions de savoir non occidentales, noires et autochtones sont emblématiques de visions marginalisées ou contre-hégémoniques, parce qu’elles ont été subordonnées à des normes et à des idées ancrées dans des systèmes de connaissance eurocentriques6, pensés par des hommes blancs. La domination épistémique ou l’hégémonie de ces systèmes est pour beaucoup dans la persistance et l’enracinement de hiérarchies construites en fonction du genre, de la race et de l’ordre colonial typiques du fonctionnement du (des) capitalisme(s) moderne(s) (Lugones, 2008; Coulthard, 2014). Cette hégémonie détermine aussi la manière dont le travail, les terres et l’état de l’environnement s’articulent les uns avec les autres (Zbyszewska et Maximo, 2023) et, par extension, influe sur la conceptualisation du travail dans les politiques dominantes. Envisager d’autres manières d’aborder le travail soutenable suppose d’interroger et de décentrer ces conceptions dominantes.
C’est ce que nous nous proposons de faire ici en faisant appel à une approche décoloniale. La pensée décoloniale se démarque des autres théories contre-hégémoniques par le fait qu’elle n’a pas pour seule ambition d’ajouter des points de vue subalternes aux catégories normatives et réglementaires existantes (par exemple le travail), ce qui reviendrait tout simplement à ajouter une annexe aux conceptions dominantes. En réalité, elle vise un changement plus radical, parce qu’elle place les théories et pratiques subalternes au centre de la restructuration des significations et des cadres normatifs (dont ceux liés au travail et à la soutenabilité), au lieu d’adapter ces cadres pour atténuer les pires excès du capitalisme racial/colonial (Smith, 1999; Gudynas, 2011). Un concept décolonial de travail soutenable serait axé sur des caractéristiques telles que la satisfaction des besoins de la collectivité, l’impossibilité de séparer le travail de la nature, et l’idée que la régulation du travail doit reposer sur des critères définis collectivement et réservant une part centrale au bien vivre – autant de propriétés compatibles avec les valeurs de réciprocité qu’expriment beaucoup d’approches subalternes (Corntassel, 2012; Coulthard, 2014; Tzul Tzul, 2015; Bispo dos Santos, 2018). Enfin, ce concept serait ancré, situé et centré sur des pratiques. Il serait donc vraisemblablement compris et matérialisé de diverses manières.
Dans notre article, nous tentons de recenser les conceptions qui ont actuellement cours en réalisant une première analyse de différents discours sur le travail soutenable, discours dont nous avons constaté la présence dans deux communautés où nous conduisions une recherche, à savoir à Antônio Pereira, au Brésil, et à Sudbury, au Canada. Ces deux communautés ont en commun de subir de longue date les conséquences de l’extraction intensive de ressources en raison d’énormes opérations minières de l’entreprise Vale S.A., géant brésilien du secteur minier. L’une et l’autre paient un lourd tribut social et environnemental aux pratiques du secteur. Elles se différencient cependant l’une de l’autre sur certains points importants, en particulier la répartition des avantages et dommages résultant l’extractivisme et la participation de la population locale à l’activité minière. À cet égard, la race, le genre, l’indigénéité et la colonialité sont vraisemblablement des vecteurs essentiels de «marginalité». Les deux communautés sont l’une et l’autre des lieux de colonisation, mais elles occupent des positions différentes au sein de la matrice coloniale géopolitique, l’une étant située dans l’hémisphère Sud et l’autre dans l’hémisphère Nord, d’où des différences de conception de la race et du genre et des exigences de justice raciale et décoloniale7.
Comment le travail soutenable est-il appréhendé dans ces deux contextes? Les discours exprimés sur le terrain reflètent-ils les visions hégémoniques qui irriguent les politiques dominantes ou vont-ils dans le sens d’une vision décoloniale? Est-il possible de trouver une compatibilité entre les objectifs de personnes qui ont des moyens de subsistance différents (à l’extérieur et à l’intérieur du secteur minier) et qui sont touchées par l’activité minière de diverses manières et le concept de travail soutenable tel qu’appréhendé par la pensée dominante? Pour cartographier les discours, nous nous appuyons sur des documents récents8 publiés par les entreprises du secteur minier, les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile.
Notre article est structuré de la manière suivante. Dans la deuxième partie, nous exposons la méthode décoloniale adoptée et décrivons plus précisément nos études de cas. Dans la troisième nous présentons les discours sur le travail soutenable extraits de notre matériel source. Dans la quatrième partie, nous cherchons à savoir si ces discours confortent ou remettent en cause les conceptions hégémoniques du travail soutenable. Nous montrons que certains discours reflètent directement ou reprennent en partie ces conceptions, tandis que d’autres sont ancrés dans une culture qui réserve une place centrale au soin aux personnes et à la terre, à la reconnaissance de la dépendance écologique, au respect de la vie et au travail reproductif. Nous constatons que les conceptions dominantes du travail soutenable sont souvent instrumentalisées pour justifier des pratiques incompatibles avec ce qui, d’après ces derniers discours, rend le travail soutenable. En conclusion, dans la cinquième partie, nous plaidons en faveur de l’adoption d’une vision décolonisée du travail soutenable, tenant compte des multiples manières dont les individus peuvent gagner leur vie, de l’hétérogénéité du savoir et de l’interdépendance des vies qu’abrite la Terre.
2. Méthode et études de cas
2.1. La décolonialité comme méthode
Pour beaucoup d’auteurs, en tant que méthode, la décolonialité devrait s’appliquer à tout type de recherche sociologique, indépendamment du cadre théorique retenu (Lugones, 2008; Datta, 2018). Certains avancent même qu’une recherche non décoloniale risque de perpétuer l’oppression des populations marginalisées, dont les communautés autochtones, de renforcer les inégalités économiques et raciales et de compromettre les moyens de subsistance traditionnels (Smith, 1999; Rivera Cusicanqui, 2010). L’opérationnalisation de la décolonialité à des fins de recherche implique de veiller au pluralisme épistémique, c’est-à-dire de tenir principalement compte de savoirs produits par des subalternes, sans toutefois les essentialiser. Dès lors, circonscrire un concept simple – dans notre cas la signification du travail soutenable – est contraire à l’approche décoloniale elle-même. Il demeure toutefois possible de définir des principes directeurs pour décrire un éventail de conceptions marginalisées de ce concept (Corntassel, 2012; Tzul Tzul, 2015).
La recherche décoloniale repose sur des savoirs contre-hégémoniques, produits entre autres par les femmes, les populations noires et autochtones qui, à l’époque moderne, ont été relégués en position marginale ou subalterne. Ces traditions sont hétérogènes, mais elles ont en commun de reconnaître d’une manière ou d’une autre la valeur de la nature et de considérer que les moyens de subsistance, la reproduction sociale et la socialité sont étroitement liés à la terre et au territoire, de même qu’au genre, à la race et à la position géopolitique (Gudynas, 2011), ce qui a des implications pour la vision de la notion de soutenabilité en général et du travail soutenable en particulier. D’après notre analyse de la littérature décoloniale, notamment des études consacrées à la résurgence autochtone, le concept de travail soutenable devrait inclure les caractéristiques suivantes: il devrait être défini démocratiquement, avoir pour but d’assurer la soutenabilité des vies humaines et non humaines et reposer sur l’idée que la nature, le travail et la communauté sont inséparables (Corntassel, 2012; Coulthard, 2014; Tzul Tzul, 2015; Bispo dos Santos, 2018). Ces propriétés et dimensions sont inspirées par plusieurs principes autochtones et noirs fondés sur la réciprocité, principes qui impliquent d’établir des relations sociales anticapitalistes contraires à la logique prédatrice du capital telle qu’elle se manifeste dans l’extractivisme des ressources naturelles – humaines et non humaines – et liées à la culture et à des normativités ancrées (Gudynas, 2011; Coulthard, 2014; Shapiro et McNeish, 2021; Machado Araoz, 2023). En d’autres termes, définir le travail soutenable suppose de démarchandiser le travail et la nature en tenant compte des rapports de pouvoir raciaux et géopolitiques nés de la colonisation9. Les modes de gouvernance participatifs ou la démocratie directe sont inhérents à la réciprocité, laquelle vise à faire, collectivement et sans hiérarchie entre les positions et les savoirs, du respect du vivant – humain ou non – le cœur des relations sociales (Corntassel, 2012; Coulthard, 2014; Tzul Tzul, 2015; Simpson, 2017; Bispo dos Santos, 2018).
