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Titre original: «Crowding out or “One-Size-Fits-All” Occupations? A Regional Exploration of Youth Overeducation in Spain» (International Labour Review, vol. 164, no 2). Traduit par Isabelle Lauze. Également disponible en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, no 2).
1. Introduction
Ces dernières décennies, le niveau d’études de la population active a progressé plus rapidement que la demande d’emplois qualifiés dans bon nombre de pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’inadéquation entre formation et emploi qui en résulte a conduit les chercheurs et les décideurs à s’intéresser de plus près au phénomène de la surqualification (ou déclassement professionnel), qui se produit lorsqu’une personne possède un niveau de qualification supérieur à celui requis pour l’emploi qu’elle occupe, et qui touche notamment les jeunes actifs (Quintini, 2011). Des études empiriques tendent à montrer que la surqualification n’est un phénomène ni négligeable ni transitoire (Verhaest et van der Velden, 2013) et qu’elle a des effets négatifs sur les salaires (Mavromaras, McGuinness et Fok, 2009), sur la satisfaction à l’égard de la formation reçue et de l’emploi occupé (Ortiz-Gervasi et McGuinness, 2018) et sur la stabilité dans l’emploi (Tsang, Rumberger et Levin, 1991). Si la plupart des travaux sur la surqualification sont centrés sur les individus, l’ampleur du phénomène a amené à s’intéresser aux facteurs nationaux (voir, par exemple, Croce et Ghignoni, 2012; Verhaest et van der Velden, 2013) ou, plus rarement, régionaux (voir, par exemple, Davia, McGuinness et O’Connell, 2017). Dans la mesure où l’on constate de fortes disparités régionales en matière de déclassement professionnel des jeunes dans des pays tels que l’Autriche, l’Espagne (Ramos et Sanromá, 2013; Sánchez-Sánchez et Fernández-Puente, 2021), la Grèce (Davia, McGuinness et O’Connell, 2017) et l’Italie (Meliciani et Radicchia, 2016), il semble nécessaire de mieux cerner l’effet de facteurs liés à l’offre et à la demande au niveau régional.
Nous étudions donc dans cet article les facteurs régionaux qui affectent la surqualification et ses éventuels effets de report sur les jeunes moins diplômés. Nous enrichissons la littérature sur le sujet à quatre égards. Premièrement, les travaux sur la surqualification au niveau régional se sont dans l’ensemble centrés sur la taille du marché local du travail et sur la distance qui sépare les travailleurs des grandes agglomérations (Büchel et van Ham, 2003; McGoldrick et Robst, 1996), sans vraiment prendre en compte d’autres caractéristiques des marchés du travail régionaux. Deuxièmement, des études empiriques récentes se sont intéressées aux déterminants possibles de la surqualification au niveau régional pour l’ensemble de la population en âge de travailler (Davia, McGuinness et O’Connell, 2017) et pas spécifiquement pour les jeunes, qui sont plus susceptibles d’être concernés par la surqualification que les travailleurs plus âgés (Dekker, de Grip et Heijke, 2002; Frei et Sousa-Poza, 2012; Vahey, 2000). Troisièmement, la littérature s’est surtout centrée sur la durée des situations de déclassement, et les rares auteurs qui se sont penchés sur l’évolution du phénomène au niveau agrégé l’ont fait à l’échelle nationale (voir, par exemple, Green et Zhu, 2010; Kiersztyn, 2013; Korpi et Tåhlin, 2009; Vera-Toscano et Meroni, 2021). Quatrièmement, les effets éventuels de la surqualification des diplômés du supérieur sur des catégories de travailleurs moins qualifiés – l’éviction vers le chômage, par exemple – ont été le plus souvent étudiés au niveau individuel (voir par exemple Klein, 2015; Pollmann-Schult, 2005) et rarement au niveau agrégé (Habibi et Kamis, 2021; Hansson, 2007).
Afin de répondre à ces questions de recherche, nous organisons notre article comme suit. Dans la deuxième partie, nous examinons les facteurs nationaux et régionaux dont la littérature montre qu’ils contribuent au déclassement. Nous expliquons en quoi le cas de l’Espagne est pertinent pour traiter nos questions de recherche dans la troisième partie. Nous décrivons ensuite nos données (quatrième partie) puis notre stratégie d’analyse (cinquième partie). Nous présentons et commentons nos résultats dans la sixième partie, avant de résumer nos conclusions dans la septième partie.
2. Déterminants de la surqualification aux niveaux national et régional
Au niveau national, la surqualification est généralement expliquée par des facteurs liés à l’offre et à la demande sur le marché du travail. Du côté de l’offre, une augmentation rapide de l’offre de diplômés du supérieur est corrélée positivement au taux de déclassement (Groot et van den Brink, 2000; Hartog, 2000). Des études plus récentes montrent toutefois que, en dépit de l’élévation rapide du niveau d’études des jeunes actifs en Europe, la part de jeunes diplômés du supérieur en situation de déclassement a diminué d’un tiers entre 2000 et 2016 (Delaney et al., 2020). Chez les titulaires d’un diplôme universitaire du moins, les écarts de surqualification que l’on observe entre pays s’expliquent moins par la part de travailleurs hautement qualifiés dans la population active que par la qualité et l’orientation (professionnelle ou générale) des cursus (Verhaest et van der Velden, 2013). Certaines études ont mis en évidence un lien entre l’importance des filières d’enseignement professionnel et la surqualification, les pays où ces filières sont plus développées affichant des taux de déclassement plus faibles (Mavromaras et McGuinness, 2012; McGuinness, Bergin et Whelan, 2018). Ce lien n’est toutefois pas confirmé par une étude ultérieure qui s’intéresse au taux de déclassement des jeunes, tant chez les diplômés du supérieur que chez les détenteurs d’un niveau baccalauréat (Delaney et al., 2020).
Du côté de la demande, le chômage des jeunes est un facteur prédictif bien connu du déclassement, puisque la pénurie d’emplois tend à faire baisser le salaire de réserve des jeunes diplômés, qui sont alors amenés à accepter des emplois correspondant à un niveau d’études inférieur au leur (Croce et Ghignoni, 2012; Davia, McGuinness et O’Connell, 2017). Le taux d’emploi temporaire est un autre des facteurs importants du côté de la demande. Des travaux montrent une corrélation positive entre les contrats à durée déterminée et le déclassement dans les pays où ces contrats servent de tremplin vers un emploi en adéquation avec le diplôme (en Italie par exemple), et une corrélation négative dans les pays où les marchés du travail sont plus segmentés (en Espagne par exemple), les travailleurs préférant la sécurité de l’emploi à un contrat à durée déterminée, même au prix d’un déclassement (Ortiz, 2010). Enfin, les dépenses de recherche et développement (R et D) sont associées négativement au déclassement, du fait que la R et D crée des emplois hautement qualifiés (Di Pietro, 2002; Ghignoni et Verashchagina, 2014).
Les rares études menées à ce jour sur la surqualification au niveau régional partent de l’hypothèse que la taille du marché local du travail influe sur les chances des diplômés de trouver un emploi conforme à leurs qualifications. Les données pour la partie occidentale de l’Allemagne et pour la Finlande indiquent que plus le marché du travail est étroit, plus le risque de déclassement est élevé (Büchel et van Ham, 2003; Jauhiainen, 2011). En abordant la question de la taille du marché du travail sous l’angle du temps de trajet jusqu’à l’agglomération la plus proche, Büchel et van Ham (2003) ont constaté que la mobilité géographique des actifs limitait le risque de déclassement. Dans le même ordre d’idées, une étude empirique fondée sur des données finlandaises montre que la probabilité de déclassement dépend incontestablement du contexte régional, puisque le fait de résider dans une zone d’emploi plus vaste diminue la probabilité d’être surqualifié (Jauhiainen, 2011).
