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Les flux migratoires en Europe dépendent-ils plus du revenu d’activité ou du taux de chômage?

Auteurs: António AFONSO orcid logo (Universidade de Lisboa) , José ALVES orcid logo (Universidade de Lisboa) , Krzysztof BECK orcid logo (Lazarski University, Warsaw)

  • Les flux migratoires en Europe dépendent-ils plus du revenu d’activité ou du taux de chômage?

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    Les flux migratoires en Europe dépendent-ils plus du revenu d’activité ou du taux de chômage?

    Auteurs: , ,

Résumé

Les auteurs mobilisent le moyennage bayésien de modèles et la régression quantile pour analyser les déterminants des flux migratoires dans l’Union européenne (UE) à partir de données relatives à 23 pays de l’UE. Ils constatent que l’influence de l’écart de revenu d’activité est 
deux fois plus forte que celle du différentiel de taux de chômage et que ce lien est robuste, mais que les facteurs économiques jouent un rôle secondaire par rapport à la proximité culturelle et à la présence d’un réseau amical et familial dans le pays d’accueil. Ils estiment que la mobilité du travail joue un rôle limité en tant que mécanisme d’ajustement au sein de l’UE.

Mots clés: flux migratoires, revenu d’activité, chômage, moyennage bayésien de modèles, régression quantile, UE

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Publié le
2025-06-25

Examen par les pairs

Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Titre original: «Drivers of Migration Flows in the European Union: Earnings or Unemployment?» (International Labour Review, vol. 164, no 2). Traduit par Isabelle Croix. Également disponible en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, no 2).

1. Introduction

Dans sa théorie des zones monétaires optimales, Mundell (1961) explore les différents mécanismes d’ajustement possibles pour les pays qui tentent de créer une union monétaire, étant donné qu’avoir la même banque centrale et la même politique monétaire implique de prévoir d’autres solutions ou politiques pour faire face à des chocs asymétriques. Le capital humain est cependant beaucoup moins mobile que le capital, ce qui peut être lourd de conséquences pour une union monétaire. Mundell (1961) voyait en effet dans la mobilité de la main-d’œuvre un mécanisme d’ajustement de nature à se substituer à l’indépendance des politiques monétaires et à un taux de change flottant. Cette mobilité est d’ailleurs souvent citée comme l’un des facteurs qui font des États-Unis une zone monétaire optimale (Eichengreen, 1992).

Toutefois, la migration du travail n’est peut-être pas suffisante en elle-même. Si elle est motivée par des différences de revenu entre les pays, on peut s’attendre à un flux constant de travailleurs vers les pays où les salaires sont les plus élevés. Or, cette forme de migration n’est pas un mécanisme permettant un ajustement après un choc asymétrique. D’après Krugman (1993), après un choc idiosyncratique, elle peut entraîner une crise économique à long terme dans la région concernée. Dans le modèle de Mundell (1961), les travailleurs qui perdent leur emploi à la suite d’un choc négatif dans une partie de la zone monétaire optimale se déplacent vers les pays qui ont connu un choc positif. Pour que celle mobilité puisse jouer le rôle de mécanisme d’ajustement dans une union monétaire, il faut donc qu’elle soit motivée par la différence entre les taux de chômage plutôt que par l’écart entre les salaires réels.

La méthode qui consiste à se fonder sur une comparaison entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis pour déterminer les critères qui doivent être réunis afin qu’une zone monétaire soit optimale n’est pas sans inconvénients. Les États qui composent les États-Unis ont en commun une langue, une monnaie, ainsi que des valeurs culturelles, politiques et institutionnelles. À l’inverse, l’élargissement de l’UE a introduit des risques pour le processus d’intégration européenne lui-même. Les chocs internes subis par les États membres peuvent révéler des faiblesses dans l’architecture institutionnelle de l’Union. L’absence de mobilité totale de la main-d’œuvre au sein de la zone euro entrave la capacité des économies membres à absorber les chocs négatifs (Jager et Hafner, 2013). Qui plus est, alors que le fédéralisme budgétaire est une réalité aux États-Unis, il n’existe pas réellement de transferts transitant par un «gouvernement fédéral» au sein de l’UE (le budget total des institutions européennes ne représente qu’une petite fraction du produit intérieur brut (PIB) de la région), ce qui explique en grande partie ses difficultés à devenir une zone monétaire optimale (Eichengreen, 1992).

Actuellement, 20 des 27 pays membres de l’UE ont rejoint la zone euro, et d’autres projettent de les imiter à terme. L’évaluation des principaux déterminants économiques des flux de main-d’œuvre pourrait donc enrichir les connaissances sur le rôle potentiel des flux migratoires face aux chocs asymétriques susceptibles de frapper les pays. Elle éclairerait le débat sur les coûts de l’entrée dans la zone euro et, finalement, la formulation des politiques économiques. S’il est amplement reconnu que l’UE ne constitue pas une zone monétaire optimale au sens strict du terme (Afonso et Furceri, 2008), il pourrait être avancé que son architecture institutionnelle n’est peut-être pas éloignée de celle envisagée par Mundell (1961), d’autant – si l’on retient l’hypothèse d’endogénéité des critères d’optimalité de Frankel et Rose (1998) – que les pays de la zone euro en sont encore plus proches.

C’est pourquoi nous avons voulu examiner les déterminants des flux migratoires internationaux dans l’UE. Nous nous concentrons sur les motivations économiques qui conduisent les individus à quitter leur pays pour un autre, et étudions les facteurs de répulsion et d’attraction qui exercent une influence dans le cas de l’UE. Nous nous appuyons sur des données relatives à 23 pays et à la période 1995-2019 et faisons appel au moyennage bayésien de modèles et à la régression quantile pour comparer l’incidence des écarts de taux de chômage entre pays sur les flux migratoires à l’influence des différences de revenu d’activité. Nous constatons que les disparités de salaire ont un impact deux fois plus fort que les différences de taux de chômage. En d’autres termes, l’effet «prix», approché par ces écarts, a plus de poids dans la décision d’émigrer ou non que l’effet «quantité», représenté par les différences de taux de chômage.

Qui plus est, la relation entre les flux migratoires et les écarts de salaire se révèle robuste, tandis que le lien avec les différences de taux de chômage ne l’est pas. Nous constatons cependant aussi que les considérations économiques jouent un rôle secondaire comparativement à la proximité culturelle et à la présence de réseaux familiaux et amicaux dans le pays d’accueil. Autrement dit, nos résultats montrent que la mobilité de la main-d’œuvre n’est actuellement pas un mécanisme d’ajustement important au sein de l’UE. Les États membres et les candidats à l’adhésion devraient donc envisager de créer un mécanisme complémentaire, par exemple l’instauration d’un fédéralisme budgétaire, qui, conjugué à la mobilité du travail, aboutirait à une configuration institutionnelle plus proche de celle exigée pour qu’une zone monétaire soit optimale1.

Le reste de l’article est organisé de la manière suivante. Nous proposons une revue de la littérature dans la deuxième partie et présentons notre méthodologie et les données utilisées pour les besoins de notre analyse dans la troisième. La quatrième partie est consacrée à la présentation de nos résultats empiriques et la cinquième contient une synthèse de nos constatations et nos conclusions.

2. Revue de la littérature

Les mouvements migratoires régionaux font partie d’un processus dynamique qui entraîne et explique l’évolution des sociétés humaines et le développement économique. Depuis toujours, d’autres causes que les facteurs économiques habituellement considérés comme étant à l’origine des flux migratoires incitent les individus à se déplacer d’une région à l’autre. Alors qu’il existe de nombreux exemples de mouvements migratoires de grande ampleur, les pays n’ont érigé des barrières juridiques qu’au siècle dernier. Ces barrières visent l’immigration et non l’émigration, essentiellement en raison de l’impact de l’arrivée de migrants sur les marchés du travail des pays de destination (Altonji et Card, 1991; Borjas, 1995 et 2003; Borjas, Freeman et Katz, 1996; Card, 2001, 2005 et 2009). Pour définir les conditions d’entrée des ressortissants étrangers sur leur territoire, les pouvoirs publics s’appuient sur divers critères, parmi lesquels les facteurs liés aux valeurs culturelles et à l’éducation occupent une place particulièrement importante (Chiswick et Miller, 2014). En conséquence, les migrants ont plus de chances d’être admis sur le territoire s’ils sont originaires d’un pays culturellement proche ou ont un niveau d’études relativement élevé.