Les chercheurs décoloniaux mettent donc généralement en lumière l’incompatibilité entre la notion de travail tel que conçue dans un système capitaliste racial/colonial et celle de soutenabilité (Gudynas, 2011; Corntassel, 2012). Dans la pensée décoloniale, ces deux notions sont irréconciliables, parce que l’exploitation ou l’expropriation illimitées de la nature et du travail humain constituent l’essence même du capitalisme (Gudynas, 2011; Simpson, 2017)10. Le capitalisme est par définition un système racial/colonial parce que, depuis la colonisation des Amériques, il puise ses racines dans des régimes d’accumulation fondés sur l’extractivisme, reproduits par les divisions raciale et genrée du travail, toutes les formes de contrôle du travail étant organisées autour du capital (Quijano, 2000; Corntassel, 2012). Cette «colonialité du pouvoir» perdure aujourd’hui encore et continue de compromettre la vie dans les pays et espaces postcoloniaux du Sud où le colonialisme d’installation demeure une réalité (Quijano, 2000; Simpson, 2017). La colonialité diffère donc du colonialisme en ce qu’elle ne concerne pas seulement la période pendant laquelle le contrôle colonial s’exerce sur un territoire (Quijano, 2000)11.
Dès lors, la décolonialité est un processus continu de lutte anticoloniale qui implique une rupture épistémique et politique avec les configurations coloniales du pouvoir (Quijano, 2000; Denzin, Lincoln et Smith, 2008; Corntassel, 2012; Coulthard, 2014). Il en résulte un défi de taille s’agissant des significations du travail soutenable quand on sait que la colonialité fait obstacle à des imaginaires autres. Ainsi, parlant de la résurgence autochtone, Corntassel (2012, p. 95) fait observer que la colonialité conduit à imposer «l’idée fausse selon laquelle il n’y aurait pas d’autres modèles légitimes que le système du marché, affaiblissant ainsi la confiance des populations autochtones et compromettant la capacité à imaginer qu’une autre voie que le développement économique puisse mener à la résurgence»12.
Par ailleurs, décoloniser le savoir ne signifie pas plaquer des théories sur des expériences comme le font beaucoup de chercheurs, qui appliquent leur vision «universelle» à des pratiques locales (Rivera Cusicanqui, 2010; Coulthard, 2014; Simpson, 2017; Picq, Paza Guanolema et Pérez Guartambel, 2017). En réalité, une démarche décoloniale passe par l’établissement de «relations empreintes de respect permettant que les expériences militantes viennent éclairer la théorie académique et vice versa, relations dans lesquelles les chercheurs peuvent et doivent trouver leurs propres manières de s’impliquer dans la théorie et dans la pratique» (Picq, Paza Guanolema et Pérez Guartambel, 2017, p. 415). C’est pourquoi l’approche décoloniale exige que toute recherche soit située en termes de géopolitique et de politique corporelle des savoirs, d’où la nécessité impérative de tenter de comprendre les interrelations entre ces positions (spatiale et corporelle) du chercheur et le sujet étudié, et de subvertir ainsi l’universalisme de l’eurocentrisme (Anzaldúa, 1987; Datta, 2018). Quiconque tente d’établir des passerelles entre connaissance et pratique doit impérativement tenir compte de ses propres liens avec les territoires et sujets analysés. C’est donc en raison de notre propre position de chercheuses vivant dans des espaces colonisés au Brésil et au Canada que nous avons choisi Antônio Pereira, au Brésil, et Sudbury, au Canada, pour réaliser les études de cas qui servent de base à notre analyse de discours. Même si nous ne nous appuyons pas ici sur des données obtenues en établissant des liens explicites avec les populations de ces localités, le projet plus vaste dans le cadre duquel s’inscrit notre article suppose d’établir ce type de relations – processus que nous avons déjà amorcé au moyen d’une recherche de terrain.
L’adoption d’une approche décoloniale pour analyser les discours sur le travail soutenable à Antônio Pereira et Sudbury implique aussi de considérer que la conception dominante et la vision contre-hégémonique ne sont pas séparées par une frontière étanche et peuvent parfois se recouper dans une plus ou moins large mesure, notamment au niveau de la manière dont certains acteurs formulent leur vision (Maldonado-Torres, 2007)13. Pour recueillir ces différents discours, nous nous sommes appuyées sur des documents récents – articles publiés dans la presse, documents d’orientation, sites Internet d’organisations, documentaires audio et vidéo et autres sources de même nature. Les documents étudiés émanent d’autorités et organismes publics relevant de différents niveaux d’administration, d’entreprises, de syndicats et organisations de travailleurs, d’organisations non gouvernementales (ONG) et communautaires et de la presse. À noter que nos sources étant textuelles et audiovisuelles, elles peuvent ne pas refléter fidèlement ce que nous avons constaté pendant notre recherche de terrain. Dans la prochaine phase de notre projet, nous comparerons les discours présentés ici et ceux recueillis sur le terrain. Avant de présenter les principaux thèmes qui se dégagent du matériel analysé, nous fournissons quelques éléments de contexte sur Sudbury et Antônio Pereira.
2.2. Études de cas: éléments de contexte
Sudbury est une ville de près de 170 000 habitants située sur les terres ancestrales des Premières Nations Atikameksheng Anishinawbek et de Wahnapitae, dans ce qui est aujourd’hui la province canadienne de l’Ontario. D’après les archives orales, les populations autochtones y ont pratiqué l’extraction durable, y compris de minerais (comme le cuivre), pendant des milliers d’années (Morin, 2018, pp. 99-134). L’extraction s’est intensifiée au moment de l’arrivée des colons européens, qui se sont d’abord lancés dans le commerce de la fourrure au XVIe siècle. Au milieu du XIXe siècle, à la suite de la signature du traité de Robinson-Huron, en 1850, ils se sont engagés dans l’exploitation massive des forêts, puis dans l’extraction et la fusion de minerais tels que le nickel et le cuivre. L’exploitation de minerais occupe aujourd’hui encore une place importante dans l’économie de la région. En 1915, les mines de Sudbury fournissaient 80 pour cent du nickel produit dans le monde, et la ville est actuellement l’un des premiers fournisseurs mondiaux de nickel.
L’extraction de ressources à l’échelle industrielle constitue le moteur économique de la région, sans pour autant que les autochtones en récoltent les fruits, parce que les autorités coloniales et les entreprises n’ont pas respecté les dispositions du traité se rapportant à l’indemnisation annuelle, aux frontières des terres réservées aux autochtones et à la non-ingérence dans leur économie (Nation Anishinabek, sans date; Brown, 2023). L’extraction et le traitement des minerais ont épuisé les terres et dégradé les écosystèmes locaux, entraînant une pollution de l’air, une acidification des sols et des lacs, ainsi qu’un appauvrissement considérable de la végétation et une érosion des sols (Winterhalder, 1996). Ces phénomènes ont eu des répercussions négatives sur l’approvisionnement en nourriture et les moyens de subsistance agricoles des Premières Nations de la région, qui dépendaient souvent de la chasse et de la pêche pour pourvoir à leurs besoins alimentaires et de la récolte du bois pour se procurer un revenu dans l’économie coloniale (Ismi, 2009, citant le chef Petahtegoose). En 1972, l’International Nickel Company (INCO) a réagi à l’entrée en vigueur de nouvelles exigences réglementaires visant à lutter contre la pollution de l’air par la construction de la cheminée Superstack, ce qui a amélioré la situation de Sudbury, mais a eu pour effet de disperser les émissions sur un territoire plus vaste, faisant du complexe minier la plus grande source de pollution atmosphérique au dioxyde de soufre au monde (McCracken, 2013).