En résumé, la plupart des analyses régionales de la surqualification sont axées sur la taille du marché du travail ou sur la distance qui sépare les travailleurs d’une grande agglomération, et non sur les caractéristiques du marché du travail local. Nous nous proposons justement ici d’enrichir la littérature sur la question en examinant les facteurs régionaux de l’offre et de la demande qui sont susceptibles d’influer sur le risque de déclassement des jeunes actifs. Nous nous intéressons aux deux catégories de travailleurs qui peuvent se retrouver en situation de surqualification: les diplômés du supérieur et les diplômés du deuxième cycle du secondaire. À notre connaissance, personne n’a encore cherché à expliquer les éventuels écarts régionaux en matière de surqualification tout en comparant l’effet de ces facteurs selon le niveau d’études et au fil du temps.
Nous estimons que, comme au niveau national, les disparités de taux de déclassement entre régions peuvent tenir à des facteurs liés à la fois à l’offre et à la demande, qui sont plus ou moins déterminants en fonction de la mobilité géographique. Cela pourrait être tout particulièrement le cas dans les pays où les marchés du travail affichent de fortes disparités régionales. Il se peut ainsi qu’une région affiche un taux de déclassement plus élevé qu’une autre en raison d’une offre excédentaire de diplômés ou inversement. Si l’on se place à présent du côté de la demande, il se peut que l’économie régionale ne soit pas en mesure d’absorber les cohortes plus diplômées qui arrivent sur le marché du travail. Cette éventuelle inadéquation peut être révélée par le chômage des jeunes ou les dépenses de R et D au niveau régional (Sánchez-Sánchez et Fernández-Puente, 2021; Summerfield et Theodiossiou, 2017).
Pour étudier l’incidence des facteurs de l’offre et de la demande sur les écarts de surqualification entre régions, il convient de tenir compte des migrations interrégionales, qui sont un correctif naturel de ces disparités (Waldorf et Yun, 2016). Cela dit, dans l’une des rares études de la surqualification dans une perspective régionale, Meliciani et Radicchia (2016) observent qu’en l’Italie, pays présentant de fortes disparités régionales, les migrations ne font baisser la surqualification que partiellement. Le même constat d’un effet correctif limité de la mobilité géographique a été fait pour l’Espagne: les migrations pendulaires et résidentielles ne favorisent que les hommes diplômés du supérieur et, encore, à la marge (Romaní, Casado-Díaz et Lillo-Bañuls, 2016). Sur la base de ces éléments, nous formulons les hypothèses suivantes:
Hypothèse H1: Après avoir neutralisé les effets des migrations interrégionales, une augmentation de l’offre régionale de jeunes travailleurs hautement qualifiés (niveau et évolution) est associée positivement à une hausse du taux régional de déclassement chez les jeunes diplômés du supérieur.
Hypothèse H2: Après avoir neutralisé les effets des migrations interrégionales, une augmentation de la demande régionale de qualifications (niveau et évolution) est associée négativement au taux régional de déclassement chez les jeunes diplômés du supérieur.
Pour les jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire, un facteur supplémentaire est à prendre en compte. Les diplômés du supérieur qui ne parviennent pas à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications sont susceptibles d’évincer les titulaires du baccalauréat des postes qui leur sont théoriquement destinés sur le marché du travail, en les reléguant dans des emplois de niveau inférieur (pour lesquels ils sont surqualifiés), voire dans le chômage (Bar-Haim, Chauvel et Hartung, 2019). Cet effet d’éviction a été constaté aux Pays-Bas, où le risque de chômage des travailleurs moins qualifiés semble augmenter avec le taux de déclassement des diplômés du supérieur (Ponds et al., 2016), ainsi qu’aux États-Unis, où la même dynamique a été observée entre bacheliers et diplômés universitaires (Habibi et Kamis, 2021). Une précédente étude comparative portant sur 26 pays de l’OCDE ne faisait toutefois apparaître d’effet d’éviction dû à la hausse des effectifs étudiants nulle part, sauf en Espagne (Hansson, 2007). Cette singularité rend encore plus pertinente l’étude d’une éventuelle dynamique d’éviction dans ce pays. Des travaux antérieurs reposant sur des modèles théoriques montrent qu’en Espagne les 21-25 ans diplômés du supérieur «semblent de plus en plus occuper à la fois les emplois les plus qualifiés […] et les emplois semi-qualifiés» (Dolado, Felgueroso et Jimeno, 2000, p. 947). Les auteurs se sont penchés sur la période 1977-1998 et ont construit un modèle économétrique pour expliquer l’existence d’un effet d’éviction en vertu duquel «la rigidité des institutions du marché du travail conjuguée à l’augmentation de l’offre relative de travailleurs hautement qualifiés compromet les chances de formation des travailleurs moins diplômés» (ibid). Leur modèle n’a toutefois pas été testé de manière empirique. Sur la base de ces éléments, nous formulons à propos de l’effet d’éviction l’hypothèse suivante:
Hypothèse H3a: Après avoir neutralisé les effets des migrations interrégionales, une augmentation du taux régional de déclassement chez les jeunes diplômés du supérieur est associée positivement à une augmentation du taux de déclassement ou de chômage chez les jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire («effet d’éviction»).
Selon une autre hypothèse, si les offres d’emplois ne nécessitant pas de diplôme universitaire sont en nombre suffisant, le marché du travail peut absorber à la fois les diplômés du supérieur surqualifiés et ceux qui possèdent un niveau d’études inférieur. Fait intéressant, dans leur analyse comparative de l’évolution de la structure des emplois en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et en Suisse, Oesch et Rodríguez-Menés (2011) montrent que l’Espagne est le seul pays où l’on observe une évolution positive nette de la structure des professions dans le troisième quintile de la distribution de la qualité des emplois au cours de la période 1990-2008. Dans ce cas de figure, le taux de déclassement augmenterait chez les diplômés du supérieur sans que les bacheliers n’en payent les conséquences en se retrouvant à leur tour en situation de surqualification ou évincés vers le chômage:
Hypothèse H3b: Après avoir neutralisé les effets des migrations interrégionales, une augmentation du taux régional de déclassement chez les jeunes diplômés du supérieur n’a pas d’incidence sur le taux de déclassement ou le taux de chômage chez les jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire («absence d’effet d’éviction»).
3. Le cas de l’Espagne
Pour étudier l’influence des facteurs liés à l’offre et à la demande et l’existence éventuelle d’un effet d’éviction, il nous fallait choisir un pays présentant un taux élevé de déclassement des jeunes et des disparités entre régions. Il fallait par ailleurs disposer de données suffisantes sur une longue durée, et notamment de variables relatives à l’offre et à la demande à l’échelon régional. L’Espagne répondait à ces trois critères. Premièrement, des études comparatives européennes sur la surqualification montrent que l’Espagne détient le record pour ce qui est des diplômés du supérieur (Verhaest et van der Velden, 2013) et qu’elle affiche aussi un taux de déclassement élevé pour l’ensemble de la population en âge de travailler (Davia, McGuinness et O’Connell, 2017), en dépit du fait que la part de travailleurs peu diplômés (niveau 2 de la CITE ou inférieur)1 y est relativement importante, comme c’est le cas aussi en Italie (McGuinness, Bergin et Whelan, 2018, p. 997). Deuxièmement, l’Espagne présente de grandes disparités de taux de déclassement d’une région à l’autre, les écarts n’étant plus marqués qu’en Italie, en Autriche et en Grèce pour les femmes (Davia, McGuinness et O’Connell, 2017; Sánchez-Sánchez et Fernández-Puente, 2021). On constate également en Espagne la persistance d’une forte hétérogénéité régionale en matière de taux de chômage, du fait que «les migrations réagissent peu aux variables économiques» (Jimeno et Bentolila, 1998, p. 40). Si le manque de mobilité géographique empêche l’ajustement et la convergence des taux de chômage, il a sans doute le même effet sur les taux de déclassement. La mobilité interrégionale a beau être relativement faible en Espagne, il convient de préciser qu’elle varie selon le niveau d’études et les caractéristiques de la région, ce qui peut avoir une incidence sur les taux de déclassement (González-Leonardo, 2020). Troisièmement, les données que nous avons collectées auprès de plusieurs sources nous permettent d’effectuer des analyses au niveau régional sur une longue période.