Comprendre les raisons des mouvements de main-d’œuvre est indispensable, non seulement pour appréhender ce qui encourage les individus à se déplacer d’une région à l’autre ou les en dissuade, mais aussi pour évaluer l’impact de ce processus. Tout en préservant l’autonomie de chaque État, le projet européen a pour but de conduire à une plus grande intégration, chaque économie devant être disposée à transférer une partie de sa souveraineté aux institutions de l’Union. L’UE constitue un exemple particulièrement intéressant en ce qu’elle se démarque des pays fédéraux par son hétérogénéité. Daniel Gros (1996) estime qu’avant 1994 les chocs externes avaient peu d’incidence sur le taux de chômage de la plupart des États membres, et observe que l’écart entre migration du travail internationale et migration du travail interrégionale est faible, autrement dit que les deux types de flux sont comparables.

Jennissen (2003) analyse les facteurs d’attraction et de répulsion qui ont joué un rôle dans les flux migratoires dans les pays européens au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Les facteurs de répulsion sont ceux qui incitent les agents économiques à émigrer à l’étranger en raison de la situation difficile qu’ils connaissent dans leur pays d’origine, tandis que les facteurs d’attraction les encouragent à partir, parce qu’ils ont une chance à saisir dans un autre pays ou parce que la situation y est favorable. Jennissen constate qu’il existe un lien positif entre le PIB par habitant et la décision d’émigrer, alors qu’une hausse du chômage dans le pays de destination dissuade les candidats à l’émigration de quitter leur pays d’origine. Franc, Časni et Barišić (2019) s’appuient sur des données de panel pour analyser les facteurs de répulsion et d’attraction à l’œuvre dans les économies de l’UE pendant le processus d’élargissement. Leurs résultats confirment également les hypothèses qui font du PIB par habitant et du taux de chômage des déterminants centraux des flux migratoires. Le revenu total et la disparité des taux de chômage jouent aussi un rôle crucial dans les migrations interrégionales (Etzo, 2011). Toutefois, à notre connaissance, aucun chercheur n’a jusqu’à présent cherché à savoir si l’ampleur et la direction des flux migratoires internationaux étaient davantage influencées par la disparité des taux de chômage ou par les écarts de salaire. C’est pourquoi nous tentons de combler cette lacune.

Conformément à l’approche qui explique la décision d’émigrer par les différences de rendement du capital humain, Kahanec et Fabo (2013) s’intéressent à l’impact de l’instruction et des compétences professionnelles sur les mouvements migratoires induits par l’élargissement de l’UE vers l’Est. Tout en constatant l’influence des facteurs de répulsion et d’attraction microéconomiques et macroéconomiques habituellement cités dans la littérature, ils décrivent un phénomène de «circulation des cerveaux» – et non de «fuite des cerveaux» –, à savoir que les jeunes décident d’émigrer pour une période relativement courte afin d’améliorer leur niveau d’études et leur formation et, par conséquent, leurs perspectives professionnelles. Ces conclusions vont dans le même sens que celles de Marsden (1992), Vandamme (2000) et Peixoto (2001), qui estiment que seuls les travailleurs très qualifiés peuvent réellement circuler librement d’un pays européen à l’autre.

Hadler (2006) soutient que le modèle d’attraction-répulsion est certes valable pour comprendre la mobilité interne à un pays, mais qu’il n’explique pas les flux migratoires entre pays. Cet argument conforte l’idée que l’UE ne satisfait pas aux critères définis par la théorie actuelle des zones monétaires optimales, parce qu’il subsiste des barrières entre États membres. Néanmoins, dans une analyse sous l’angle du dualisme centre-périphérie, Esposito, Collignon et Scicchitano (2020) montrent que l’immigration réduit le chômage de courte durée dans tous les pays de l’UE, ce qui accrédite la thèse selon laquelle l’UE présente certains traits d’une zone monétaire optimale. La mobilité entre pays peut donc constituer un mécanisme d’ajustement pour les États qui subissent des chocs négatifs (Beck, 2021a; Beck et Nzimande, 2023).

Les auteurs qui s’intéressent aux migrations internationales analysent souvent les facteurs culturels, cherchant la plupart du temps à déterminer si les pays d’accueil et les pays d’origine ont entretenu des liens par le passé, par exemple une relation coloniale. Dans une étude portant sur des pays européens pendant la période 1980-2004, Hooghe et ses coauteurs (2008) constatent que les facteurs culturels et économiques jouent un rôle important dans les flux migratoires. Qui plus est, les flux d’immigration sont plus élevés lorsqu’il existe des similarités linguistiques entre les pays et un nombre plus grand de communautés linguistiques dans le pays d’accueil. Autres facteurs expliquant les flux migratoires entre pays de l’UE: le niveau des exigences linguistiques auxquelles est subordonné l’accès à la nationalité, ainsi que les politiques en faveur de l’intégration des migrants (Kim et Cohen, 2010). Aparicio-Fenoll et Kuehn (2016) constatent cependant que les candidats à l’émigration qui ont appris une langue étrangère à l’école ont une probabilité cinq fois plus forte de choisir un pays d’accueil où cette langue est parlée qu’un pays où elle ne l’est pas.

Analysant 139 pays d’origine au cours de l’année 2000, Gallardo-Sejas et ses coauteurs (2006) construisent un modèle de gravité pour cerner les motivations à émigrer vers les pays européens. Ils font valoir que les pays qui se caractérisent par une plus grande proximité culturelle avec le pays d’origine, mais aussi par de meilleurs résultats macroéconomiques et des prestations sociales plus généreuses attirent plus les migrants. À l’inverse, la distance a un lien négatif avec les flux migratoires internationaux. Sardadvar et Rocha-Akis (2016) analysent la mobilité entre différentes régions d’Europe et observent que, outre les déterminants macroéconomiques classiques, l’éloignement spatial entre pays d’origine et pays de destination influe sur les décisions en matière de migration. Plus précisément, plus cet éloignement est faible, plus l’influence des facteurs macroéconomiques est forte. Les inégalités de revenu et les niveaux de corruption et de délinquance sont en outre considérés comme des facteurs de répulsion qui ont une incidence sur la décision d’émigrer (Davies et Wooton, 1992; Poprawe, 2015).

Certains auteurs insistent sur le rôle des effets de réseau. Comme décrit par Boyd (1989) et Pedersen, Pytlikova et Smith (2008), il existe un lien statistiquement et économiquement significatif entre ces effets et la mobilité internationale. Ils peuvent cependant être contrebalancés, dans une certaine mesure, par des politiques d’immigration restrictives qui conduisent à des effets de sélection. D’après ces auteurs, de telles politiques ont un impact plus grand sur les personnes les plus pauvres des pays d’origine. Par ailleurs, les différences entre pays dans les domaines de la situation de l’emploi – en termes de chômage et de rémunération –, des services de santé et du système éducatif ont une incidence significative sur les flux migratoires (Geis, Uebelmesser et Werding, 2013). Landesmann, Leitner et Mara (2015) constatent que les écarts de salaire réel et de taux de productivité ont un poids décisif dans la décision d’émigrer. Toutefois, les chercheurs qui se sont penchés sur le lien entre le différentiel de salaire et les flux migratoires ont fait appel à un cadre d’analyse statique. Or, comme le souligne Dustmann (2003), dans un cadre dynamique, la durée optimale de la migration peut diminuer même si le différentiel de salaire augmente. La qualité des institutions budgétaires et du secteur public et l’État-providence ont également un impact sur l’immigration (par exemple Ashby, 2007; Ariu, Docquier et Squicciarini, 2016).

À notre connaissance, il n’existe pas de travaux comparant le poids relatif des déterminants des flux migratoires afin d’apprécier si la mobilité du travail peut constituer un mécanisme d’ajustement. C’est pourquoi nous nous concentrons sur les deux principaux facteurs économiques qui influent sur cette mobilité – le revenu d’activité et le chômage – tout en tenant compte d’autres variables mises en lumière dans la littérature.

3. Données et méthodologie

3.1. Données

Notre échantillon est constitué de 23 États membres de l’UE – Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni2, Slovaquie, Slovénie, Suède et Tchéquie. Les données que nous utilisons pour estimer les déterminants des flux migratoires se rapportent à la période 2000-2019, tandis que celles relatives à notre variable dépendante (les flux migratoires nets) concernent la période 1995-2019, étant donné que nous incluons une version retardée de la variable dépendante dans nos estimations3.