Depuis les années 1970, Sudbury s’est engagée dans un ambitieux programme de reverdissement, gérant ses résidus miniers et restaurant ses terres appauvries afin de diversifier l’économie locale et d’améliorer son image pour endiguer l’exode des jeunes. L’INCO, puis, Vale, qui a racheté ses activités en 2006, ont été partie prenante à ce processus. La dépollution de Sudbury a facilité la conclusion de l’Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l’air14, en 1991, et l’expérience de Sudbury a désormais valeur de modèle pour la restauration de paysages endommagés, un modèle qui est diffusé et adopté dans le monde entier et a valu à la ville de nombreux prix en reconnaissance de son entreprise de reverdissement (Miller Llana, 2020). Dans le cadre des efforts qu’elles déploient pour améliorer la soutenabilité de leurs activités, plusieurs compagnies minières, dont Vale, se sont engagées dans des partenariats et ont conclu des ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) avec les Premières Nations locales (Kelly, 2017).
Antônio Pereira est un district (distrito) d’environ 5 000 habitants situé dans l’État du Minas Gerais, au Brésil. L’orpaillage est pratiqué dans la rivière Gualaxo do Norte depuis que les esclaves noirs venus d’Afrique centrale l’ont importé (Saraiva et da Silva, 2021). Cette forme d’extraction minière artisanale était interdite par la charte royale sur la création des compagnies minières adoptée par les autorités coloniales portugaises en 1817 (ibid.). Toutefois, les garimpeiros (nom donné aux mineurs artisanaux) continuèrent à travailler dans des régions montagneuses reculées, et de nombreuses familles de la région abandonnèrent l’agriculture de subsistance au profit de cette activité. Tout au long des XIXe et XXe siècles, des réformes de la législation brésilienne furent adoptées pour favoriser le développement d’activités minières financées par des capitaux européens. Les activités minières artisanales pratiquées à Antônio Pereira furent un peu plus marginalisées par le décret n° 41 177 du 19 mars 1957 autorisant l’exploitation des ressources minières par la compagnie SAMITRI (SA Mineração Trindade), qui était à l’époque détenue par une entreprise luxembourgeoise mais qui fut rachetée par Vale dans les années 2000. En 1984, l’entreprise inaugura la mine de Timbopeba. Cette même année vit la création de l’association des habitants d’Antônio Pereira, fondée pour résister à l’extraction minière prédatrice (Coelho, 2017). La population d’Antônio Pereira ne percevait aucune redevance des compagnies minières, et bon nombre d’habitants se trouvaient dans une situation d’extrême pauvreté. Pourtant, Vale doit encore 500 millions de dollars É.-U. de redevances impayées à la municipalité d’Ouro Preto, dont fait partie Antônio Pereira (ibid.).
En novembre 2015, à Mariana, une ville voisine d’Antônio Pereira, le barrage minier de Fundão, exploité par la Samarco, une coentreprise appartenant à Vale et à BHP Billiton, s’effondra. Cette rupture eut des conséquences dévastatrices sur la rivière Gualaxo do Norte, traditionnellement exploitée par les garimpeiros d’Antônio Pereira. Considérée comme «l’accident» industriel à l’origine du pire désastre écologique de l’histoire du Brésil et comme la plus grosse catastrophe au monde impliquant un barrage minier, la rupture a déversé 62 millions de mètres cubes de résidus miniers et a tué 19 personnes (ibid.). Le chômage qui en a résulté s’est traduit par une nouvelle augmentation des activités de prospection parmi les habitants cherchant à compléter leur revenu familial (AIAAV, 2020).
En 2019, c’est le barrage de la mine de Córrego do Feijão, à Brumadinho, exploité par Vale, qui céda, faisant quelque 270 victimes et devenant ainsi l’«accident» du travail le plus meurtrier jamais survenu au Brésil (Carneiro et Souza, 2023). Les habitants d’Antônio Pereira vivent désormais dans la crainte de ce type de catastrophe (ils parlent de «boue invisible» pour décrire ce sentiment de menace permanente) depuis que le barrage de Doutor, qui retient les résidus de la mine de Timbopeba, a été déclaré comme menacé de rupture (ibid.) et que la suspension de son exploitation a été ordonnée par la justice. Bien qu’Antônio Pereira n’ait été reconnu comme faisant partie du territoire touché qu’en 2020, la mise hors service du barrage s’est traduite par l’expulsion de 78 familles (473 personnes) de la Zona de Autossalvamento – (ZAS)15, une zone qui court sur 10 kilomètres le long de la vallée et qui est jugée inondable en l’espace de trente minutes16. La «boue invisible» n’affecte cependant pas que les familles forcées d’abandonner leur domicile; elle a un impact sur l’ensemble de la population.
3. Discours sur le travail soutenable à Sudbury et Antônio Pereira
Notre analyse nous a permis de repérer des discours pluriels au sujet du travail soutenable. Pour simplifier la présentation, nous les avons répartis dans trois catégories, mais il faut garder à l’esprit que chacune de ces catégories est elle-même hétérogène. Aux deux extrémités du spectre figurent d’une part les discours qui font des emplois miniers des emplois soutenables et de l’autre des discours selon lesquels le travail soutenable consiste à prendre soin de la terre et des personnes. Entre ces deux catégories se trouvent un ensemble de visions qui remettent en cause de diverses manières ces deux extrêmes ou, au contraire, les rejoignent. Parmi les exemples relevant de ce «moyen terme» figurent un discours assimilant le travail soutenable à l’emploi syndiqué, un autre autour de l’extraction minière artisanale à Antônio Pereira et un troisième dans lequel certaines organisations défendent l’inclusion économique des autochtones de la région de Sudbury. Nous présentons chacune des trois catégories de discours ci-après.
3.1. L’extraction minière vue comme une source de travail soutenable
Notre organisation perd l’arrogance tirée de la certitude qu’elle «possède» et qu’elle «a le droit». Nous ne sommes que les gardiens de ce qui se trouve dans le sous-sol et notre métier consiste à favoriser la transition qui aidera à rendre la planète plus verte.
Dino Otranto, directeur d’exploitation des activités de Vale dans l’Atlantique Nord (Ross, 2021)
Même si les risques environnementaux et sociaux associés à l’extraction minière sont amplement reconnus, l’idée que cette activité peut être transformée en une activité durable et en une source d’emplois verts est aussi très répandue (Ross, 2021; Ressources naturelles Canada, 2022). Nous avons constaté qu’il s’agissait, dans les deux sites, du discours le plus souvent tenu par les entreprises, les pouvoirs publics et les acteurs politiques, même s’il existe une forte hétérogénéité. Ce discours repose sur deux arguments qui se rejoignent: premièrement, l’activité minière elle-même est présentée comme un secteur capable d’évoluer et, deuxièmement, elle est considérée comme une composante d’une économie verte et d’un avenir durable, ainsi que comme une source d’emplois verts.
Le programme de reverdissement de Sudbury est souvent cité comme une preuve de la capacité du secteur à évoluer dans le bon sens. La ville et les entreprises qui ont pris part à sa mue sont considérées comme des modèles à suivre, non seulement localement, mais aussi à l’échelle internationale. À titre d’illustration, le pavillon du Canada lors de la quinzième Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP 15) présentait l’histoire de Sudbury comme celle d’une réhabilitation réussie de l’environnement (Sudbury Star, 2023), et Vale a reçu plusieurs récompenses en reconnaissance de son action.