Si les résultats obtenus pour un pays donné ne sont pas directement transposables à d’autres, notre étude offrira néanmoins un point de comparaison aux pays d’Europe et de l’OCDE qui connaissent une élévation du niveau de diplôme des jeunes actifs, des taux de déclassement et des disparités régionales similaires et souhaiteraient examiner les facteurs qui concourent à la surqualification des jeunes et se demander si elle s’accompagne d’un effet d’éviction.
4. Données
Nous exploitons les données trimestrielles de l’enquête espagnole sur la population active (Encuesta de Población Activa, EPA), pour la période comprise entre le premier trimestre 1987 et le quatrième trimestre 2016, une durée suffisamment longue pour étudier l’évolution de la surqualification sur les marchés du travail régionaux en Espagne2. Bien que les données de l’EPA les plus anciennes remontent à 1964, nous avons préféré resserrer notre période d’étude, parce que les données sont insuffisantes avant 1987 pour certaines variables pertinentes du côté de la demande (par exemple le taux d’emploi temporaire) et que nous souhaitions exclure les années de la transition démocratique, une période d’instabilité économique, sociale et politique qui a influencé le comportement du marché du travail [les syndicats ne furent légalisés qu’en 1977 par exemple] De même, notre analyse s’arrête au dernier trimestre 2016 car, pour les années suivantes, nous manquons de données régionales suffisantes pour tenir compte des facteurs de l’offre et de la demande. Nous prenons comme unités d’analyse les 17 régions espagnoles de niveau NUTS 23, qui correspondent aux 17 communautés autonomes du pays, et nous excluons les villes autonomes de Ceuta et Melilla4. À la différence d’autres auteurs, nous ne ventilons pas notre analyse par sexe, car aucun élément n’indique que la surqualification concerne davantage les femmes que les hommes en Espagne (García-Serrano et Malo-Ocaña, 1997). Cette ventilation aurait aussi pour effet de réduire encore davantage la taille des échantillons régionaux, au risque d’augmenter les termes d’erreur et d’amoindrir la puissance statistique de l’analyse. Du reste, il nous serait difficile de conduire l’analyse pour les premières années de la série, époque où le taux d’activité des femmes était faible en Espagne. Cela nous obligerait à beaucoup resserrer la période étudiée, ce que nous ne souhaitons pas, puisque notre étude repose sur la méthode de l’analyse chronologique et transversale. D’un point de vue théorique, une étude comparative européenne montrent une association négative entre le taux d’activité des femmes et le taux de déclassement (McGuinness, Bergin et Whelan, 2018) dans les pays dotés d’une législation sur la parité et de services de garde d’enfants abordables qui réduisent le risque de surqualification des femmes. Nous ne jugeons pas ces critères pertinents à l’échelle régionale dans la mesure où la législation en la matière ne diffère guère d’une région à l’autre et qu’elle a sans doute un effet moindre sur les jeunes femmes, a fortiori dans un pays comme l’Espagne, où le taux de fécondité est relativement faible et où, en moyenne, les femmes ont leur premier enfant à un âge plus avancé. Puisque nous centrons notre analyse sur les jeunes actifs, nous partons du principe que les écarts entre les sexes dus à la garde d’enfants sont moindres que dans l’ensemble de la population en âge de travailler. L’existence éventuelle d’écarts entre les femmes et les hommes en matière de surqualification des jeunes est une piste de recherche qu’il nous semble néanmoins utile de creuser.
4.1. Variables dépendantes
Nous utilisons le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur pour étudier les écarts entre régions et les facteurs de l’offre et de la demande qui les expliquent (hypothèses H1 et H2). Le taux régional de déclassement est calculé à partir de données trimestrielles et annuelles relatives aux travailleurs âgés de 16 à 34 ans et titulaires d’un diplôme universitaire (niveaux 5 et 6 de la CITE). Compte tenu des données dont nous disposons, nous suivons l’approche normative, dite aussi de l’analyse du poste de travail, qui fournit une mesure objective de la surqualification. Cette mesure est considérée comme rigoureuse et adaptée aux études portant sur un seul pays (Capsada-Munsech, 2019). Malgré le fait qu’elle ne tienne pas compte de la diversité des emplois au sein d’une même profession, cette méthode nous paraît plus pertinente et plus adaptée que l’approche statistique, appelée aussi «approche des appariements réalisés» (realized matches), qui consiste à comparer le niveau de diplôme d’un individu au niveau de diplôme le plus fréquent dans sa catégorie d’emploi, ce qui n’a pas de sens lorsqu’on étudie des données agrégées et l’influence du taux d’une année sur les années suivantes. En outre, cette méthode oblige à fixer arbitrairement un seuil (par exemple +1 écart type par rapport à la moyenne) à partir duquel les personnes sont considérées comme surqualifiées. Or, comme l’ont fait valoir Ortiz et Kucel (2008), les niveaux d’études sont moins sujets à l’arbitraire des chercheurs. Malheureusement, l’EPA ne comporte pas de question qui permettrait de mesurer subjectivement le déclassement, si bien que nous n’avons pas les moyens de comparer les résultats obtenus par une mesure objective à ceux résultant d’une autoévaluation des travailleurs.
Pour calculer notre mesure objective de l’analyse du poste de travail, nous considérons que les diplômés des niveaux 5 et 6 de la CITE sont en situation de surqualification s’ils n’occupent pas un emploi relevant des groupes 1 et 2 de la CITP-085 au niveau à un chiffre6. Le logarithme naturel du taux de déclassement des diplômés du supérieur est calculé afin d’obtenir une distribution logarithmique normale. Le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur est calculé un an plus tard (t+ 1, variable décalée) afin de déterminer si les facteurs de l’offre et de la demande à t0 affectent le déclassement à t+ 1.
Pour vérifier si les titulaires d’un diplôme universitaire ont un effet d’éviction sur les bacheliers (hypothèses H3a et H3b), nous utilisons les taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire comme variables dépendantes. En suivant la même approche d’analyse du poste de travail, nous considérons comme surqualifiés les travailleurs qui possèdent au plus un diplôme du deuxième cycle du secondaire ou de l’enseignement postsecondaire non supérieur (niveaux 3 et 4 de la CITE) et qui n’exercent pas de profession relevant des niveaux 1 à 4 de la CITP-08. Nous utilisons la définition standard du taux de chômage pour les jeunes travailleurs possédant au plus les niveaux 3 ou 4 de la CITE. Nous utilisons la définition standard du taux de chômage pour les jeunes travailleurs ayant atteint au maximum les niveaux 3 ou 4 de la CITE7. Pour les deux hypothèses, nous calculons d’abord le logarithme naturel des taux de déclassement et de chômage, puis nous décalons les valeurs de la variable dépendante pour voir si une augmentation du taux de déclassement pour les diplômés du supérieur à t0 influence le taux de déclassement ou de chômage pour les diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1.
4.2. Variables de l’offre et de la demande
Nous incluons dans l’analyse plusieurs facteurs de l’offre et de la demande afin d’expliquer les écarts de déclassement entre régions (voir le tableau SA1 de l’annexe en ligne (en anglais) pour plus de détails sur le calcul, la période et les sources des variables). En raison des différences d’échelle et de distribution dans les données, toutes les variables prédictives sont normalisées. Du côté de l’offre, nous mesurons l’offre de diplômés du supérieur, puisque certains travaux ont mis en évidence une corrélation positive avec le taux de déclassement (Groot et van den Brink, 2000; Hartog, 2000) et que d’autres montrent le contraire (Delaney et al., 2020). Pour appréhender cette notion, nous utilisons le taux d’activité des jeunes diplômés du supérieur (16-34 ans), le taux d’activité de la population diplômée de l’enseignement supérieur (16 ans et plus) et le taux de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les 25-29 ans. Comme il s’agit de plusieurs indicateurs possibles du même facteur latent, nous les introduisons les uns après les autres dans l’analyse multivariée pour vérifier la robustesse.