Pour mesurer la migration du travail, nous faisons appel à un nouveau jeu de données sur les flux internationaux bilatéraux produit par Abel et Cohen (2022). Les données étant fournies par périodes quinquennales, nous avons ajusté en conséquence toutes les variables utilisées dans nos estimations – autrement dit, toutes les variables indépendantes considérées ont été construites sur des intervalles de cinq ans. Les données ne se rapportent qu’aux ressortissants de l’UE et n’incluent ni les réfugiés ni les autres non-ressortissants. Pour la mise à l’échelle des flux migratoires nets, nous avons utilisé, pour chaque paire de pays, la somme de la population d’âge actif des deux pays d’après les données d’Eurostat4. Pour chaque paire de pays, le flux migratoire net pour 1 000 habitants d’âge actif s’écrit donc:

MIGRijt=| NetMIGRijt|15z = 04(Popit + z+Popjt + z)       (1)

où |NetMIGRijt| représente la migration nette entre les pays i et j en t = 1995, 2000, …, 2015, première année de la période quinquennale considérée. Popit + z et Popjt + z représentent respectivement la population d’âge actif du pays i et celle du pays j, et z = 0, 1, … 45.

Notre première variable explicative est une variable retardée des migrations (MIGRlagMIGRijt – 1)), qui peut être utilisée comme indicateur indirect des voies de migrations formelles et informelles: les immigrés qui vivent déjà dans les pays d’accueil peuvent faciliter l’arrivée de leurs proches, amis et relations en les aidant à se loger, à trouver un emploi et à se familiariser avec leur nouvelle culture. Comme autre indicateur de ce que Boyd (1989) nomme l’effet du «réseau amical et familial», nous avons utilisé les stocks. Étant donné que la base de données ne contenait pas de statistiques sur les stocks, nous avons construit une variable reflétant l’accumulation des flux migratoires entre deux pays au cours de la période examinée. Cette variable est définie par:

CumMIGijM=m = 1MMIGRijm       (2)

où M = 1,2,3,4 est un indice temporel. En d’autres termes, nous regroupons l’ensemble des flux migratoires passés pour représenter l’effet du «réseau amical et familial».

Suivant des travaux de recherche antérieurs, nous nous intéressons à la fois aux facteurs de répulsion et aux facteurs d’attraction et comparons leur puissance au sein de chaque paire de pays. Ainsi, la faiblesse des salaires réels ou le niveau élevé du chômage sont des facteurs de répulsion qui encouragent les agents économiques d’un pays à émigrer pour chercher du travail à l’étranger. À l’inverse, des salaires élevés et un chômage faible sont des facteurs d’attraction qui attirent les travailleurs vivant à l’étranger. Pour évaluer l’effet net du phénomène de répulsion-attraction au sein d’un binôme de pays, nous construisons des variables indépendantes correspondant à la valeur absolue de la différence entre les facteurs de répulsion et les facteurs d’attraction.

Les deux déterminants de la migration du travail qui nous intéressent le plus ici sont l’écart de revenu d’activité et l’écart de taux de chômage entre deux pays. L’écart de revenu d’activité s’écrit:

EARNijt=15k = 04| NetEARNit + zNetEARNjt + z |        (3)

NetEARNit + z et NetEARNjt + z correspondent au revenu d’activité moyen après impôt, exprimé en euros à parité de pouvoir d’achat (PPA), respectivement dans le pays i et dans le pays j au cours de l’année t = 2000, 2005, 2010, 2015, et où z = 0, 1, … 4.

De même, l’écart de taux de chômage s’écrit:

UNEMPijt=15z = 04| UNit + zUNjt + z |        (4)

UNit + z et UNjt + z représentent le taux de chômage des pays i et j, respectivement. Les données relatives au revenu d’activité net et au taux de chômage sont annuelles et sont fournies par Eurostat.

La figure 1 présente les centiles et la médiane de la distribution des écarts de taux de chômage et de revenu d’activité. On observe que les différentiels de taux de chômage augmentent pendant les périodes de croissance économique (par exemple à l’époque de la bulle des valeurs technologiques) et de récession (par exemple lorsque cette bulle a éclaté, pendant la crise financière mondiale et la crise des dettes souveraines), tandis qu’ils tendent à s’amenuiser lorsque l’économie est en régime de croisière. En revanche, nous n’observons pas de convergence des revenus d’activité: les écarts restent relativement stables dans les centiles inférieurs à la médiane, tandis qu’ils se creusent lentement au-delà. À la différence de ce qui est constaté dans le cas du chômage, les disparités de revenu évoluent peu entre les périodes de crise, de croissance et de stabilité économique.

Figure 1
Figure 1

Différentiels de taux de chômage et de revenu d’activité

Note: La zone colorée en lilas correspond à la période de la bulle des valeurs technologiques, tandis que celle colorée en gris correspond à la période de la crise financière mondiale et de la crise de la dette souveraine.

Source: Réalisation des auteurs à partir de données d’Eurostat.

Nous prenons en compte plusieurs facteurs économiques, sociaux, institutionnels et culturels susceptibles d’exercer une influence sur les migrations nettes. Le tableau A1 de l’annexe présente une description détaillée de ces variables et des sources des données utilisées pour les calculer. Pour ce qui est des variables économiques, nous prenons en compte les différences en matière d’impôt sur le revenu (Tax) et de prestations sociales (la variable correspond aux prestations sociales moyennes par personne (Social)). Notons à cet égard que Warin et Svaton (2008) ont réalisé une étude intéressante sur le lien entre immigration et protection sociale. Nous examinons aussi l’impact de la taille de l’administration publique, représentée par la variable GOV. Clemente, Pueyo et Sanz (2008) avancent en effet que ce facteur influe sur les flux migratoires internationaux, tandis qu’Ariu, Docquier et Squicciarini (2016) constatent un lien entre qualité des institutions publiques et immigration. Pour la variable relative au capital humain, HC, nous suivons Barro et Lee (2013) et nous fondons sur le niveau d’études. Enfin, nous nous appuyons sur l’étude de Davies et Wooton (1992) concernant l’impact des inégalités de revenu sur les flux migratoires (1992) et retenons le coefficient de Gini (Gini) pour mesurer les différences en matière de répartition des revenus.

Pour les facteurs sociaux et institutionnels, nous prenons en compte les disparités sur le plan de la sécurité et de la délinquance en introduisant les variables Crime et Corruption. D’après Lage de Sousa (2014), la délinquance fait obstacle aux flux migratoires et, d’après Poprawe (2015), la corruption encourage les individus à émigrer et les dissuade d’immigrer. Nous introduisons aussi la variable FER pour tenir compte des différences de taux de fécondité et évaluer leur lien avec les flux migratoires, ce que nous sommes apparemment les premiers à faire.

S’agissant des facteurs culturels, nos quatre premières variables pourraient être vues comme renseignant indirectement sur le coût du voyage, mais elles sont considérées par de nombreux auteurs comme des indicateurs indirects de la distance culturelle séparant les pays. Les variables fictives B et MB, qui permettent respectivement de tenir compte du partage d’une frontière ou d’une frontière maritime, sont complémentaires, en ce sens que les pays géographiquement voisins ont souvent une histoire commune. La variable fictive MA indique si le pays a ou non une ouverture sur l’océan ou la mer, tandis que LNDGEO est le logarithme naturel de la distance entre les capitales des pays formant une paire. Les variables de gravité sont les variables explicatives les plus utilisées dans la littérature sur les flux migratoires internationaux (Ashby, 2007; Kim et Cohen, 2010; Etzo, 2011).

L’écart de température annuelle moyenne entre deux pays (Temp) pourrait être considéré comme un indicateur indirect de la qualité de vie étant donné que, dans le contexte européen, un climat plus chaud est un facteur positif (temps plus agréable) et que les pays où les températures sont plus élevées sont d’importantes destinations touristiques. Cependant, dans ce contexte en particulier, la différence de température peut aussi renseigner sur la proximité culturelle. De nombreux travaux ont été consacrés à l’influence de la température sur les flux migratoires, cette question occupant une large place dans le débat sur le réchauffement de la planète (Minehan et Wesselbaum, 2023).

Enfin, les variables fictives OLDEU et L permettent respectivement de savoir si un pays était ou non membre de l’UE avant 2004 et si deux pays ont la même langue officielle. TRANS est une variable binaire indiquant si un pays est ou non postcommuniste.