Ce programme de reverdissement a impliqué de multiples acteurs différents (Boerchers et al., 2016), mais ce sont les milieux d’affaires qui en ont tiré le meilleur parti. Ainsi, la ville de Sudbury vante désormais les mérites non seulement de l’extraction des ressources, mais aussi des technologies vertes – la «Cleantech» – pour attirer les investisseurs, mettant en avant la diversification économique et les emplois que le secteur minier peut engendrer17. Outre divers cabinets de conseil spécialisés dans le secteur minier et les technologies propres, les chercheurs de l’Université Laurentienne, située à Sudbury, se sont impliqués dans le processus de reverdissement à divers titres: certains ont par exemple réalisé des études sur la «recette de Sudbury» pour la régénération des sols et la reforestation (Watkinson et al., 2022) et l’institut de recherche Mining Innovation, Rehabilitation and Applied Research Corporation (MIRARCO), hébergé par l’Université Laurentienne, a conduit des recherches inédites sur la bioexploitation minière «inoffensive pour l’environnement» cofinancées par Vale et le gouvernement de l’Ontario (Northern Ontario Business, 2023). Toutes ces initiatives sont présentées comme des sources effectives et potentielles de travail soutenable.
Dans le cas du Brésil, Vale et sa filiale Samarco sont les principaux acteurs de l’industrie extractive, y compris dans le district d’Antônio Pereira. À noter que ces entreprises citent leur contribution au reverdissement de Sudbury comme preuve de leur engagement éthique à «prendre soin de la planète» (Cruz, 2019).
L’environnement est l’un des piliers de l’engagement de durabilité de la Samarco. Nous avons conscience d’avoir une occasion de réaliser notre ambition de pratiquer une extraction minière différente et durable, de travailler en amont sur la gestion des risques, le contrôle de l’impact de notre activité et la recherche de solutions pour encourager l’excellence environnementale dans l’ensemble de la chaîne de production (Samarco, 2021, p. 96).
Au Brésil, les divers engagements de Vale en matière de soutenabilité et les efforts visibles, quoique imposés par la loi, que déploie l’entreprise pour restaurer les paysages et réparer ses relations avec les communautés touchées par ses activités cadrent aussi avec sa rhétorique consistant à se présenter comme une entreprise soucieuse de mieux faire, y compris par le biais d’emplois temporaires dans la réhabilitation. L’action de la fondation Renova, une ONG cofinancée par la Samarco et chargée de gérer l’indemnisation due au titre des dommages subis par la population et l’environnement lors de la rupture du barrage minier de Fundão, est édifiante à cet égard18.
L’affirmation que l’industrie minière peut être durable et que Vale, par un changement de culture et le choix de technologies innovantes, prouve son attachement à l’adoption de pratiques soutenables est au cœur du message de l’entreprise, en particulier au Canada. Par ses propos reproduits plus haut (Ross, 2021), Dino Otranto, directeur d’exploitation pour les activités de Vale dans l’Atlantique Nord, reconnaît les erreurs passées de l’entreprise, tout en disant avoir le sentiment de faire partie intégrante d’un avenir durable. En réalité, cette conviction exprimée par Dino Otranto rejoint aussi le deuxième argument avancé à l’appui du discours sur l’extraction minière et les emplois miniers soutenables, à savoir que la priorité donnée aux minerais essentiels est un levier du développement durable et du verdissement de l’économie.
Au Brésil, le secteur des minerais est décrit comme indispensable à la subsistance des structures économiques existantes et à un développement positif pour les générations futures. Dans le cas de Sudbury, la présentation du passage à l’électrique comme un moyen de créer des systèmes énergétiques durables a été au cœur de la stratégie qui a fait évoluer l’image de l’extraction minière jusqu’à en faire un instrument de la transition vers la durabilité. Dans ce contexte, l’activité minière est aussi vantée pour sa capacité à créer des emplois verts et soutenables.
Une frénésie d’innovation accompagne la transition de la ville vers une industrie minière plus propre et plus durable […]. Investissons dans des emplois de qualité pour la population de Sudbury, dans des emplois verts qui viendront à bout de la pollution climatique et favoriseront la prospérité de la ville.
Mike Schreiner, chef du Green Party of Ontario (Green Party of Ontario, 2022)
Ce discours est également défendu à tous les échelons de l’administration canadienne. Ainsi, la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, adoptée par le gouvernement fédéral en 2022, plaide pour une augmentation de l’extraction de minerais essentiels pour les chaînes de valeur, vue comme une étape indispensable à la réalisation d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Dans le préambule de la stratégie, il est dit qu’elle «montre la voie à suivre […] pour créer de la richesse et des emplois durables dans toutes les régions du pays et pour faire du Canada un fournisseur d’énergie et de technologies propres de choix dans un monde carboneutre» (Ressources naturelles Canada, 2022, p. 2). Pour favoriser la formation, la montée en compétence et la reconversion des ressources humaines dans le secteur des minerais et des métaux, le gouvernement fédéral s’est engagé à investir dans la création d’un Centre de formation pour les emplois durables et d’un Secrétariat des emplois durables (ibid., p. 33). Cette approche des minerais essentiels est également celle défendue par les autorités provinciales de l’Ontario (Gouvernement de l’Ontario, 2022), et les stratégies fédérale et provinciale contiennent l’une et l’autre des dispositions relatives à la consultation et à l’inclusion des autochtones. Comme le montre la citation figurant plus haut, l’idée qu’une industrie minière propre est possible n’est pas contestée, pas même par le Green Party of Ontario.
Ce point de vue est par ailleurs partagé par Romeu Zema, gouverneur de l’État du Minas Gerais, qui demeure favorable à la délivrance de permis environnementaux pour l’extraction de minerais, insistant sur les créations d’emplois qui en résultent. En 2023, l’État a reçu des financements de Gerdau, un géant de la sidérurgie, dans le cadre de la création d’une plateforme minière durable qui, d’après le dirigeant du groupe sidérurgique, conduirait à «la création de plus de 5 000 emplois […] [et] contribuerait aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à la qualité du minerai» (SEDE, Minas Gerais, 2023).
3.2. Le travail soutenable vu comme un moyen de subsistance
Pour certains habitants d’Antônio Pereira, le concept de travail soutenable implique de prendre soin des personnes et des terres, ce qui n’exclut cependant pas l’exploitation des minerais que recèle le territoire. Dans le district, l’orpaillage manuel fait partie de la tradition (AIAAV, 2020), et les orpailleurs considèrent l’extraction manuelle de minerais comme un travail soutenable (de Castro et al., 2020). De leur point de vue, cette activité garantit leur propre survie et celle des générations futures et n’a pas de réelle incidence sur la faune et la flore locales (AIAAV, 2020). Il s’agit en outre d’une forme de résistance à l’extraction des capacités humaines à laquelle se livrent les grandes compagnies minières. Ainsi, interrogé sur les raisons pour lesquelles il n’a pas essayé de se faire embaucher par Vale/la Sarmarco, un garimpeiro a fait la réponse suivante:
Comme orpailleur, je suis mon propre patron. Dans une entreprise, je serais un larbin; les patrons et le monde de l’entreprise, ce n’est pas pour moi. J’aime ma liberté. Je suis né et j’ai grandi dans l’artisanat minier. Je suis comme un oiseau, je n’aime pas qu’on me mette en cage.
Mineur artisanal, Antônio Pereira (de Castro et al., 2020)
Alors que cette forme d’activité minière se transmettait de génération en génération dans les familles (Saraiva et da Silva, 2021), elle est aujourd’hui considérée comme marginale et comme synonyme d’anarchie, de conditions de travail insalubres, de problèmes sociaux, de dégradation de l’environnement – à cause de l’utilisation de mercure – et d’«absence de techniques» (ibid.). Les formalités administratives à accomplir pour obtenir un permis environnemental étant lourdes, la plupart des orpailleurs d’Antônio Pereira travaillent de manière informelle et jusqu’à une période récente illicite, parce que l’extraction de minerais sans permis est un délit en vertu du droit brésilien de l’environnement (loi n° 9 605/98, article 55) (AIAAV, 2020). Bien que la loi n° 24 765 du 28 mai 2024 reconnaisse désormais que les garimpeiros d’Antônio Pereira forment une communauté traditionnelle présentant un intérêt pour l’État, la législation traite généralement l’extraction minière artisanale comme un contre-exemple du travail soutenable, considérant qu’elle est nuisible à l’environnement, prenant ainsi l’exact contrepied de ce que pensent ces travailleurs et certains habitants.