Pour ce qui est des facteurs liés à la demande, nous introduisons le taux de chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (16-34 ans), car il a été constaté qu’il était associé positivement au taux de déclassement (Croce et Ghignoni, 2012; Davia, McGuinness et O’Connell, 2017). Nous incluons également le taux d’emploi temporaire des jeunes (16-34 ans) et le taux d’emploi temporaire de la population active (16-64 ans): l’emploi temporaire est en effet un phénomène important sur le marché du travail espagnol (Polavieja, 2003), où il est corrélé négativement au taux de déclassement, même si cette corrélation est positive dans d’autres pays tels que l’Italie (Ortiz, 2010). Nous introduisons le taux de chômage et le taux d’emploi temporaire séparément dans les analyses multinomiales, parce qu’ils sont fortement associés l’un à l’autre. À cet égard, Baccaro et al. (2016) montrent que le taux de chômage est le principal facteur explicatif des écarts de taux de travail temporaire entre pays. Comme l’observent Arranz, García-Serrano et Toharia (2010) à propos de l’Espagne, «les personnes qui se retrouvent au chômage à l’issue d’un contrat à durée déterminée ont plus de probabilités d’en sortir en reprenant un emploi temporaire qu’en trouvant un emploi à durée indéterminée, en se mettantà leur compte ou en quittant la vie active» (p. 67). En d’autres termes, l’emploi temporaire et le chômage peuvent facilement devenir les deux facettes d’un même piège, surtout sur un marché du travail segmenté comme l’est celui de l’Espagne. Pour évaluer les dépenses de R et D, dont il a été montré qu’elles étaient négativement associées au taux de déclassement (Di Pietro, 2002), nous utilisons les variables suivantes: emploi dans les secteurs de haute technologie, emploi dans les secteurs à moindre intensité de qualifications, emploi dans laR et D, dépenses de R et D par habitant et dépenses de R et D en parité de pouvoir d’achat (PPA). Les données étant insuffisantes pour certaines périodes, nous n’avons pas pu les utiliser dans tous les modèles. Comme tous ces indicateurs visent à mesurer la même caractéristique, nous les introduisons les uns après les autres pour vérifier la robustesse des résultats.
En plus des facteurs liés à l’offre et à la demande, nous incluons dans l’analyse le solde démographique régional comme variable de contrôle. Ce solde tient compte des naissances (+) et des décès (–), ainsi que des arrivées (+) et des départs (–) enregistrés sur le territoire (de la Fuente (2016) pour la période 1987-2015). Il donne une idée de l’évolution des effectifs sur le marché du travail local et de la migration interrégionale des jeunes à des fins de formation ou d’emploi. Dans l’idéal, nous souhaiterions limiter cette mesure à la population de jeunes et la ventiler par niveau de diplôme. Or, à notre connaissance, de la Fuente (2016) est la seule source qui fournisse un bilan démographique régional sur une période aussi longue. Certaines études démographiques, fondées sur les données des recensements espagnols de 2001 et 2011, ont mesuré les taux de migration interrégionale des jeunes par niveau de diplôme (González-Leonardo, Recaño et López-Gay, 2020). Nous ne pouvons malheureusement pas exploiter ces éléments plus détaillées, car nous avons besoin de données annuelles pour l’ensemble de la période d’étude pour conduire notre analyse.
5. Stratégie d’analyse
Nous utilisons la méthode de l’analyse chronologique et transversale (time-series cross-sectional) pour étudier la variation du taux de déclassement dans le temps et entre les régions. Cette méthode nous permet de déterminer si l’évolution des variables factorielles une année donnée (t0) influe sur la variable dépendante d’intérêt l’année suivante (t+ 1). Il s’agit de l’approche économétrique la plus pertinente pour vérifier nos hypothèses et la plus adaptée compte tenu des données d’enquête dont nous disposons. Avec les données chronologiques et transversales, on est fréquemment confrontés à un double problème d’autocorrélation entre les unités d’analyse (autocorrélation spatiale) et d’hétéroscédasticité au sein de chaque unité (autocorrélation en série), ce qui entraîne un biais par défaut des estimations des erreurs types dans la régression par les moindres carrés ordinaires. Suivant les recommandations de Beck et Katz (1995), nous utilisons des modèles de régression sur données de panel avec écarts types corrigés (panel corrected standard errors, PCSE) qui permettent de tenir compte de la corrélation sérielle et spatiale et d’obtenir de meilleures inférences que les modèles linéaires estimés à partir de données chronologiques et transversales (Bailey et Katz, 2011). Cette méthode est plus efficace que d’autres pour traiter la corrélation spatiale et sérielle dérivée des données chronologiques et transversales (Beck et Katz, 1995). Nous avons également cherché à déceler la présence d’une autocorrélation du premier ordre (commande xtserial dans le logiciel Stata) pour voir si les observations passées affectent les suivantes. Les résultats pour chaque variable indépendante par rapport à la variable dépendante étaient statistiquement significatifs et nous avons corrigé nos modèles en conséquence (commande xtpcse …, corr(ar1) dans Stata).
Pour vérifier les hypothèses H1 et H2, nous utilisons l’équation suivante:
(1)
où i désigne la région (communauté autonome), t l’année et ɛ le terme d’erreur. ln_OVERED3 est le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur. Il est utilisé à t+ 1 comme variable dépendante et à t0 comme variable indépendante. z_DEMOGRAPHIC_B est une variable de contrôle standardisée du solde démographique, z_SUPPLY un vecteur des variables de l’offre et z_DEMAND un vecteur des variables de la demande.
Pour tester les hypothèses H3a et H3b, nous utilisons une équation analogue:
(2)
où les variables dépendantes ln_OVERED2 et ln_UNEMPL2 représentent respectivement le taux de déclassement et le taux de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire. Le principal facteur de l’offre est la part de jeunes diplômés du supérieur surqualifiés susceptibles de reléguer les jeunes bacheliers dans une situation de surqualification ou de chômage.
Comme nous avons dû compléter les données de l’EPA par d’autres sources statistiques et que les informations ne sont pas disponibles pour toutes les variables sur l’ensemble de la période analysée, notre panel n’est pas équilibré. En nous appuyant sur des études antérieures (par exemple Wakeford, 2004), nous remédions à cet inconvénient en découpant notre échantillon en deux sous-périodes que nous décrivons dans le tableau SA2 de l’annexe en ligne (en anglais).
6. Résultats et discussion
6.1. Écarts de surqualification entre régions
L’analyse descriptive initiale du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur (figure 1) et du deuxième cycle du secondaire (figure 2) fait apparaître des écarts entre régions, mais une évolution semblable dans le temps. La figure 1, qui présente le logarithme naturel du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur dans les différentes régions espagnoles entre 1987 et 2016, montre une tendance à la hausse positive. C’est ce qu’avaient constaté McGuinness, Bergin et Whelan (2018) au niveau national en se fondant sur des données d’enquêtes sur la population active portant sur les années 2001 à 2011. Ces auteurs montrent que le taux de déclassement de l’ensemble de la population active a augmenté à un rythme plus soutenu dans les pays périphériques de l’Union européenne (Espagne, Grèce, Irlande, Italie et Portugal) que dans ceux d’Europe centrale et orientale.
Dans la plupart des régions espagnoles, le taux de déclassement augmente de façon régulière pendant une bonne partie des années 1990, avant de monter en flèche à la toute fin du XXe siècle puis de se stabiliser au cours des premières décennies du XXIe siècle. Ce bond s’explique peut-être par le changement de nomenclature des diplômes survenu à la suite d’une réforme du système éducatif qui a réservé l’accès au deuxième cycle du secondaire (formation professionnelle de niveau intermédiaire – FP I – et baccalauréat) aux élèves ayant achevé le premier cycle du secondaire (enseignement secondaire obligatoire – ESO)8. En outre, le niveau formation professionnelle de niveau avancé ou FP II qui était considéré comme relevant du deuxième cycle du secondaire (niveau 4 de la CITE) est désormais classé dans l’enseignement supérieur de cycle court (niveau 5 de la CITE). Même si le contenu de ces cursus et les qualifications requises sur le marché du travail n’ont pas vraiment évolué, on observe effectivement une hausse du taux de déclassement, puis une stabilisation dues à l’inclusion de certains cours professionnels qui étaient classés au niveau 4 de la CITE (par exemple FP II – Ciclos Formativos de Grado Superior) au niveau 5 de la CITE de 2011. Malheureusement, nous ne pouvons pas différencier ces cours des autres, car nous ne disposons pas d’informations détaillées nous permettant de distinguer quels sont les cours généraux et quels sont les cours professionnels (CITE 54, précédemment CITE 5a, et CITE 55, précédemment CITE 5b) dans le cadre de la CITE de 2011.