3.2. Stratégie d’estimation

Pour évaluer la robustesse de nos déterminants des flux migratoires internationaux en Europe, nous faisons appel à la méthode du moyennage bayésien de modèles, qui consiste à estimer6 tous les modèles possibles compte tenu des déterminants examinés. La méthode utilise le théorème de Bayes pour fournir des inférences à partir de la totalité de l’espace du modèle, dont l’incertitude peut ainsi être prise en compte. Comme démontré par la littérature (Kass et Raftery, 1995; Raftery, 1995), le moyennage de modèles est une méthode supérieure à celle qui consiste à estimer de multiples spécifications par les moindres carrés ordinaires (MCO), cette deuxième approche n’apportant pas de solution satisfaisante au problème de l’incertitude du modèle.

Notre régression de référence peut être exprimée ainsi:

yijt=y+αyijt1+βxijt+υijt       (5)

yijt désigne le flux migratoire net entre les pays i et j en t, défini dans l’équation (1), xijt est une matrice des facteurs susceptibles d’influer sur ce flux bilatéral, β est un vecteur des paramètres, γ est une constante et υijt rend compte des perturbations aléatoires des migrations nettes. Nous avons normalisé toutes les variables avant estimation pour pouvoir comparer plus facilement l’influence des différentes variables explicatives examinées.

La construction du modèle présenté dans l’équation (5) permet d’utiliser le moyennage bayésien. Comme nous avons 19 variables explicatives potentielles (en incluant la variable retardée des migrations nettes), référencées par k = 1, …, 19, il est possible d’estimer 2K = 219 = 524 288 modèles. Après estimation, on obtient une probabilité a posteriori (PMP) pour chaque modèle au moyen de la règle de Bayes:

PMPm=L(data|Mm)*P(Mm)m = 12KL(data|Mm)*P(Mm)        (6)

L(data|Mm) correspond à la valeur de la fonction de vraisemblance pour le modèle m (Mm) et (P(Mm) à la probabilité a priori du modèle m. En utilisant les probabilités a posteriori comme poids, nous pouvons calculer la moyenne a posteriori (PM) et l’écart type a posteriori (PSD) du coefficient βk. La moyenne a posteriori du coefficient βk s’obtient ensuite par la formule:

PMk=m = 12KPMPm*β^km       (7)

β^km est la valeur du coefficient βk estimé pour le modèle m et où k correspond à la référence de la variable explicative. En outre, l’écart type a posteriori est égal à:

PSDk=m = 12KPMPm*V(βk|data,Mm)+m = 12KPMPm*[ β^kmPMk ]2       (8)

V(βk|data, Mm) désigne la variance conditionnelle du paramètre dans le modèle Mm.

En supposant que chaque modèle Mm se voie attribuer un vecteur binaire φ prenant la valeur 0 lorsqu’une variable k est exclue du modèle et 1 lorsqu’elle est incluse, la probabilité d’inclusion a posteriori est obtenue par la formule:

PIPk=m = 12K1(φk=1|data,Mm)*PMPm       (9)

La probabilité a posteriori que le coefficient soit de signe positif dans le modèle, P(+), est calculée comme suit:

P(+)={j = 12KP(Mj|y)*CDF(tij|Mj), si sign[ E(βi|y) ]=11j = 12KP(Mj|y)*CDF(tij|Mj), si sign[ E(βi|y) ]=1       (10)

CDF désigne la fonction de distribution cumulée et tij(β^i/SD^i|Mj) .

L’utilisation du moyennage bayésien de modèles suppose de spécifier la loi a priori du modèle, et il est courant d’utiliser à cette fin une loi a priori de type g sur l’espace des paramètres. La règle de référence (Fernández, Ley et Steel, 2001) commande de choisir une loi a priori informative unitaire (unit information prior – UIP) (Kass et Wasserman, 1995) sur les coefficients. Eicher, Papageorgiou et Raftery (2011) préconisent de combiner une loi a priori informative unitaire avec une loi a priori uniforme (des probabilités égales sont assignées à tous les modèles), tandis que Ley et Steel (2009) recommandent de faire appel à une loi a priori binomiale-bêta (des probabilités égales sont assignées quelle que soit la taille du modèle). C’est pourquoi dans toutes les estimations que nous présentons ici, nous avons associé une loi a priori uniforme et une loi binomiale-bêta sur l’espace du modèle.

Nous évaluons la robustesse des variables d’après la probabilité d’inclusion a posteriori et la valeur absolue du ratio rapportant la moyenne a posteriori (PM) à l’écart type a posteriori (PSD) d’une variable explicative donnée. Raftery (1995) qualifie une variable de faible lorsque la probabilité d’inclusion a posteriori est comprise entre 0,5 et 0,75, de positive entre 0,75 et 0,95, de forte entre 0,95 et 0,99 et de très forte au-delà de 0,99. Il estime que la variable est robuste au-delà de 1, seuil à partir duquel son inclusion renforce le pouvoir explicatif du modèle. Masanjala et Papageorgiou (2008) proposent de retenir une valeur seuil égale à 1,3, comparable à un intervalle de confiance de 90 pour cent dans l’approche fréquentiste, tandis que Sala-i-Martin, Doppelhofer et Miller (2004) recommandent de retenir un seuil égal à 2, correspondant à un intervalle de confiance de 95 pour cent.

Enfin, nous faisons appel à une régression quantile en estimant l’équation (4) et en incluant toutes les variables comme déterminants des flux migratoires. Le principal apport de cette méthode tient au fait qu’elle permet d’évaluer les flux bilatéraux et les variables précitées en allant au-delà des valeurs moyennes des données et permet d’analyser d’éventuelles relations non linéaires entre le jeu de variables explicatives et notre variable d’intérêt. Son principal objectif est donc de mettre en évidence une possible hétérogénéité de l’impact des facteurs de répulsion et d’attraction sur les flux migratoires. Nous scindons par conséquent notre échantillon en quantiles, depuis le plus bas (flux migratoires bilatéraux les plus faibles) jusqu’au plus élevé (flux migratoires bilatéraux les plus élevés). La régression quantile présente l’intérêt de permettre de distinguer les déterminants associés aux flux migratoires en fonction de l’ampleur de ces flux. Elle nous donne donc la possibilité d’interpréter nos résultats du point de vue de leur significativité statistique, mais aussi économique. Enfin, soulignons que les paires de pays et périodes représentées dans chaque quantile varient. La composition des quantiles en termes de périodes, présentée dans le tableau A2 de l’annexe, est relativement stable, tandis que la composition en termes de paires de pays est nettement plus variable7.

4. Résultats empiriques

4.1. Résultats du moyennage bayésien des modèles

Le tableau 1 contient les résultats que nous avons obtenus par la méthode du moyennage bayésien en utilisant des lois a priori uniforme et binomiale-bêta, et la figure 2 compare les probabilités d’inclusion a posteriori obtenues en fonction de la loi a priori retenue (uniforme ou binomiale-bêta). Cinq variables peuvent être considérées comme robustes à l’aune d’au moins un critère quelle que soit la loi a priori appliquée. Nous avons normalisé toutes les moyennes a posteriori et tous les écarts types a posteriori pour pouvoir comparer plus facilement la puissance explicative des différents déterminants examinés8.

Tableau 1

Statistiques issues des estimations par moyennage bayésien réalisées avec des lois a priori uniforme et binomiale-bêta (moyennes et écarts types a posteriori normalisés)

Loi a priori du modèle Uniforme Binomiale-bêta
Statistique PIP PM PSD PM/PSD P(+) PIP PM PSD PM/PSD P(+)
MIGRlag 1,000 0,366 0,031 11,647 1,000 1,000 0,377 0,032 11,680 1,000
B 0,999 0,180 0,037 4,815 1,000 0,998 0,185 0,036 5,109 1,000
EARN 0,924 0,115 0,046 2,494 1,000 0,842 0,105 0,055 1,916 1,000
OLDEU 0,916 0,115 0,048 2,396 1,000 0,843 0,107 0,056 1,920 1,000
UNEMPL 0,712 0,059 0,044 1,330 1,000 0,521 0,043 0,046 0,936 1,000
Temp 0,563 –0,054 0,054 –0,990 0,000 0,310 –0,028 0,046 –0,606 0,000
HC 0,559 0,048 0,049 0,979 1,000 0,295 0,024 0,041 0,584 1,000
MA 0,524 –0,040 0,043 –0,921 0,000 0,309 –0,023 0,038 –0,606 0,000
LNDGEO 0,253 –0,023 0,045 –0,513 0,000 0,152 –0,013 0,035 –0,377 0,000
Gini 0,240 –0,017 0,034 –0,493 0,000 0,117 –0,008 0,025 –0,321 0,000
L 0,100 0,005 0,019 0,278 1,000 0,058 0,003 0,015 0,210 1,000
MB 0,081 0,004 0,018 0,227 0,984 0,049 0,003 0,014 0,182 0,994
Social 0,063 0,002 0,011 0,188 1,000 0,039 0,001 0,010 0,154 1,000
TRANS 0,061 –0,002 0,016 –0,127 0,425 0,058 –0,003 0,018 –0,176 0,237
GOV 0,061 –0,002 0,013 –0,187 0,006 0,033 –0,001 0,010 –0,139 0,006
Corruption 0,053 0,002 0,014 0,112 0,691 0,037 0,001 0,012 0,113 0,714
Tax 0,044 0,001 0,007 0,125 0,997 0,025 0,001 0,006 0,106 0,999
Crime 0,042 0,001 0,009 0,098 0,896 0,021 0,000 0,006 0,052 0,821
FER 0,033 0,000 0,006 –0,045 0,154 0,018 0,000 0,004 –0,027 0,178
  • Notes: PIP = probabilité d’inclusion a posteriori; PM = moyenne a posteriori; PSD = écart type a posteriori; P(+) = probabilité a posteriori d’obtenir un coefficient de signe positif dans le modèle. Les variables considérées comme robustes à l’aune d’au moins un critère avec les deux lois a priori figurent en caractères gras.