Les garimpeiros n’ont pas le droit de récolter de l’or manuellement, mais Vale peut arriver, construire une route et détruire un fleuve. Ce n’est pas seulement le minerai, c’est aussi l’eau et l’écosystème dans son ensemble, la faune et la flore.
Habitante d’Antônio Pereira (AIAAV, 2020)
On nous colle des amendes et on nous traîne en justice. Nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des travailleurs.
Mineur artisanal, Antônio Pereira (AIAAV, 2020)
Ils méprisent les travailleurs locaux. […]. Renova n’embauche que des gens qui viennent de l’extérieur […], ce qui affaiblit notre lutte […] parce que ces gens-là n’ont pas le sentiment d’appartenir à la terre.
Habitante d’Antônio Pereira (AIAAV, 2020)
Les habitants de la ville, qui sont pour la plupart des Noirs pauvres, ont été entravés dans leur droit à pratiquer l’extraction minière artisanale, activité qu’ils avaient pourtant été obligés de développer depuis la colonisation, tandis que dans le même temps Vale – une entreprise principalement exploitée par des hommes blancs – détruit la faune, la flore, la rivière et les moyens de subsistance de la population locale au nom du «développement économique» et de «l’industrie minière durable» (Coelho, 2017). Alors que l’extraction minière artisanale a été transformée en délit au motif, entre autres, qu’elle était préjudiciable à l’environnement, à la sécurité et à la santé, paradoxalement la réalité concrète des dommages plus grands causés par l’extraction industrielle de ressources, qui elle est légale, donne naissance au concept de «travail soutenable» dans le secteur minier. Sachant qui est engagé dans ces deux formes différentes d’activité minière, il est permis de penser que la division raciale du travail née de la colonisation est tenace à Antônio Pereira.
Pour un garimpeiro local, «l’héritage que laissent Vale et la Samarco, c’est l’échec […]. Antônio Pereira, c’est la pauvreté assise sur un monceau de richesse» (AIAAV, 2020). C’est sur le plan de l’égalité socio-économique qu’il existe une convergence entre la notion de «travail soutenable» telle que formulée par les mineurs artisanaux et celle décrite par Metabase, un syndicat qui représente le personnel de la Samarco. Un délégué syndical résume ainsi l’état d’esprit des salariés: «Nous voulons que la Samarco reprenne ses activités, mais de manière responsable, avec des garanties de sécurité. Nous voulons juste retrouver nos emplois» (Dotta, 2016).
Le fait de prendre soin de la terre n’est pas au cœur de l’idée que les dirigeants de Metabase se font du travail soutenable. Pour eux, emploi soutenable est avant tout synonyme d’emploi syndiqué. La notion de soutenabilité imprègne le discours syndical, l’idée étant de garantir que le personnel de la Samarco puisse exercer ses droits sociaux:
Nous nous battrons pour que des investissements soient faits afin d’éliminer les conditions de travail insalubres et dangereuses, pour obtenir de vraies avancées dans les conventions collectives et pour que tous les travailleurs reçoivent une juste part des profits et des résultats, de même que pour la fin de l’exploitation minière prédatrice qui, malheureusement, est encore souvent une réalité chez Vale (Metabase, 2023).
Autrement dit, dans le cas de Metabase comme dans celui des mineurs artisanaux, travail soutenable n’est pas synonyme de fin de l’extraction minière. De ce point de vue, sa vision et celle des garimpeiros rejoignent celle de la Samarco sur le fait qu’il est possible de développer une activité minière durable, même si les voies envisagées pour y parvenir divergent.
De même, à Sudbury, les travailleurs du secteur minier ne remettent pas nécessairement en question le message des industriels présentant l’extraction minière comme une activité durable et une source d’emplois verts, tant que ces emplois demeurent syndiqués et bien rémunérés comme c’était jusqu’à présent le cas. Il en va d’autant plus ainsi que, lors de la reprise des activités d’INCO, Vale a d’abord eu des relations difficiles avec le syndicat, ce qui a abouti à des grèves nombreuses et longues. L’entreprise avait en outre une mauvaise réputation sur le plan de la sécurité et de la santé au travail, et a été accusée d’essayer de briser le syndicat (Diebel, 2010; Marshall, 2015). Le Syndicat des métallos (USW), l’une des organisations présentes dans le secteur minier de Sudbury, se bat pour garantir des lieux de travail «plus sains, plus sûrs et plus respectueux […] et pour négocier de meilleures conditions de travail et une rémunération plus équitable – c’est-à-dire un bon salaire, des avantages sociaux satisfaisants et de bonnes pensions» (USW, 2022). Le communiqué de presse qu’il a publié au sujet de la récente entente par laquelle Vale s’engage à fournir à General Motors du nickel entrant dans la fabrication des batteries pour véhicules électriques témoigne d’un lien étroit entre l’adhésion du syndicat au «virage vert» et l’importance qu’il accorde à la soutenabilité sociale et à la transition juste19:
Cette nouvelle entente soutient également le virage vert nécessaire pour réduire les gaz à effet de serre et la pollution. Le Syndicat des métallos s’est fait l’ardent défenseur de l’atténuation d’une nouvelle crise climatique grâce à une transition juste, tout en veillant à ce que les travailleurs ne soient pas oubliés et à ce que le travail durable signifie des emplois syndiqués bien rémunérés qui permettent de subvenir aux besoins des familles (USW, 2022).
Certaines organisations locales, dont des organisations de défense des travailleurs autochtones, partagent également cette vision selon laquelle le travail soutenable est d’abord et avant tout un travail qui garantit une sécurité financière aux travailleurs. Ainsi, Gezhtoojig Employment & Training, un centre de formation professionnelle qui a vocation à agir en faveur de l’employabilité et de la réussite économique de la population autochtone de la région, plus précisément de la Nation Anishinabek, indique, dans la description de sa mission, que le travail soutenable permet aux individus de jouir d’une sécurité financière et d’atteindre leurs objectifs. Ce travail peut être exercé dans n’importe quel secteur, y compris le secteur minier20. Les Premières Nations de Wahnapitae et d’Atikameksheng Anishinawbek cherchent l’une comme l’autre à offrir des débouchés à leurs membres dans le secteur en concluant, avec les principales compagnies minières de Sudbury, dont Vale, des accords de partenariat qui prévoient des possibilités de formation et d’emploi21. Des organisations régionales d’aide au développement des communautés autochtones, comme la Waubetek Business Development Corporation, voient aussi le secteur minier comme une source de débouchés professionnels susceptible d’assurer un avenir durable aux communautés qu’elles soutiennent:
Le principal intérêt de nos Premières Nations, c’est que nous soyons dûment consultés lorsqu’il est question d’exploitation et d’exploration minières dans nos territoires ancestraux et que nous ayons plus de possibilités de recevoir notre part des avantages susceptibles d’en découler de manière soutenable, notamment sous la forme d’emplois intéressants, de débouchés économiques, de participation à la gestion et d’entretien des terres où ces projets seront exploités.