Autre changement de taille: avant l’an 2000, la nomenclature de niveaux d’études de l’EPA comportait des catégories telles que «trois années d’enseignement supérieur achevées (premier cycle), sans éligibilité à un diplôme». Nous comptabilisons les personnes concernées parmi les diplômés du supérieur parce que, jusqu’à la hausse des effectifs étudiants en Espagne au début des années 2000, le fait d’avoir suivi des cours à l’université était un atout à l’embauche. Certaines personnes ont ainsi pu être recrutées à un poste nécessitant un niveau universitaire alors qu’elles n’avaient pas le diplôme (elles étaient donc sous-qualifiées). Après le changement de nomenclature en l’an 2000, seuls les titulaires d’un diplôme universitaire ont été classés dans la catégorie enseignement supérieur.
En suivant la méthode employée pour d’autres cas de rupture structurelle dans le cadre de l’analyse chronologique et transversale (voir, par exemple, Kelly et Witko, 2012), nous avons effectué un test de Chow (Chow, 1960) sur toutes les variables indépendantes afin de vérifier si la rupture dans la série (entre 1999 et 2000) a une incidence sur les variables prédictives. Dans tous les cas, le résultat du test était statistiquement significatif, ce qui veut dire que la rupture dans la série a une influence sur la tendance de cette variable9. Nous avons donc introduit dans l’analyse une variable indicatrice (prenant la valeur 0 pour la période précédant l’an 2000 et 1 au-delà) afin de prendre en compte la rupture. Nous avons estimé les modèles avec et sans la variable de rupture. Lorsque nous ajoutons cette variable, les coefficients diminuent mais leur signe reste inchangé, ce qui indique que la césure touche notre variable dépendante, mais pas suffisamment pour expliquer les écarts de surqualification entre régions au fil du temps.
La figure 2 présente les mêmes éléments que la figure 1, cette fois pour les jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire. Les résultats indiquent ici aussi des écarts de surqualification entre régions avec toutefois une tendance générale similaire d’une région à l’autre. Le taux de déclassement relativement élevé que l’on observe pour les jeunes titulaires du baccalauréat n’a rien de surprenant, puisque des études avaient déjà mis en évidence ce phénomène dans les pays périphériques de l’Union européenne (Espagne, Grèce, Irlande, Islande, Italie et Portugal) (Delaney et al., 2020). On observe de nouveau une rupture de tendance à la fin des années 1990. Ce changement brusque est sans doute dû ici aussi à la réforme à l’issue de laquelle certains diplômes de l’enseignement professionnel et technique, auparavant considérés comme relevant du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, ont été reclassés dans l’enseignement supérieur non universitaire, ce qui a donné lieu à un changement de méthodologie de l’EPA. Cette nouvelle classification officielle s’est accompagnée d’un relèvement des conditions d’accès à ces formations et, par conséquent, des qualifications acquises grâce à ces diplômes. Nous avons dans ce cas aussi effectué un test de Chow, et les résultats se sont révélés statistiquement significatifs. Nous avons donc introduit la variable indicatrice dans les analyses, afin de neutraliser les effets éventuels de la rupture de la série sur nos résultats.
6.2. Facteurs de l’offre et de la demande affectant la surqualification au niveau régional
Nous nous intéressons à présent aux facteurs liés à l’offre et à la demande10 susceptibles d’expliquer les écarts de surqualification entre régions. Les tableaux 1 (période 1, 1987-2016) et 2 (période 2, 1999-2016) montrent comment les facteurs de l’offre et de la demande sont associés au taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur un an plus tard. Pour faciliter l’interprétation des résultats, nous avons transformé les coefficients de régression en variation en pourcentage, en nous inspirant de Palmer (2011)11.
Variation (%) du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur liée à des facteurs de l’offre et de la demande, période 1 (1987-2016)
Modèle 1 | Modèle 2 | Modèle 3 | Modèle 4 | Modèle 5 | Modèle 6 | Modèle 7 | Modèle 8 | Modèle 9 | |
Solde démographique (A) | 1,82 | 0,37 | 1,18 | 1,46 | –1,04 | –0,06 | 1,49 | –0,62 | 0,25 |
Facteurs de l’offre | |||||||||
Taux d’activité des jeunes diplômés du supérieur (T) | –8,56*** | –5,44*** | –8,50*** | ||||||
Population diplômée du supérieur (A) | 7,69*** | 10,41*** | 10,31*** | ||||||
Taux de diplômés (A) | 5,76*** | 6,22*** | 7,29*** | ||||||
Facteurs de la demande | |||||||||
Taux de chômage des jeunes (T) | –0,05 | 1,71 | 1,50 | ||||||
Taux d’emploi temporaire des jeunes (T) | 9,95*** | 15,84*** | 15,49*** | ||||||
Taux d’emploi temporaire (T) | 3,44** | 6,19*** | 5,59*** | ||||||
* Statistiquement significatif au seuil de 10 pour cent. ** Statistiquement significatif au seuil de 5 pour cent. *** Statistiquement significatif au seuil de 1 pour cent. Note: Variation (%) du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur à t+ 1 associée à une augmentation de l’écart type des facteurs de l’offre et de la demande à t0. La variation en pourcentage est calculée comme suit: (exp(coef.) –1) * 100, à partir de modèles de régression transversale et chronologique; T = données trimestrielles, A = données annuelles. Source: Calculs des auteurs à partir des données de l’enquête espagnole sur la population active (Encuesta de Población Activa – EPA) et de sources complémentaires. |
Dans le tableau 1 (période 1987-2016), on voit, contrairement à notre hypothèse H1, qu’une augmentation de 1 écart type du taux d’activité des jeunes diplômés de l’université à t0 est associée à une baisse de 5,44 à 8,56 pour cent du taux global de déclassement de ces jeunes à t+ 1, en cohérence avec les résultats obtenus par Delaney et al. (2020). Ce signe négatif peut tenir au fait qu’une hausse du taux d’activité des jeunes dans une région donnée témoigne du dynamisme du marché du travail local, qui absorbe plus facilement les nouveaux diplômés du supérieur. Nous manquons de place ici pour aborder cette question, mais il serait intéressant de tester cette hypothèse en neutralisant les effets de la croissance et du PIB par habitant. Ces résultats restent valables même lorsqu’on tient compte du taux de chômage et du taux d’emploi temporaire des jeunes. Concernant les deux autres facteurs de l’offre, les résultats cadrent avec l’hypothèse H1 et certains travaux précédents (Groot et van den Brink, 2000; Hartog, 2000). Une augmentation de 1 écart type de l’ensemble de la population de diplômés du supérieur est associée à un taux de variation positif (entre 7,69 et 10,41 pour cent) du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur un an plus tard. En présence d’un important vivier de titulaires d’un diplôme universitaire, éventuellement déjà bien insérés professionnellement, les jeunes fraîchement diplômés peuvent en bonne logique mettre du temps à trouver un emploi en adéquation avec leur niveau de formation. De la même manière, une augmentation de 1 écart type du taux de diplômés à t0 est associée à une hausse de 5,76 à 7,29 pour cent du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur l’année suivante. Ici, l’explication classique se vérifie: une augmentation de l’offre de nouveaux diplômés exacerbe la concurrence pour les emplois hautement qualifiés, une partie de ces diplômés devant se rabattre sur des postes pour lesquels ils risquent d’être surqualifiés. Ces résultats montrent ainsi que les variables de l’offre utilisées ici ne sont pas toutes de même ordre, puisqu’elles rendent compte de phénomènes distincts.