    Source: Calculs des auteurs – voir le tableau A1 en annexe pour les sources des données utilisées pour obtenir les variables.

Figure 2
Figure 2

Probabilités d’inclusion a posteriori selon la loi a priori utilisée

Source: Calculs des auteurs – voir le tableau A1 en annexe pour les sources des données utilisées pour obtenir les variables.

La variable retardée des migrations (MIGRlag) affiche la probabilité d’inclusion a posteriori et le ratio probabilité moyenne sur écart type a posteriori les plus élevés. Elle se caractérise aussi par la moyenne a posteriori la plus élevée quelle que soit la loi a priori utilisée, à savoir 0,366 avec la loi uniforme et 0,377 avec la loi binomiale-bêta, soit environ deux fois ce qui est observé pour la deuxième variable (variable fictive représentant le partage d’une frontière). L’impact de cette variable retardée, relativement fort, montre que l’immigration passée favorise l’immigration ultérieure parce que, comme souligné plus haut, les migrants déjà présents dans le pays facilitent l’installation de leurs proches et amis en les aidant à trouver un logement et un emploi et à se familiariser avec la culture et la législation du pays d’accueil.

Le tableau 2 rend compte des résultats auxquels nous sommes parvenus avec un autre indicateur des migrations passées – les flux migratoires bilatéraux cumulés au cours de la période considérée (équation (2)). Nous obtenons des valeurs encore plus élevées pour la variable CumMIG («réseau amical et familial»), la moyenne a posteriori atteignant 0,466 (loi a priori uniforme) et 0,477 (loi a priori binomiale-bêta), et tandis que les écarts types a posteriori sont quasiment identiques. Le renforcement du lien entre migration passée et migration contemporaine montre que l’impact de la présence d’amis et de proches dans le pays de destination augmente avec le temps, à mesure de la progression du nombre d’immigrés qui s’intègrent dans la culture d’accueil ou qui créent des réseaux et institutions susceptibles de faciliter les nouvelles arrivées. À noter que ce renforcement s’accompagne d’une baisse de la corrélation entre migration et écart de taux de chômage. Dans ce cas, l’effet de la variable UNEMPL est donc ténu, ce qui nous conforte dans l’idée que les écarts de revenu d’activité comptent plus que le différentiel de taux de chômage.

Tableau 2

Statistiques issues des estimations par moyennage bayésien réalisées avec des lois a priori uniforme et binomiale-bêta – spécification incluant les flux migratoires bilatéraux cumulés au cours de la période considérée (moyennes et écarts types a posteriori normalisés)

Loi a priori du modèle Uniforme Binomiale-bêta
Statistique PIP PM PSD PM/PSD P(+) PIP PM PSD PM/PSD P(+)
CumMIG 1,000 0,466 0,031 15,036 1,000 1,000 0,477 0,032 14,818 1,000
EARN 0,844 0,101 0,053 1,900 1,000 0,597 0,070 0,063 1,108 1,000
OLDEU 0,824 0,092 0,052 1,771 1,000 0,581 0,065 0,061 1,073 1,000
B 0,822 0,104 0,060 1,740 1,000 0,819 0,108 0,060 1,807 1,000
HC 0,687 0,059 0,047 1,257 1,000 0,330 0,027 0,042 0,640 1,000
LNDGEO 0,473 –0,051 0,062 –0,829 0,000 0,249 –0,028 0,053 –0,525 0,000
UNEMPL 0,254 0,015 0,029 0,515 1,000 0,108 0,006 0,020 0,312 1,000
L 0,206 0,013 0,030 0,444 1,000 0,127 0,010 0,028 0,342 1,000
Temp 0,184 –0,012 0,030 –0,412 0,000 0,066 –0,004 0,018 –0,232 0,000
Gini 0,152 –0,008 0,023 –0,363 0,000 0,053 –0,003 0,014 –0,203 0,000
TRANS 0,112 –0,007 0,025 –0,282 0,064 0,159 –0,013 0,032 –0,394 0,013
MA 0,109 –0,005 0,017 –0,293 0,000 0,040 –0,002 0,010 –0,173 0,000
Social 0,103 0,005 0,017 0,280 1,000 0,055 0,003 0,014 0,207 1,000
Corruption 0,085 0,004 0,019 0,232 0,972 0,054 0,003 0,016 0,200 0,989
Tax 0,062 0,002 0,010 0,192 1,000 0,028 0,001 0,007 0,134 1,000
GOV 0,052 –0,002 0,010 –0,162 0,008 0,021 –0,001 0,007 –0,105 0,010
MB 0,047 0,001 0,009 0,126 0,909 0,019 0,000 0,006 0,085 0,938
Crime 0,038 0,000 0,007 0,033 0,735 0,015 0,000 0,005 –0,017 0,546
FER 0,036 0,000 0,006 –0,044 0,209 0,014 0,000 0,004 –0,018 0,341
  • Notes: PIP = probabilité d’inclusion a posteriori; PM = moyenne a posteriori; PSD = écart type a posteriori; P(+) = probabilité a posteriori d’obtenir un coefficient de signe positif dans le modèle. Les variables considérées comme robustes à l’aune d’au moins un critère avec les deux lois a priori figurent en caractères gras.

    Source: Calculs des auteurs – voir le tableau A1 en annexe pour les sources des données utilisées pour obtenir les variables.

Comme le montre le tableau 1, la variable qui se classe en deuxième position à l’aune de la probabilité d’inclusion a posteriori et du rapport moyenne a posteriori sur écart type a posteriori est celle qui représente l’existence d’une frontière commune (B). L’impact des liens culturels entre pays voisins est donc suffisamment fort pour l’emporter sur l’effet des motivations économiques exprimées par les écarts de revenu et de taux de chômage. La dernière variable culturelle qui peut être jugée robuste est OLDEU, qui indique si un pays a adhéré à l’UE avant 2004. Son influence est plus forte que celle des différentiels de taux de chômage, mais plus faible que l’impact des écarts de revenu. Autrement dit, les flux migratoires dépendent plus des facteurs culturels que des motivations économiques.

Concernant nos principales variables d’intérêt, la première variable économique classée parmi les déterminants robustes des flux migratoires est la valeur absolue de l’écart de salaire net en euros à PPA, tandis que le différentiel de taux de chômage est la dernière variable robuste. L’écart de revenu d’activité a un impact plus de deux fois plus fort que le différentiel de taux de chômage. Les moyennes a posteriori normalisées s’établissent à 0,115 (loi a priori uniforme) et 0,105 (loi binomiale-bêta) pour l’écart de revenu d’activité et à 0,059 (loi a priori uniforme) et 0,043 (loi binomiale-bêta) pour le différentiel de taux de chômage. Cette différence d’impact est confirmée par le fait que la variable désignant l’écart de revenu d’activité satisfait les tests de robustesse décrit dans l’annexe en ligne (en anglais), ce qui n’est pas toujours le cas de celle qui représente le différentiel de taux de chômage. En tout état de cause, les résultats concernant l’influence que les différences de taux de chômage et de revenu d’activité exercent sur les flux migratoires sont corroborés par les valeurs moyennes des flux migratoires nets au cours de la période considérée9.