Martin Bayer, Président de Waubetek (Northern Ontario Business, 2019)
En reconnaissant que l’extraction de ressources est une source d’emplois et de débouchés économiques, certaines organisations de défense des travailleurs autochtones de la région de Sudbury tiennent des propos qui vont dans le même sens que ceux du Syndicat des métallos, mais aussi que la rhétorique habituelle sur l’extraction durable. Toutefois, le discours de l’organisation Waubetek se démarque par sa référence à la nécessité d’une consultation et à l’entretien des terres. Le fait qu’au Canada les industriels et les pouvoirs publics ont l’obligation de consulter les nations autochtones au sujet des projets miniers devrait en théorie permettre que les principes autochtones que sont l’entretien des terres et la relationalité influent sur la manière dont les projets d’extraction de ressources sont mis en œuvre. En pratique cependant, d’après la recherche, ces obligations ne sont souvent respectées que superficiellement au moyen d’ententes sur les répercussions et les avantages qui garantissent que la population retire certains avantages économiques des projets, dont des emplois, mais qui sont finalement structurés de manière à être favorables aux entreprises et non à la population (Caine et Krogman, 2010; Peterson St-Laurent et Le Billon, 2015).
3.3. Le soin au cœur du travail soutenable
J’avais un terrain que je cultivais, et pas seulement pour ma propre consommation; c’était aussi une source de revenu. En 2022, Vale a décrété que nous devions partir et a fait passer un tracteur sur ma parcelle. […] Je n’ai plus d’espace que je peux cultiver comme avant. J’ai tout juste la place pour trois plants de choux.
Femme membre du collectif Mulheres Guerreiras de Antônio Pereira22 (Viana, 2024)
Ces propos tenus par une des femmes qui dirigent le collectif Mulheres Guerreiras de Antônio Pereira (littéralement les «guerrières d’Antônio Pereira») contiennent plusieurs dimensions de sa vision de ce qu’est le travail soutenable: l’exigence d’un échange métabolique juste entre le travail et la terre et la nécessité que des formes de travail autres que le travail minier permettent de vivre de manière soutenable et fassent vivre la communauté. Ce discours reflète le caractère multidimensionnel de la façon dont les femmes d’Antônio Pereira vivent le travail.
Ces femmes sont en réalité des cheffes communautaires qui ont demandé des solutions aux autorités politiques et judiciaires représentant Antônio Pereira en justice (voir Diário de Ouro Preto, 2021). Ce sont aussi elles qui sont à la tête des commissions politiques et qui détiennent la majorité dans les réunions où les décisions communautaires sont prises. Elles ont organisé des manifestations qui ont bloqué des routes fédérales près de la mine de Timbopeba, ce qui a abouti à ce que les habitants d’Antônio Pereira soient légalement reconnus comme une population touchée par l’activité minière et aient ainsi accès à l’aide d’un organisme de conseil indépendant (l’Instituto Guaicuy). Reconnus par les tribunaux brésiliens, ces organismes garantissent que les populations victimes des conséquences de l’extraction minière puissent exercer leur droit fondamental à se défendre; ils sont financés par les entreprises pollueuses23. Toutefois, les femmes à l’origine du blocage de la route sont désormais la cible d’actions en justice individuelles engagées par Vale24.
Les femmes d’Antônio Pereira ont des profils divers, mais la majorité d’entre elles sont noires et pauvres (Coelho, 2017). La plupart sont de petites agricultrices et des travailleuses informelles qui gagnent leur vie en faisant des ménages ou la cuisine ou encore en offrant des services esthétiques et en vendant des produits. Elles ont vu leur revenu diminuer lorsqu’une partie de la population d’Antônio Pereira a été déplacée à la suite du relèvement du degré de risque présenté par le barrage de Doutor. Ce groupe comprend des femmes au foyer qui s’occupent de leur famille et des tâches ménagères, un travail qui est devenu plus lourd en raison de l’activité d’extraction prédatrice de Vale (AIAAV, 2022).
C’est nous, les femmes d’Antônio Pereira, qui souffrons le plus du barrage de Doutor. C’est nous qui souffrons quand nous nettoyons notre maison pour éliminer la poussière de la mine, faire la lessive et prendre soin des enfants qui ont peur à la maison.
Femme membre du collectif Mulheres Guerreiras de Antônio Pereira (AIAAV, 2022)
Ma mère et ma fille ont peur que le barrage s’effondre. Et c’est moi qui m’occupe d’elles […]. J’ai mis des bords de chaque côté de ma terrasse pour que ma fille ne voie pas le barrage et ne fasse pas de crises de panique.
Femme membre du collectif Mulheres Guerreiras de Antônio Pereira (AIAAV, 2022)
Lorsqu’elles présentent leur vision du travail, les femmes d’Antônio Pereira évoquent la valeur sociale, affective et économique du travail reproductif qu’elles accomplissent. Pour elles, le travail soutenable englobe aussi le travail d’un réseau communautaire, qui consiste à entretenir les terres et à prendre soin des personnes en cultivant de petits jardins collectifs et en élevant des animaux pour leur propre consommation, c’est-à-dire en utilisant les ressources naturelles de manière non prédatrice. Il est lié à une vision plus large de la soutenabilité écologique et sociale et il est donc incompatible avec l’activité minière industrielle.
Nous cultivions un jardin, il y avait un jardin collectif. Notre potager. Nous faisions pousser ce que nous consommions. […] Aujourd’hui, je vis de dons alimentaires. Aujourd’hui, je prends des psychotropes.
Femme membre du collectif Mulheres Guerreiras de Antônio Pereira (AIAAV, 2022)
Le travail consistant à prendre soin de la nature et des personnes que font les femmes d’Antônio Pereira est lié à la reproduction de la vie. Dans ce contexte, le travail soutenable est un processus qui renvoie non seulement au fait de pouvoir réellement prendre soin de toutes les vies – humaines ou non –, mais aussi d’avoir des moyens de subsistance moins prédateurs d’un point de vue économique, social et écologique.
À Sudbury, les discours selon lesquels le travail soutenable consiste à s’occuper des personnes et des terres transparaissent aussi dans les messages des organisations communautaires de défense des autochtones et des organisations non autochtones qui se positionnent comme des alliés. Ainsi, la Coalition bien-vivre Sudbury est un réseau constitué de bénévoles non autochtones qui œuvrent pour faire de Sudbury une «communauté verte, saine et engagée»25. Elle a cofinancé des projets qui ont pour but de favoriser des relations de respect entre les individus et la terre, par exemple la culture d’agroforêts ou de jardins collectifs et des projets de reverdissement. L’idée qui consiste à prendre soin des terres et des personnes est aussi à la base des propositions d’organisations qui envisagent le développement de Sudbury et du nord de l’Ontario en respectant les principes de l’économie circulaire et en valorisant les savoirs des autochtones. Le Charlton Sustainability Hub en est une illustration. Fruit d’un partenariat entre Keepers of the Circle (un centre autochtone) et une organisation à but non lucratif œuvrant pour la durabilité, il a pour but de revitaliser les localités rurales du nord de l’Ontario et appréhende l’économie verte comme une économie circulaire favorable à la réhabilitation du savoir culturel et écologique des autochtones, à la sécurité alimentaire et à l’équité. Un communiqué de presse le décrit comme visant à «stimuler l’emploi tout en réduisant l’empreinte environnementale et, finalement, à empêcher que les jeunes – et la vie – ne quittent les régions arboricoles du Nord» (Sudbury.com, 2021). Une vision similaire sous-tend le projet intitulé «Ma-sh-ki-ki-ke: A story of healing, pour nous et pour la terre» présenté par ReThink Green pour le concours Sudbury 2050 – concours d’idées en design urbain. La présentation vidéo réalisée par l’organisation décrit l’avenir écologique que pourrait connaître la ville comme «un environnement décolonial, résilient sur le plan écologique, neutre en carbone et bienveillant», reposant sur l’économie circulaire et sur des systèmes de gouvernance autochtones, dans l’intérêt de la population diverse de la ville26.