Si l’on se penche à présent sur les facteurs de la demande, on constate dans l’ensemble qu’une augmentation du taux de chômage des jeunes une année donnée est associée à une variation de –0,05 à 1,50 pour cent du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur l’année suivante. Ces résultats ne sont toutefois pas statistiquement significatifs, ce qui laisse penser que le chômage des jeunes a une influence négligeable sur le déclassement des jeunes diplômés du supérieur sur la longue période que nous avons étudiée. De surcroît, ces résultats ne concordent pas avec ceux d’études précédentes portant sur des périodes plus courtes (Croce et Ghignoni, 2012; Davia, McGuinness et O’Connell, 2017; Sánchez-Sánchez et Fernández-Puente, 2021). Le chômage des jeunes est peut-être un important facteur prédictif du déclassement des jeunes diplômés du supérieur lorsqu’on étudie une période plus restreinte et marquée de surcroît par la hausse des effectifs étudiants (comme ce fut le cas en Espagne au tournant des années 2000), mais il ne l’est visiblement pas lorsqu’on analyse une période plus longue. Plus une période est longue et se révèle hétérogène, plus il y a de chances que les effets s’annulent (ils sont négatifs pour une période et positifs pour l’autre), et que, au final, l’effet du chômage des jeunes soit dans l’ensemble négligeable.
En revanche, pour le taux d’emploi temporaire (des jeunes), les résultats sont statistiquement significatifs. Une augmentation de 1 écart type du taux d’emploi temporaire des jeunes est associée positivement à une variation de 9,95 à 15,84 pour cent du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur un an plus tard. Les résultats pour le taux d’emploi temporaire de l’ensemble de la population active vont dans le même sens, mais la variation est plus faible (3,44 à 6,19 pour cent). Ces résultats vont à l’encontre de l’étude d’Ortiz (2010). En s’appuyant sur les données du panel communautaire des ménages de l’Union européenne (1994-2001), Ortiz concluait que l’emploi temporaire affecte la surqualification en Espagne (explication de la préférence pour la sécurité de l’emploi), mais positivement en Italie (explication de l’emploi tremplin). Son étude couvrait toutefois une période beaucoup plus restreinte et portait sur les caractéristiques individuelles. Nous supputons que cette divergence tient au fait que nous avons étudié une période plus vaste et que nous nous sommes intéressés au niveau agrégé et à l’évolution du phénomène. La hausse du taux d’emploi temporaire (des jeunes) est probablement liée à la croissance de secteurs d’activité qui recrutent peu de diplômés de l’enseignement supérieur (Baranowska et Gebel, 2010; Polavieja, 2003).
Dans le tableau 2 (période 1999-2016), une variation de 1 écart type du taux d’activité des jeunes diplômés du supérieur à t0 est de nouveau associée négativement au taux de déclassement de ces jeunes à t+ 1 (–9,33 à –9,52 pour cent), mais le taux de diplômés du supérieur est à présent lui aussi associé négativement à la variable dépendante, ce qui montre qu’une augmentation de 1 écart type de la population diplômée de l’enseignement supérieur à t0 entraîne une variation de –5,76 à –11,13 pour cent du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur à t+ 1. Une fois encore, l’offre globale de travailleurs hautement qualifiés contribue visiblement à réduire le risque de surqualification des jeunes diplômés du supérieur, parce qu’elle accroît le dynamisme du marché du travail. Néanmoins, étant donné que le coefficient du taux d’activité des jeunes est de plus grande ampleur que dans l’analyse de la période précédente (tableau 1, 1987-2016), le marché du travail semble avoir une capacité d’absorption des diplômés du supérieur plus forte à partir de 1999. L’influence du taux de diplômés du supérieur sur le taux de déclassement des jeunes titulaires d’un diplôme universitaire reste comparable à celle de la période 1, à la différence près que la variation est d’une ampleur moindre (2,18 à 4,79 pour cent pour la période 2 contre 5,76 à 7,29 pour cent pour la période 1).
Variation (%) du taux de déclassement des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur liée à des facteurs de l’offre et de la demande, période 2 (1999-2016)
Modèle 1 | Modèle 2 | Modèle 3 | Modèle 4 | Modèle 5 | Modèle 6 | Modèle 7 | Modèle 8 | Modèle 9 | Modèle 10 | Modèle 11 | Modèle 12 | Modèle 13 | Modèle 14 | Modèle 15 | |
Solde démographique (A) | 0,59 | –0,27 | –0,17 | –0,13 | –0,02 | –0,68 | –1,32 | –0,96 | –1,21 | –1,30 | –0,35 | –2,18 | –0,99 | –0,92 | –0,71 |
Facteurs de l’offre | |||||||||||||||
Taux d’activité des jeunes diplômés du supérieur (T) | –9,33*** | –9,33*** | –9,52*** | –9,52*** | –9,52*** | ||||||||||
Population diplômée du supérieur (A) | 0,02 | –5,76*** | –11,13*** | –7,24*** | –8,21*** | ||||||||||
Taux de diplômés (A) | 4,79*** | 0,24 | 3,86** | 2,27* | 2,18* | ||||||||||
Facteurs de la demande | |||||||||||||||
Emploi dans les secteurs de haute technologie (A) | –4,14*** | –5,21*** | –6,42*** | ||||||||||||
Emploi dans les secteurs à moindre intensité de qualifications (A) | –0,56 | –1,98*** | –1,05* | ||||||||||||
Emploi dans la R et D (A) | –1,75* | 5,97*** | –4,92*** | ||||||||||||
Dépenses de R et D en euros par habitant (A) | –3,15*** | 0,99 | –5,10*** | ||||||||||||
Dépenses de R et D PPA (A) | –2,96*** | 2,12 | –4,91*** | ||||||||||||
* Statistiquement significatif au seuil de 10 pour cent. ** Statistiquement significatif au seuil de 5 pour cent. *** Statistiquement significatif au seuil de 1 pour cent. Note: Variation (%) du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur à t+ 1 associée à une augmentation de l’écart type des facteurs de l’offre et de la demande à t0. La variation en pourcentage est calculée comme suit: (exp(coef.) –1) * 100, à partir de modèles de régression transversale et chronologique; T = données trimestrielles, A = données annuelles. Source: Calculs des auteurs à partir des données de l’enquête espagnole sur la population active (Encuesta de Población Activa – EPA) et de sources complémentaires. |
Pour ce qui est des facteurs de la demande, une variation de 1 écart type de la part de l’emploi dans les secteurs de haute technologie une année donnée est associée négativement au taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur l’année suivante (–4,14 à –6,42 pour cent). Cela confirme que le risque de déclassement chez les jeunes diplômés du supérieur est peut-être moindre dans les régions plus dynamiques où la demande de travailleurs hautement qualifiés est plus forte. Nous nous attendions à ce que la part de l’emploi dans les secteurs à moindre intensité de qualifications ait une incidence positive sur le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur. Or, les résultats font apparaître une influence faible, mais de signe négatif (–1,05 à –1,98 pour cent). Il se peut que la création d’emplois à moindre intensité de qualifications contribue elle aussi au dynamisme de l’économie, ces emplois venant compléter ceux créés dans les secteurs de haute technologie et réduisant le risque de déclassement des travailleurs, quel que soit leur niveau d’études. Cette thèse est confortée par le fait que les dépenses de R et D et l’emploi dans ce domaine sont également associés négativement au taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur, en cohérence avec les résultats de précédents travaux sur les pays européens (Di Pietro, 2002; Ghignoni et Verashchagina, 2014). En revanche, les résultats pour la part de l’emploi dans la R et D sont moins probants.
Dans l’ensemble, nos résultats tendent à montrer que les écarts régionaux en matière de croissance du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur tiennent non seulement à l’accroissement de l’offre de diplômés du supérieur, mais aussi à des facteurs de la demande.