Trois autres variables se sont révélées faiblement robustes avec la loi a priori uniforme, mais fragiles avec la loi a priori binomiale-bêta. La première est la différence de capital humain (HC), dont la moyenne a posteriori positive montre que les travailleurs se déplacent des pays peu dotés en capital humain vers des pays bien dotés. Les deux autres sont les indicateurs indirects de la proximité culturelle, à savoir l’existence d’une ouverture sur l’océan ou la mer (MA) et la différence de température moyenne (Temp). Le comportement de cette deuxième variable est particulièrement intéressant, parce qu’il montre que dans le contexte européen l’écart de température est un meilleur indicateur de la proximité culturelle que le fait de parler la même langue. De plus, la moyenne a posteriori négative obtenue pour cette variable indique que les individus ne semblent pas émigrer des pays plus froids vers les pays plus chauds. Les autres variables se sont révélées plus faibles quel que soit le critère de robustesse retenu. La fragilité de certaines variables peut cependant constituer en elle-même un résultat intéressant. Elle concerne le taux d’imposition moyen (Tax), la générosité des prestations sociales (Social), les dépenses publiques en part du PIB (GOV) et le coefficient de Gini (Gini) et persiste même après exclusion du revenu d’activité net des variables explicatives considérées10. On peut donc en déduire que les personnes qui émigrent au sein de l’UE ne choisissent pas leur pays de destination en fonction du système de protection sociale qu’il offre. Nous ne constatons pas non plus de corrélation entre l’ampleur de la délinquance et de la corruption et les flux migratoires.

Nous soumettons les résultats du moyennage bayésien à plusieurs tests de robustesse, dont les résultats sont présentés et interprétés dans la partie B.1 de l’annexe en ligne B (en anglais). Ces tests confirment les constatations présentées dans le corps de l’article.

4.2. Résultats de la régression quantile

Les résultats de l’estimation de la régression quantile figurent dans le tableau 311. Les premier et neuvième quantiles correspondent respectivement aux flux migratoires les plus faibles et les plus élevés. En toute logique, les estimations ponctuelles produites par une régression quantile sont toujours plus élevées que les moyennes a posteriori correspondantes. Dans le cas de la régression quantile, l’incertitude du modèle n’est pas prise en compte, si bien que les coefficients sont biaisés vers le haut et doivent donc être vus comme indiquant la force maximale du lien entre les variables. C’est pourquoi nous interprétons les résultats obtenus par régression quantile sous un angle qualitatif plutôt que quantitatif.

Tableau 3

Résultats des estimations par régression quantile (coefficients normalisés)

Quantile 1er 2e 3e 4e 5e 6e 7e 8e 9e
MIGRlag 0,542***
(0,083)
0,602***
(0,082)
0,635***
(0,070)
0,691***
(0,071)
0,716***
(0,064)
0,736***
(0,067)
0,759***
(0,059)
0,785***
(0,067)
0,875***
(0,109)
UNEMPL 0,094**
(0,043)
0,042**
(0,018)
0,047***
(0,011)
0,030***
(0,010)
0,032***
(0,010)
0,025**
(0,011)
0,039**
(0,015)
0,048*
(0,026)
0,093
(0,069)
EARN 0,142
(0,100)
0,115***
(0,038)
0,089***
(0,023)
0,048**
(0,020)
0,035**
(0,015)
0,042**
(0,020)
0,046**
(0,020)
0,089**
(0,037)
0,015
(0,116)
Tax –0,033
(0,041)
–0,034
(0,024)
–0,020
(0,015)
–0,018*
(0,010)
–0,005
(0,006)
–0,004
(0,007)
–0,007
(0,011)
0,008
(0,014)
0,038
(0,037)
Social 0,067
(0,058)
0,025
(0,030)
0,002
(0,016)
–0,005
(0,014)
–0,008
(0,010)
0,003
(0,010)
0,005
(0,015)
0,008
(0,016)
–0,037
(0,045)
TRANS 0,012
(0,065)
0,031
(0,033)
0,010
(0,023)
–0,004
(0,015)
–0,007
(0,012)
–0,005
(0,013)
–0,008
(0,016)
0,004
(0,028)
–0,105
(0,066)
OLDEU 0,039
(0,060)
0,039
(0,036)
0,012
(0,031)
–0,002
(0,024)
0,005
(0,016)
0,017
(0,018)
0,032
(0,025)
0,044
(0,035)
0,006
(0,090)
MB 0,095
(0,067)
0,029
(0,032)
0,037*
(0,022)
0,036**
(0,016)
0,031**
(0,013)
0,029**
(0,014)
0,040*
(0,022)
0,077**
(0,031)
0,177***
(0,066)
B 0,001
(0,053)
0,030
(0,037)
0,030
(0,028)
0,019
(0,024)
0,025
(0,021)
0,021
(0,019)
0,033*
(0,019)
0,050*
(0,028)
0,065
(0,095)
LNDGEO –0,103**
(0,048)
–0,072**
(0,030)
–0,088***
(0,024)
–0,051**
(0,020)
–0,041**
(0,016)
–0,032**
(0,016)
–0,029
(0,019)
–0,050**
(0,022)
–0,078
(0,050)
L 0,133***
(0,046)
0,031
(0,029)
0,017
(0,027)
0,023
(0,026)
0,016
(0,021)
0,028
(0,019)
0,037*
(0,022)
0,055
(0,033)
0,113**
(0,055)
MA –0,110***
(0,040)
–0,019
(0,013)
–0,011
(0,012)
0,004
(0,011)
0,008
(0,008)
0,009
(0,008)
0,008
(0,008)
0,017
(0,016)
0,023
(0,046)
Temp 0,029
(0,060)
–0,011
(0,019)
–0,002
(0,019)
0,001
(0,017)
–0,004
(0,012)
–0,013
(0,014)
–0,026*
(0,014)
–0,008
(0,023)
–0,057
(0,049)
HC 0,109***
(0,034)
0,093***
(0,022)
0,071***
(0,021)
0,044***
(0,016)
0,036***
(0,012)
0,036***
(0,012)
0,051***
(0,012)
0,071***
(0,020)
0,090**
(0,040)
GOV 0,003
(0,052)
–0,026
(0,017)
–0,044***
(0,016)
–0,039***
(0,011)
–0,035***
(0,012)
–0,035***
(0,009)
–0,045***
(0,014)
–0,075***
(0,024)
–0,162***
(0,057)
Gini 0,000
(0,067)
–0,029
(0,022)
–0,038**
(0,016)
–0,030**
(0,014)
–0,021
(0,014)
–0,019
(0,013)
–0,018
(0,014)
–0,047**
(0,021)
–0,110**
(0,045)
FER –0,004
(0,057)
0,010
(0,027)
–0,009
(0,018)
–0,010
(0,010)
–0,012
(0,011)
–0,013
(0,016)
–0,024
(0,019)
–0,053
(0,035)
–0,154**
(0,065)
Corruption –0,043
(0,063)
–0,051**
(0,024)
–0,030*
(0,015)
–0,013
(0,014)
–0,005
(0,012)
–0,005
(0,016)
0,010
(0,023)
0,026
(0,045)
0,153*
(0,084)
Crime 0,004
(0,055)
0,035*
(0,021)
0,015
(0,020)
0,012
(0,014)
0,016**
(0,008)
0,017*
(0,009)
0,032***
(0,010)
0,043*
(0,023)
0,121**
(0,052)
  • * Statistiquement significatif au seuil de 90 pour cent.   ** Statistiquement significatif au seuil de 95 pour cent.   *** Statistiquement significatif au seuil de 99 pour cent.

    Note: Les erreurs types figurent entre parenthèses.

    Source: Calculs des auteurs – voir le tableau A1 en annexe pour les sources des données utilisées pour obtenir les variables.

Nous constatons que la migration passée est le meilleur prédicteur des flux migratoires contemporains dans tous les quantiles. L’association entre les deux variables se renforce entre les premier et neuvième quantiles, le coefficient passant de 0,542 à 0,875. La valeur de l’estimation ponctuelle augmente de quantile en quantile. Nos constatations confirment l’influence de la présence d’un réseau amical et familial dans le pays d’accueil, une immigration relativement forte par le passé ayant pour effet d’accroître les arrivées de migrants par la suite. Cet effet est non linéaire, et les migrants sont plus nombreux à se diriger vers des lieux où leurs compatriotes sont présents en grand nombre. Nous observons que les différences de taux de chômage et de revenu d’activité ont une incidence dans tous les quantiles. Les résultats concernant l’écart de revenu s’expliquent principalement par les tendances observées dans les quantiles inférieurs: c’est en effet dans cette partie de la distribution que l’association entre flux migratoires et écart de revenu d’activité est la plus forte.