4. Discussion: à la recherche d’une définition décoloniale du travail soutenable
Les discours de divers acteurs de Sudbury et Antônio Pereira sur le travail soutenable illustrent la diversité des approches qui méritent l’attention dans deux espaces distants sur le plan géopolitique. Notre étude montre que des conceptions relativement proches de la définition dominante du travail soutenable coexistent avec de multiples discours contre-hégémoniques qui laissent penser qu’une orientation différente est possible. Nous décrivons d’abord le processus qui conduit à l’adhésion au discours dominant puis, suivant l’approche décoloniale, nous mettons en lumière les dimensions contre-hégémoniques des discours analysés. Nous tentons ainsi d’évoluer vers un concept de travail soutenable qui permette de se détacher du paradigme capitaliste colonial et racial du savoir, lequel contribue, aujourd’hui encore, à la marchandisation du lien entre travail et nature et inspire les processus de réglementation.
Les discours dominants sur le verdissement et la réhabilitation de l’environnement visent souvent à justifier et à pérenniser le statu quo. Dans le cas de Sudbury, l’idée que les emplois miniers peuvent être soutenables et sont même indispensables à une transition verte est non seulement utilisée localement, mais aussi «vendue» à l’étranger par Vale et par des acteurs publics. Elle est en outre légitimée par les orientations définies par l’OIT et les Nations Unies, dont l’action va dans la même direction, que ces organisations soient ou non complices des grandes entreprises. Cette rhétorique dominante met en échec les autres visions, telles que celles défendues par certains groupes communautaires. À noter en particulier que Vale met en avant les efforts déployés à Sudbury pour démontrer que ses pratiques se sont améliorées et cherche de plus en plus à resserrer ses liens avec les nations et communautés autochtones au moyen de partenariats dans le domaine de la formation et de l’emploi. L’entreprise entend ainsi s’acheter une image de respectabilité sur le plan de la «soutenabilité». Toutefois, alors qu’à Sudbury elle essaie d’associer les travailleurs autochtones afin de conférer une crédibilité à l’action qu’elle mène pour que ses activités soient plus soutenables, à Antônio Pereira la dimension environnementale continue à n’occuper qu’une place marginale dans les discours de l’entreprise et du syndicat. On peut en déduire que le discours hégémonique, quoique présent dans les deux contextes, n’est pas le même en raison d’une différence de situation géopolitique. La colonialité n’utilise donc pas les mêmes ressorts dans les pays du Nord que dans les pays du Sud, se manifestant différemment, aussi bien dans les cadres réglementaires que dans la réaction des entreprises.
Ces dynamiques différencient également les divers discours que nous avons rangés dans la catégorie «le travail soutenable vu comme un travail et un moyen de subsistance». Ces discours présentent le travail soutenable comme un moyen d’accéder à l’autonomie et de survivre, parce qu’il permet d’obtenir des emplois syndiqués ou, plus généralement, de bons emplois dans le secteur formel ou encore des emplois dans le secteur informel, comme ceux des garimpeiros. Tous ces discours rejoignent celui de Vale et autres entreprises minières sur l’idée que l’extraction minière peut être durable, même si la notion de soutenabilité et la manière de la mettre en pratique peuvent différer selon les acteurs. À Sudbury comme à Antônio Pereira, les travailleurs syndiqués considèrent les avantages socio-économiques comme des propriétés essentielles du travail soutenable. Toutefois, ils appréhendent celui-ci comme un emploi classique: ils ne tiennent pas suffisamment compte de ses caractéristiques genrées, racialisées et coloniales et se préoccupent relativement peu de ses conséquences sur la nature ou la population. Certains mineurs artisanaux et certaines nations et organisations autochtones considèrent que l’accès à la terre et le bénéfice d’une partie des avantages économiques de l’activité extractive sont indispensables aux pratiques qui leur permettent de survivre. Pour certains travailleurs autochtones, l’activité minière peut être un moyen de subsistance viable dans une économie capitaliste coloniale qui les relègue depuis toujours à la marge, notamment parce que les possibilités qu’ils pourraient avoir de vivre de la terre sont très limitées. L’exemple des garimpeiros révèle en outre un élément important, à savoir que l’héritage racial et colonial est toujours vivace, se manifestant sous la forme de la criminalisation de certaines formes de travail, qui a pour effet d’établir des inégalités entre différentes catégories de travailleurs impliqués dans l’extraction minière (Costa, 2009; Martins, 2009).
Le troisième type de discours («le soin au cœur du travail soutenable») est encore plus révélateur de cette différenciation raciale, genrée et géopolitique. Selon les discours qui relèvent de cette catégorie, le travail soutenable consiste à prendre soin des personnes et des terres. Pour certaines organisations autochtones et alliées de Sudbury et des alentours, le travail soutenable est indissociable du respect de la terre, de sa préservation pour les générations futures et d’un processus de décolonisation qui reconnaît à leur juste valeur les traditions et épistémologies autochtones. De même, pour les femmes d’Antônio Pereira, le travail de soin qu’elles accomplissent au sein de leur communauté est créateur de valeur sociale, affective, écologique et économique. Il constitue aussi une protection contre les effets ravageurs de l’activité extractive prédatrice sur la population. Les propos que tiennent ces femmes remettent en cause la centralité de la valeur marchande du travail et de la nature, valeur qui porte l’empreinte des divisions genrée et raciale du travail héritées du capitalisme colonial/racial. Malgré un recoupement avec les propos et le positionnement géopolitique des garimpeiros, ce troisième type de discours bat en brèche les conceptions des mineurs syndiqués et des mineurs informels, de même que la vision hégémonique. Il montre que les activités extractives – «vertes» ou non, formelles ou informelles – nuisent à la capacité des populations à vivre de la terre et à avoir à un mode de vie proche de la nature.
5. Conclusions
Au début de notre article, nous posions la question de savoir s’il était possible de créer une passerelle entre les conceptions décoloniales du travail durable telles qu’elles transparaissent dans les discours analysés et la conception dominante. Comme notre analyse l’a montré, ces conceptions contre-hégémoniques existent bel et bien, mais elles ont du mal à s’imposer au sein d’un système capitaliste colonial/racial. Les approches du travail soutenable promues par les organisations internationales, y compris l’OIT, traduisent une reconnaissance de la nécessité d’améliorer la durabilité économique et de considérer que le travail englobe un éventail relativement large de pratiques. La raison en est en particulier que l’OIT a progressé et tient désormais davantage compte des voix subalternes dans ses politiques et ses règles relatives au travail et à sa soutenabilité. Ces mêmes politiques ont cependant aussi pour effet de légitimer l’extractivisme en le présentant comme soutenable au motif qu’il contribuerait à la création d’emplois plus verts et d’économies plus inclusives, et ce en dépit des conséquences qu’a eues et que continue d’avoir l’extraction de ressources sur les populations, en particulier celles dont la survie dépend du travail démarchandisé de la terre ou d’économies et moyens de subsistance hybrides.
Cette vision faussée du concept de travail soutenable est due, entre autres raisons, au fait que l’approche hégémonique émane du système capitaliste colonial/racial, réifiant les relations marchandes et reléguant à la marge le soin, le travail démarchandisé de la terre et les savoirs produits par les sujets subalternes. En plus de compromettre les perspectives de reproduction de la vie, cette vision révèle quels paradigmes de savoir déterminent la définition même du travail et de la soutenabilité en tant que catégories et influencent ainsi les processus de réglementation. Selon la vision décoloniale, dès lors que les cadres d’action et la réglementation ne s’écartent pas de la conception capitaliste du travail et de la nature, ils risquent non seulement de ne pas promouvoir la soutenabilité de la vie, mais aussi de légitimer la colonialité, laquelle se traduit par la persistance d’inégalités raciales, de genre et géopolitiques dans le domaine du travail.