On pourrait faire valoir que cette hétérogénéité régionale est largement alimentée par la région de Madrid, du fait de l’effet d’attraction qu’elle exerce sur les actifs qui sont domiciliés dans les régions voisines (Castille-et-León et Castille-La Manche), mais travaillent dans la capitale. Des travaux ont confirmé que la communauté de Madrid est celle qui accueille le plus grand nombre de diplômés universitaires issus des autres régions d’Espagne, et notamment de ses voisines (González-Leonardo, 2020; González-Leonardo, Recaño et López-Gay, 2020 – sur la base des données du recensement espagnol). En outre, selon une étude portant sur la région de Castille-et-León, les départs de population sont depuis le début des années 2000 surtout le fait de diplômés du supérieur qui s’établissent le plus souvent dans l’agglomération de Madrid (González-Leonardo et López-Gay, 2019 – également sur la base des données du recensement espagnol). Au vu de ces éléments, nous avons effectué des tests de robustesse en excluant Madrid, Castille-La Manche et Castille-et-León, et tous les résultats restent substantiellement et statistiquement significatifs12.
6.3. Chômage ou déclassement à tous les niveaux?
Les tableaux 3 et 4 recensent les facteurs de l’offre et de la demande qui permettent de prédire les taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire pour la période 1 (1987-2016) et pour la période 2 (1999-2016) respectivement13. Dans les deux cas, la variable la plus intéressante du côté de l’offre est le taux de déclassement des jeunes diplômés de l’université, puisque nous cherchons à savoir dans quelle mesure ces jeunes surqualifiés relèguent à leur tour leurs homologues titulaires du baccalauréat dans des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés ou bien les font basculer dans une situation de chômage.
Variation (%) des taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire liée à des facteurs de l’offre et de la demande, période 1 (1987-2016)
Déclassement | Chômage | ||||||
Modèle 1 | Modèle 2 | Modèle 3 | Modèle 4 | Modèle 5 | Modèle 6 | ||
Solde démographique (A) | 3,73* | 2,66 | 2,88 | –5,60*** | –3,08** | –2,36 | |
Taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur (T) | 28,40*** | 5,99 | 24,48 | –16,81*** | –2,94 | –6,45 | |
Taux de chômage des jeunes (T) | 0,31 | 12,30*** | |||||
Taux d’emploi temporaire des jeunes (T) | 9,94*** | –3,95*** | |||||
Taux d’emploi temporaire (T) | 7,21*** | –10,24*** | |||||
* Statistiquement significatif au seuil de 10 pour cent. ** Statistiquement significatif au seuil de 5 pour cent. *** Statistiquement significatif au seuil de 1 pour cent. Note: Variation (%) des taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1 associée à une augmentation de l’écart type des facteurs de l’offre et de la demande à t0. La variation en pourcentage est calculée comme suit: (exp(coef.) –1) * 100, à partir de modèles de régression transversale et chronologique; T = données trimestrielles, A = données annuelles. Source: Calculs des auteurs à partir des données de l’enquête espagnole sur la population active (Encuesta de Población Activa – EPA) et de sources complémentaires. |
Variation (%) des taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire liée à des facteurs de l’offre et de la demande, période 2 (1999-2016)
Déclassement | Chômage | ||||||||||
Modèle 1 | Modèle 2 | Modèle 3 | Modèle 4 | Modèle 5 | Modèle 6 | Modèle 7 | Modèle 8 | Modèle 9 | Modèle 10 | ||
Solde démographique (A) | 1,34* | 1,27** | 1,37* | 1,31* | 1,15 | –3,61* | –3,58** | –4,45** | –3,70** | –5,88*** | |
Taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur (T) | 46,23*** | 44,05*** | 46,08*** | 49,48*** | 49,33*** | –22,20** | –21,42** | –23,36** | –21,42** | –14,62** | |
Emploi dans les secteurs de haute technologie (A) | 0,62 | –2,28 | |||||||||
Emploi dans les secteurs à moindre intensité de qualifications (A) | –11,22*** | 4,91 | |||||||||
Emploi dans la R et D (A) | 6,23*** | 1,65 | |||||||||
Dépenses de R et D en euros par habitant (A) | 6,22*** | 1,02 | |||||||||
Dépenses de R et D PPA (A) | 6,82*** | 1,45 | |||||||||
* Statistiquement significatif au seuil de 10 pour cent. ** Statistiquement significatif au seuil de 5 pour cent. *** Statistiquement significatif au seuil de 1 pour cent. Note: Variation (%) des taux de déclassement et de chômage des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1 associée à une augmentation de l’écart type des facteurs de l’offre et de la demande à t0. La variation en pourcentage est calculée comme suit: (exp(coef.) –1) * 100, à partir de modèles de régression transversale et chronologique; T = données trimestrielles, A = données annuelles. Source: Calculs des auteurs à partir des données de l’enquête espagnole sur la population active (EPA) et de sources complémentaires. |
Le tableau 3 montre qu’une variation de 1 écart type du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur à t0 est fortement corrélée à une variation statistiquement significative du taux de déclassement des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1 (28,40 pour cent), mais seulement lorsqu’elle est introduite dans le modèle conjointement au taux de chômage des jeunes (modèle 1), dont on a pu observer qu’il était un facteur fortement prédictif de la surqualification (Croce et Ghignoni, 2012; Davia, McGuinness et O’Connell, 2017). Lorsqu’il est introduit conjointement au taux d’emploi temporaire (des jeunes) (modèles 2 et 3), le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur perd son pouvoir prédictif au profit de l’emploi temporaire (des jeunes). Concernant les résultats pour le taux de chômage des jeunes bacheliers, le tableau 3 montre que le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur ne semble avoir une influence statistiquement significative (–16,81 pour cent) que lorsqu’il est combiné au taux de chômage des jeunes (modèle 4). L’introduction de cette variable nous permet de neutraliser son effet et de mesurer l’effet net qu’ont les autres variables sur le taux de chômage des jeunes bacheliers. Dans les modèles suivants, lorsque le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur est introduit conjointement au taux d’emploi temporaire (des jeunes) (modèles 5 et 6), son pouvoir prédictif disparaît à nouveau, et la variation de l’écart type du taux d’emploi temporaire (des jeunes) une année est associée négativement au taux de chômage des jeunes titulaires du baccalauréat l’année suivante (respectivement –3,95 et –10,24 pour cent). Ces résultats laissent donc penser que le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur concourt à celui de leurs homologues diplômés du deuxième cycle du secondaire, mais pas à leur taux de chômage. De même, si l’emploi temporaire (des jeunes) contribue lui aussi à la surqualification, il écarte dans une certaine mesure le risque de chômage.
Les résultats du tableau 4 montrent que l’augmentation du taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur une année entraîne systématiquement celle de leurs homologues bacheliers l’année suivante, les résultats restant statistiquement significatifs, avec une variation de 44,05 à 49,48 pour cent. Ces résultats se vérifient même en neutralisant les effets de l’ensemble des facteurs de la demande pris en compte dans l’analyse. Ils montrent que la plupart des facteurs de la demande à t0 (c’est-à-dire l’emploi dans la R et D et les dépenses de R et D) sont associés à une hausse du taux de déclassement des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1, contrairement à ce qui se passait pour les jeunes diplômés du supérieur. Ces facteurs traduisent peut-être la croissance relative de secteurs plus enclins à recruter des travailleurs hautement qualifiés que moyennement qualifiés. Cette croissance de l’emploi est un facteur plus déterminant pour faire reculer la surqualification chez les jeunes diplômés du supérieur que chez leurs homologues de niveau baccalauréat.