Les valeurs des estimations ponctuelles obtenues pour le revenu d’activité (figure 3) sont supérieures à celles relatives au taux de chômage dans tous les quantiles sauf dans le neuvième, dans lequel les coefficients ne sont cependant pas statistiquement significatifs. Ces résultats confirment ceux auxquels nous sommes parvenus avec la méthode du moyennage bayésien en ce qui concerne l’influence relative des différences de revenu et de taux de chômage sur les flux migratoires nets. Ils valident aussi clairement l’idée que les flux migratoires passés facilitent l’arrivée de migrants par la suite. En termes relatifs, l’impact des différences de revenu et de taux de chômage s’affaiblit à mesure que les flux migratoires augmentent, l’effet de la présence d’un réseau amical et familial dans le pays d’accueil prenant le relais.

Figure 3
Figure 3

Estimations ponctuelles obtenues pour les différentiels de revenu d’activité et de chômage sur l’ensemble de la distribution des flux migratoires (coefficients normalisés)

Source: Calculs des auteurs – voir le tableau A1 en annexe pour les sources des données utilisées pour obtenir les variables.

En ce qui concerne les variables reflétant la distance physique et la proximité culturelle, les résultats de la régression quantile sont plus contrastés. La distance géographique entre les pays (LNDGEO) a un impact négatif sur les flux migratoires dans les six premiers quantiles et dans le huitième. Sans surprise, plus deux pays sont géographiquement éloignés l’un de l’autre, moins les flux migratoires bilatéraux sont importants, en raison à la fois du coût du voyage et de la distance culturelle dont l’éloignement géographique est un indicateur indirect. Toutefois, le coût du transport exerce apparemment peu d’influence sur les flux migratoires les plus élevés. Le partage d’une frontière maritime (MB) accroît les flux migratoires dans les sept quantiles supérieurs, tandis que l’existence d’une frontière commune (B) a un lien significatif avec ces flux dans les septième et huitième quantiles. Il en va de même du partage d’une langue commune dans les premier, septième et neuvième quantiles. La différence de température moyenne (Temp) et l’ouverture sur la mer (MA) n’ont un lien significatif avec notre variable d’intérêt que dans un quantile. En d’autres termes, comparativement à ce qui est observé pour les migrations passées et les variables économiques, l’impact des facteurs culturels varie davantage en fonction des quantiles.

Comme nous l’avons constaté pour l’ensemble de l’échantillon, les flux migratoires passés sont le principal prédicteur des flux migratoires futurs. De surcroît, l’impact de la présence d’un réseau amical et familial dans le pays de destination est d’autant plus fort que les flux sont importants. Dans les quantiles inférieurs, ce sont les critères économiques qui ont le plus de poids, notamment l’écart de revenu d’activité, les différences en matière de débouchés professionnels, ainsi que le coût du voyage. Les facteurs culturels jouent en revanche un rôle plus grand dans les quantiles supérieurs: les flux migratoires nets les plus élevés ont en effet lieu entre des pays voisins et entre ceux qui parlent une même langue, et ces facteurs culturels peuvent même l’emporter sur les considérations purement économiques.

Contrairement à ce que nous avons observé pour l’ensemble de la distribution, nous constatons dans tous les quantiles un lien positif entre les différences de capital humain et les flux migratoires. Ces différences de niveau de compétences de la population constituent donc un bon prédicteur des flux migratoires internationaux. Ce résultat est d’autant plus surprenant qu’elles sont classées parmi les variables fragiles, mais il pourrait s’expliquer par le concept de complémentarité des déterminants issu des travaux sur l’inclusion jointe (Ley et Steel, 2007; Doppelhofer et Weeks, 2009; Hofmarcher et al., 2018). La variable HC entretient un lien de complémentarité avec d’autres déterminants robustes des flux migratoires internationaux, à savoir que les différences de capital humain sont statistiquement significatives lorsqu’elles sont incluses avec ces déterminants. En témoigne le fait que HC est robuste lorsque la loi a priori utilisée est la loi uniforme. La loi binomiale-bêta concentre une plus grande masse de probabilité sur les modèles de plus petite taille, dans lesquels l’association entre les flux migratoires et le capital humain n’est pas significative. Le manque de robustesse de HC dans nos résultats principaux pourrait aussi s’expliquer par le fait que la relation ne se prête pas à une modélisation par une fonction linéaire. Les résultats de la régression quantile révèlent en effet que l’ampleur de l’impact de HC prend la forme d’un U, à savoir que le lien le plus fort est observé aux deux extrémités de la distribution.

Il existe une relation négative entre l’écart de dépenses publiques en pourcentage du PIB (GOV) et les flux migratoires internationaux, ce qui infirme la thèse selon laquelle les migrants se dirigeraient en priorité vers les pays qui offrent une bonne protection sociale. Les résultats obtenus concernant les inégalités de revenu (Gini) vont dans le même sens, les estimations ponctuelles étant négatives et statistiquement significatives dans quatre quantiles seulement. La différence d’ampleur de la corruption (Corruption) suit une pente négative dans les quantiles inférieurs, et les coefficients ne sont statistiquement significatifs que dans deux quantiles. Ils deviennent cependant positifs dans les trois quantiles supérieurs, et l’estimation est statistiquement significative dans le neuvième quantile. Autrement dit, nos résultats ne nous permettent pas de tirer de conclusion claire concernant le lien entre corruption et flux migratoires. Enfin, les coefficients estimés concernant la différence de niveau de délinquance (Crime) sont positifs et statistiquement significatifs dans six quantiles, ce qui laisse penser que les citoyens européens préfèrent vivre dans des pays plus sûrs. Cette relation n’est cependant observée que pour les flux migratoires relativement élevés.

5. Résumé et conclusions

Dans cet article, nous avons examiné les déterminants des flux migratoires au sein de l’UE en nous appuyant sur des données se rapportant à 23 pays et à la période 1995-2019 et en faisant appel au moyennage bayésien des modèles ainsi qu’à la régression quantile. Notre principal objectif était de comparer l’impact, sur ces flux, du différentiel de taux de chômage et de l’écart de revenu d’activité. Nous avons constaté que la proximité culturelle et la présence d’un réseau familial et amical dans le pays d’accueil étaient les facteurs qui influaient le plus sur ces flux. L’immigration passée, en particulier, demeure le principal prédicteur des flux migratoires futurs.

Les déterminants économiques arrivent en deuxième position. Le lien entre l’écart de revenu d’activité et les flux migratoires est deux fois plus fort que celui observé pour le différentiel de taux de chômage. De plus, il est robuste, tandis que la relation entre différence de taux de chômage et flux migratoires ne l’est pas. De même, la régression quantile montre que la valeur des estimations ponctuelles est plus élevée pour l’écart de revenu que pour le différentiel de taux de chômage dans tous les quantiles, exception faite du neuvième, ce qui confirme les conclusions du moyennage bayésien concernant l’influence relative de l’écart de revenu et du différentiel de taux de chômage sur les flux migratoires nets dans notre échantillon de pays européens au cours de la période étudiée.

Les inégalités de revenu se creusant progressivement (partie B de la figure 1), ces constatations n’invitent guère à l’optimisme concernant la capacité de l’UE à absorber des chocs asymétriques. Ce constat est particulièrement préoccupant à l’heure où de plus en plus d’études démontrent l’existence de divergences conjoncturelles entre les pays de l’UE ces dix dernières années (Beck, 2020, 2021b, 2021c et 2022; Degiannakis, Duffy et Filis, 2014; Ferroni et Klaus, 2015; Grigoraş et Stanciu, 2016). Même la synchronisation des cycles induite par la pandémie de COVID-19 n’a été que temporaire (Beck, 2023). Dans ce contexte, des pays qui ont la même politique monétaire doivent trouver un autre mécanisme d’ajustement. Nos résultats montrent que la mobilité du travail ne remplit pas efficacement ce rôle. Il faudrait donc que les responsables de l’UE et les dirigeants des pays souverains, notamment des États qui sont actuellement membres de la zone euro ou qui aspirent à le devenir, recherchent d’autres solutions. Pour peu qu’une volonté politique existe, le fédéralisme budgétaire pourrait constituer un outil complémentaire de nature à rapprocher la configuration institutionnelle de l’UE de celle d’une zone monétaire optimale. Sa mise en place suppose cependant de réaliser une analyse exhaustive de la mobilité du travail entre les États fédérés aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, en tenant compte du rôle des transferts et de l’intégration budgétaires de manière à cerner ce qui, dans la réussite d’une zone monétaire optimale, peut être imputé au fédéralisme budgétaire.