Notes
- Pour une cartographie complète de ce concept, voir l’article publié par Herzog et Zimmermann (2025), dans ce présent numéro. ⮭
- Depuis les années 1990, l’idée que l’extraction massive de ressources s’inscrit dans le cadre du développement durable a été défendue par le secteur minier (Bridge, 1997) et par les institutions internationales (par exemple Banque mondiale, 1996). Aujourd’hui, cette pratique est vantée comme indispensable à l’action climatique (Hund et al., 2020). ⮭
- L’extractivisme désigne un mode d’accumulation de richesses indissociable de projets coloniaux historiques reposant sur l’appropriation des terres et des ressources naturelles, ainsi que des capacités et savoirs humains (Machado Araoz, 2023). ⮭
- La convention (n° 169) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et divers rapports censés faciliter son application (par exemple OIT, 2020) prennent acte de la singularité des économies autochtones et reconnaissent qu’elles peuvent constituer une source d’inspiration pour l’élaboration des politiques de développement durable, mais considèrent aussi et surtout que la priorité est de garantir que les travailleurs autochtones intégrés aux marchés du travail formel et informel aient accès au travail décent. ⮭
- Gramsci (1975) a employé le terme «classe subalterne» pour désigner les personnes exclues du pouvoir capitaliste. D’autres chercheurs ont cependant mis en garde contre le fait de théoriser un sujet subalterne homogène, étant donné que la race, la colonisation et le genre sont aussi des dimensions d’une position subalterne (Spivak, 1988). ⮭
- L’eurocentrisme renvoie non pas à l’histoire intellectuelle de l’Europe occidentale, mais au rejet singulier de formes de connaissance non européennes, jugées irrationnelles et non civilisées (Quijano, 2000). ⮭
- À titre d’exemple, les approches décoloniales noires et autochtones ont toujours eu des difficultés à remettre en cause le droit brésilien, parce qu’il n’existe pas de reconnaissance formelle et effective de nations autochtones dans le droit et la jurisprudence du Brésil (Mondardo, 2022). Au Canada, la situation des autochtones est différente, parce qu’ils sont reconnus comme des peuples par la Constitution et comme des nations par la jurisprudence sur les revendications territoriales globales (Canada, ministère de la Justice, 2018). ⮭
- La plupart des textes et documents audiovisuels analysés ont été publiés après 2015. Cette année-là, un barrage minier exploité par Vale s’est rompu à Mariana, si bien que l’entreprise a ensuite dû modifier sa politique en matière de soutenabilité. ⮭
- La démarchandisation du travail et de la terre est aussi au cœur de l’analyse présentée par Karl Polanyi dans La grande transformation ((1944) 1983). Polanyi la conceptualise comme l’issue de contre-mouvements visant à réencastrer les marchés dans la société. Alors qu’il voyait le colonialisme comme le prolongement du développement capitaliste, les chercheurs postcoloniaux considèrent quant à eux que le développement capitaliste est colonial par définition, l’esclavage, le colonialisme et l’impérialisme étant au cœur de la dynamique du double mouvement, notamment de la démarchandisation résultant des institutions de l’État-providence et de la législation qui s’y rattache (par exemple Bhambra, 2021; Goodwin, 2024). Le droit du travail lui-même, vu comme un outil de démarchandisation, était et est donc une institution racialisée génératrice d’exclusion (Ashiagbor, 2021; voir également Blackett, 2020) et extrêmement dommageable pour différents types de moyens de subsistance et de survie (Zbyszewska et Maximo, 2023). Dans cet article, suivant la littérature décoloniale, nous appréhendons la démarchandisation en nous appuyant sur des pratiques ancrées plutôt qu’en nous inscrivant dans un dialogue avec l’analyse polonyienne, quand bien même notre approche n’est pas incompatible avec la vision «revisitée» de cette analyse que nous venons d’évoquer. ⮭
- Par définition, l’expropriation consiste en la dépossession et en l’appropriation historiques et contemporaines des ressources (humaines ou non) sans la moindre indemnisation ou sans indemnisation suffisante pour permettre la reconstitution de ces ressources (Zbyszewska et Maximo, 2023). ⮭
- Il existe des différences entre les théories décoloniales élaborées dans les pays du Sud et celles des pays du Nord. Plus précisément, en Amérique du Nord – que certains peuples autochtones dénomment l’île de la Tortue –, ces théories envisagent la colonisation comme un processus qui est toujours à l’œuvre, en particulier vis-à-vis des populations noires et autochtones. En Amérique latine (ou Abya Yala), les études décoloniales distinguent la colonisation de la colonialité pour attirer l’attention sur le fait que même dans des États souverains démocratiques, y compris des pays progressistes, le génocide et l’asservissement des populations noires et autochtones perdurent. Nous pensons cependant que, s’agissant du travail soutenable, ces deux courants décoloniaux poursuivent des objectifs communs, raison pour laquelle nous les réunissons dans cet article. ⮭
- Les théories décoloniales sont hétérogènes et les stratégies employées pour analyser les effets du capitalisme racial/colonial varient. Dans une stratégie contre-coloniale, il n’y a pas de volonté d’interaction avec le marché ou de soumission au marché, l’objectif étant au contraire de préserver des manières de vivre et de travailler semblables à celles qui avaient cours avant l’invasion européenne (Bispo dos Santos, 2018). Toutefois, certaines stratégies – qualifiées d’essentialisme stratégique dans les études postcoloniales – exigent un droit à l’autodétermination en ce qui concerne l’accès au marché (Spivak, 1988); dans ce cas, une identité créée par le colonisateur est utilisée dans le but politique de revendiquer des droits, ce qui conduit à des positions et conceptions du travail soutenable différentes et paradoxales. ⮭
- Toute méthode contre-hégémonique repose sur des savoirs et pratiques produits collectivement par des sujets subalternes, ce qui ne signifie cependant pas que les sujets, par exemple les travailleurs, reproduisent un discours contre-hégémonique. En réalité, la reproduction des conceptions du colonisateur par les sujets colonisés est l’une des conséquences de la colonialité (Maldonado-Torres, 2007). ⮭
- Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis sur la qualité de l’air, 13 mars 1991. ⮭
- Sur les populations expulsées de la ZAS, voir Instituto Guaicuy (2024). ⮭
- Voir https://guaicuy.org.br/ati/ati-antonio-pereira/antonio-pereira/mineracao-predatoria/. ⮭
- Voir https://investsudbury.ca/fr/key-sectors/cleantech-and-environmental/. ⮭
- Voir https://www.fundacaorenova.org/a-fundacao/. ⮭
- Pour le monde du travail, la justice transitionnelle est un principe exigeant la prise en compte des intérêts des travailleurs et des populations lorsque ceux-ci sont touchés par les adaptations industrielles adoptées pour atteindre les objectifs de réduction des émissions (par exemple élimination progressive des énergies fossiles et fermeture des mines). Le principe de la «transition juste» fait désormais partie intégrante de l’architecture juridique des engagements liés au changement climatique. Voir par exemple OIT (2015). ⮭
- Voir https://gezhtoojig.ca/about/. ⮭
- Voir https://atikamekshenganishnawbek.ca/economic-development/partnership/. ⮭
- Ce groupe de femmes est un collectif local et ne tient donc pas de liste officielle de ses membres, même s’il est reconnu au sein de la communauté et au-delà. Toutefois, durant notre enquête de terrain nous avons rencontré ses membres, dont la femme dont les propos sont relatés dans cet article et celles qui apparaissent dans le podcast accessible sur le site Internet de l’AIAAV (2022). ⮭
- Voir https://guaicuy.org.br/ati/ati-antonio-pereira/ati-antonio-pereira/. ⮭
- Action au civil n° 5003419-46.2021.8.13.0461, dans laquelle Vale soutient que la manifestation organisée sur la route fédérale bloquait l’accès aux routes conduisant à la mine de Timbopeba et constituait donc une atteinte au libre exercice du droit d’aller et venir de l’entreprise, de ses salariés et des salariés d’autres entreprises. ⮭
- Voir https://www.liveablesudbury.org/about/. ⮭
- Vidéo disponible à l’adresse https://vimeo.com/452436281 (téléchargée le 28 août 2020). ⮭
Remerciements
Cet article repose sur une recherche qui a bénéficié d’un financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.
Références
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