À l’inverse, la croissance de la part de l’emploi dans les secteurs à moindre intensité de qualifications fait baisser le taux de déclassement des jeunes titulaires du baccalauréat (–11,22 pour cent). Les données empiriques viennent donc étayer l’hypothèse H3a, à savoir que le taux de déclassement régional des jeunes diplômés du supérieur à t0 est positivement corrélé à une élévation du taux de déclassement des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire à t+ 1. En revanche, on observe une corrélation systématiquement négative entre le taux de déclassement des jeunes diplômés du supérieur à t0 et le taux de chômage des jeunes bacheliers à t+ 1 (–14,62 à –23,36 pour cent). Parmi les facteurs liés à la demande, aucun ne produit de résultats statistiquement significatifs. Ainsi, l’emploi de jeunes diplômés de l’université à des postes pour lesquels ils sont surqualifiés ne semble pas faire augmenter automatiquement le taux de chômage des jeunes bacheliers. La croissance de l’emploi peut permettre à ces deux catégories de trouver leur place sur le marché du travail, sans que le chômage ne progresse chez les bacheliers. Puisque les jeunes diplômés du supérieur relèguent une partie des diplômés du deuxième cycle du secondaire à des postes pour lesquels ils sont surqualifiés mais ne les poussent pas vers le chômage, ces résultats font pencher en faveur de l’hypothèse H3b, conformément à la théorie de la concurrence pour l’emploi de Thurow (1975), pour qui les travailleurs sont positionnés dans une file d’attente pour l’accès aux emplois. La file d’attente pour les emplois est suffisamment longue pour que les jeunes diplômés du supérieur et du deuxième cycle du secondaire puissent s’insérer sur le marché du travail et ne risquent pas de se retrouver au chômage, en contrepartie de quoi les deux catégories de diplômés occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés. Ces résultats rejoignent en partie les conclusions d’Oesch et Rodríguez-Menés (2011), qui montrent une variation nette positive de l’emploi dans le troisième quintile de la distribution de la qualité des emplois, ce qui expliquerait qu’une augmentation du taux de déclassement chez les jeunes diplômés de l’université n’ait aucune incidence sur les jeunes bacheliers. Nous constatons pour notre part que cette augmentation n’influe pas sur le chômage des jeunes bacheliers, mais qu’elle affecte en revanche leur taux de déclassement. Comme l’ont indiqué des études antérieures (Mavromaras et McGuinness, 2012; McGuinness, Bergin et Whelan, 2018), le cas espagnol pourrait s’expliquer par les faiblesses des filières de formation professionnelle, qui font qu’il est plus difficile pour les jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire de trouver un emploi adapté à leur niveau de formation.
7. Conclusions
Nous nous sommes penchés dans cet article sur la surqualification des jeunes diplômés du supérieur et du deuxième cycle du secondaire en Espagne et avons cherché à savoir si des facteurs de l’offre et de la demande pouvaient expliquer les écarts que l’on observe entre régions. Premièrement, nos résultats confirment l’influence des facteurs liés à l’offre, puisqu’une augmentation du taux régional d’activité des diplômés du supérieur une année donnée est positivement associée à une hausse du taux de déclassement l’année suivante. Les disparités régionales en matière de surqualification ne découlent pas seulement de l’offre excédentaire de diplômés du supérieur. Des facteurs liés à la demande tels que le chômage des jeunes et l’emploi temporaire (des jeunes) interviennent également. Le fonctionnement du marché du travail local, la structure sectorielle et professionnelle de l’emploi et les dépenses de R et D déterminent également l’adéquation formation-emploi. En résumé, nos analyses donnent à penser que la surqualification des jeunes ne s’explique pas uniquement par une offre excédentaire de diplômés du supérieur consécutive à l’élévation du niveau d’études et que des facteurs liés la demande y contribuent également. Aussi convient-il de ne pas négliger les facteurs liés à l’offre et à la demande au niveau régional lorsqu’on cherche à prendre des mesures pour améliorer l’adéquation formation-emploi. Ce point intéresse tout particulièrement les pays marqués par de fortes disparités régionales, l’Italie par exemple, où les facteurs de l’offre et de la demande influent plus ou moins sur la surqualification des jeunes selon les régions.
Deuxièmement, nos résultats confirment que la surqualification s’accompagne d’un effet d’éviction, puisque l’augmentation du taux de déclassement des diplômés du supérieur une année donnée est positivement corrélée à l’augmentation du taux de déclassement des jeunes diplômés du deuxième cycle du secondaire l’année suivante. En revanche, la surqualification des jeunes diplômés de l’université n’accroît pas le risque de chômage chez leurs homologues titulaires du baccalauréat. On peut l’expliquer par le fait que l’emploi a suffisamment augmenté au cours d’une bonne partie des années étudiées pour absorber les jeunes surqualifiés, qu’ils aient un diplôme du supérieur ou du deuxième cycle du secondaire, sans que cela n’entraîne une hausse du chômage chez ces derniers. La croissance économique n’a peut-être pas été assez rapide pour garantir des emplois adéquats aux jeunes de ces deux niveaux d’études, mais elle a été suffisante pour éviter aux jeunes moins qualifiés de se retrouver au chômage, parce que les plus qualifiés les ont évincés de leur emploi. Le recours à l’emploi temporaire (chez les jeunes) fait partie des mesures correctives susceptibles de faire reculer le chômage des jeunes. Le principal enseignement à tirer de ces résultats est que, pour garantir aux jeunes un emploi adéquat, il ne suffit pas de se pencher sur les chiffres du chômage des jeunes. Il convient également de veiller à ce que les jeunes puissent accéder à des emplois de qualité dans lesquels ils pourront mettre pleinement à profit leur niveau de qualification.
Notes
- Pour les niveaux d’études, nous nous fondons sur la Classification internationale type de l’éducation 2011 (CITE 2011). ⮭
- Institut national de la statistique (Instituto Nacional de Estadística, INE), Encuesta de Población Activa (EPA), «Resultados trimestrales». ⮭
- La Nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS) de l’Union européenne divise chaque État membre en trois niveaux: NUTS 1 (grandes régions socio-économiques), NUTS 2 (régions de base) et NUTS 3 (petites régions). ⮭
- Ces deux villes situées en Afrique du Nord sont exclues de l’analyse en raison de la taille restreinte et des particularités de leur marché du travail. ⮭
- CITP-08: Classification internationale type des professions, version 2008. Nous avons harmonisé la nomenclature espagnole des professions (Clasificación Nacional de Ocupaciones – CNO) dans le temps en suivant les indications de l’Institut national de la statistique (INE) et en utilisant la matrice de passage proposée pour faire correspondre les versions plus anciennes (CNO-74 et CNO-94) à la plus récente, à savoir la CNO-2011 qui équivaut à la CITP-08. ⮭
- La matrice de passage ne nous permet d’être précis dans l’harmonisation des professions dans le temps qu’au niveau à un chiffre. ⮭
- Nombre de personnes âgées de 16 à 34 ans possédant au plus les niveaux 3 ou 4 de la CITE divisé par le nombre d’actifs de mêmes tranche d’âge et niveau de qualification, multiplié par 100. ⮭
- Loi organique 1/1900 du 3 octobre 1990 régissant l’organisation générale du système éducatif (connue sous l’acronyme espagnol LOGSE). ⮭
- Les résultats du test de Chow sont fournis dans le tableau SA3 de l’annexe en ligne (en anglais). ⮭
- Les variations régionales et temporelles des facteurs de l’offre et de la demande pour chacune des deux périodes étudiées sont fournies dans le tableau SA4 de l’annexe en ligne (en anglais). ⮭
- La variation en pourcentage est calculée comme suit: (exp(coef.) – 1) * 100. L’ensemble des coefficients de régression sont fournis dans les tableaux SA5 et SA6 de l’annexe en ligne (en anglais). ⮭
- Les résultats sont communicables sur demande. ⮭
- Les résultats complets de la régression sont fournis dans les tableaux SA7 et SA8 de l’annexe en ligne (en anglais). ⮭
Remerciements
Nous remercions l’équipe éditoriale de la Revue ainsi que les trois évaluateurs anonymes dont les commentaires nous ont permis d’améliorer notre article. Nos remerciements s’adressent aussi à Florentino Felgueroso et María Ángeles Davia Rodríguez qui nous ont aidés à exploiter les données sur la population active, à Miguel González-Leonardo pour son expertise sur la disponibilité des données concernant la mobilité interrégionale des travailleurs qualifiés en Espagne et à Miguel Ángel Malo qui a bien voulu relire une précédente version de cet article et nous faire part de ses remarques.
Conflits d’intérêts
Les auteurs n’ont pas d’intérêts concurrents à déclarer.
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