Nos résultats sur les déterminants économiques montrent aussi que ces facteurs ont une importance secondaire comparativement à la proximité culturelle et à la présence de réseaux familiaux et amicaux dans le pays d’accueil, qui sont les premiers déterminants des flux migratoires internationaux. Parmi les facteurs qui se classent en deuxième position, l’écart de revenu l’emporte sur le différentiel de taux de chômage. L’effet «prix», approché par cet écart, a donc plus de poids dans la décision d’émigrer ou non que l’effet «quantité», représenté par les différences de taux de chômage. En conséquence, en dehors des situations dans lesquelles les taux de chômage sont très différents d’un pays à l’autre, les salaires constituent la principale cause économique des flux migratoires dans l’UE. De fait, les pays dans lesquels le salaire moyen net est relativement élevé affichent des flux migratoires nets plus élevés également, les travailleurs émigrant dans l’espoir de percevoir une meilleure rémunération.

Notes

  1. Pour une réflexion sur l’idée que le fédéralisme budgétaire et la mobilité du travail peuvent aboutir à une meilleure configuration institutionnelle d’une zone monétaire optimale, voir Obstfeld et Peri (1998), Perotti (2001), Evers (2015) et Baglioni, Boitani et Bordignon (2016).
  2. Avant la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
  3. Pour une description plus précise de nos variables et des sources de nos données, le lecteur peut se reporter au tableau A1 de l’annexe.
  4. Cette procédure permet d’empêcher que les pays plus grands que les autres ne dominent les résultats. Nous avons cependant aussi estimé la spécification sans l’appliquer. Les résultats sont présentés dans le tableau SB5 de l’annexe en ligne B (en anglais), et l’interprétation de ces résultats est présentée dans la partie 4.1.
  5. L’annexe en ligne A (en anglais) présente la distribution de MIGR dans les pays étudiés au cours de six périodes consécutives.
  6. Les estimations ont été réalisées par les moindres carrés ordinaires, comme dans le cas d’autres estimateurs cités plus loin dans le texte.
  7. Par souci de concision, nous ne présentons pas les résultats concernant la composition en termes de paires de pays. Ils peuvent être fournis par les auteurs sur demande.
  8. Les valeurs non normalisées de la moyenne et de l’écart type a posteriori figurent dans le tableau SB1 de l’annexe en ligne B (en anglais). Nous avons également envisagé l’hypothèse de l’existence d’une relation non linéaire en utilisant des logarithmes naturels pour toutes les variables variant dans le temps. Les résultats sont présentés dans le tableau SB2. Toutes ces variables sont fragiles, ce qui montre qu’ici un modèle linéaire constitue la méthode la plus adaptée pour étudier la relation qui nous intéresse.
  9. Le tableau SB3 figurant dans l’annexe en ligne B (en anglais) montre que les pays qui affichent le salaire moyen le plus élevé et le taux de chômage moyen le plus faible se caractérisent par un solde migratoire positif, à deux exceptions près (les Pays-Bas et la Suède). Pour ces deux pays, la seule explication qui peut être avancée (compte tenu des déterminants des flux migratoires que nous étudions) est que l’un et l’autre ne sont frontaliers que de deux pays, si bien que la distance culturelle qui les sépare des autres pays de l’échantillon est plus grande.
  10. Voir le tableau SB4 de l’annexe en ligne B (en anglais).
  11. Pour tester la robustesse de nos résultats, nous avons estimé les régressions quantiles en utilisant un quantile fixe pour la première période (partie B.2 de l’annexe en ligne (en anglais)). Les résultats confirment de manière encore plus univoque que les flux migratoires dépendent davantage de l’écart de revenu d’activité que du différentiel de taux de chômage.

Remerciements

Nous tenons à remercier la rédactrice en chef de la Revue et les deux évaluateurs anonymes pour leurs commentaires particulièrement utiles. Notre recherche a bénéficié d’un financement de la fondation portugaise pour la science et la technologie (Fundação portuguesa para a Ciência e Tecnologia – FCT) [financement no UIDB/05069/2020] et du centre national polonais des sciences (Narodowe Centrum Nauki – NCN) [financement no 2021/43/B/HS4/01745]. Les opinions exprimées ici sont les nôtres et ne reflètent pas nécessairement celles des institutions qui nous emploient. Les erreurs éventuelles sont de notre fait.

Conflits d’intérêts

Les auteurs n’ont pas d’intérêts concurrents à déclarer.

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Annexe

Tableau A1

Description des variables examinées

Abréviation Description Source
MIGR Valeur absolue des flux migratoires nets mis à l’échelle au moyen de la somme de la population active de deux pays formant une paire. Abel et Cohen (2022)
MIGRlag Valeur absolue des flux migratoires nets mis à l’échelle au moyen de la somme de la population active de deux pays formant une paire, retardée d’une période. Abel et Cohen (2022)
CUMmig Valeur absolue des flux migratoires nets mis à l’échelle au moyen de la somme de la population active de deux pays formant une paire, cumulée sur les m dernières périodes de cinq ans. Abel et Cohen (2022)
EARN Valeur absolue de la différence de revenu net exprimée à PPA, en moyenne sur cinq ans. Eurostat
UNEMPL Valeur absolue de la différence de taux de chômage, en moyenne sur cinq ans. Eurostat
Tax Valeur absolue de la différence d’impôt sur le revenu moyen, en moyenne sur cinq ans. Eurostat
Social Valeur absolue de la différence de prestations sociales par personne, en moyenne sur cinq ans. Eurostat
GOV Valeur absolue de la différence de dépenses publiques en pourcentage du PIB, en moyenne sur cinq ans. Penn Word Table
HC Valeur absolue de la différence d’indice de capital humain (Barro et Lee, 2013), en moyenne sur cinq ans. Penn Word Table
Crime Valeur absolue de la différence en matière de nombre d’homicides intentionnels pour 1 000 habitants, en moyenne sur cinq ans. Banque mondiale
Corruption Différence absolue entre les valeurs de l’indicateur de contrôle de la corruption issu des indicateurs de la gouvernance dans le monde de la Banque mondiale, en moyenne sur cinq ans. Banque mondiale
FER Valeur absolue de la différence de taux de fécondité entre deux pays formant une paire, en moyenne sur cinq ans. Banque mondiale
Temp Valeur absolue de la différence de température annuelle moyenne, en moyenne sur cinq ans. Banque mondiale
Gini Valeur absolue de la différence de coefficient de Gini entre deux pays formant une paire, en moyenne sur cinq ans. Solt (2020)
TRANS Variable binaire prenant la valeur 1 si les deux pays sont des pays en transition (pays postcommunistes) et la valeur 0 dans les autres cas. FMI
LNDGEO Logarithme naturel de la distance entre les capitales de deux pays formant une paire, calculé en fonction du trajet le plus court. Google Maps
B Variable fictive prenant la valeur 1 si les deux pays ont une frontière commune et la valeur 0 dans les autres cas. Google Maps
MB Variable fictive prenant la valeur 1 si les deux pays ont une frontière maritime commune et la valeur 0 dans les autres cas. Google Maps
MA Variable fictive prenant la valeur 1 si les deux pays ont une ouverture sur l’océan ou la mer et la valeur 0 dans les autres cas. Google Maps
L Variable fictive prenant la valeur 1 si les deux pays ont au moins une langue officielle en commun et la valeur 0 dans les autres cas.
OLDEU Variable fictive prenant la valeur 1 si les deux pays sont devenus membres de l’Union européenne avant 2004 et la valeur 0 dans les autres cas.
lnPOPprod Logarithme naturel du produit de la population des deux pays, en moyenne sur cinq ans. Penn Word Table
MIPEX Produit de la valeur de l’indice de rigidité de la politique en matière de migration du travail calculé pour les deux pays, en moyenne sur la période 2007–2019. miplex.eu
  • Note: PPA = parités de pouvoir d’achat; PWT = Penn Word Table.

Tableau A2

Composition, en termes de périodes, des quantiles utilisés pour l’estimation dont les résultats sont présentés dans le tableau 3 (pourcentage)

Période 1er quant. 2e quant. 3e quant. 4e quant. 5e quant. 6e quant. 7e quant. 8e quant. 9e quant.
1996-2000 34 27 25 26 24 28 28 19 20
2001-2005 23 36 30 20 31 17 22 25 24
2006-2010 25 19 20 27 22 27 20 32 30
2011-2015 19 19 26 28 24 29 31 25 26
  • Note: Les pourcentages présentés dans le tableau correspondent à la part des observations relatives à une période donnée dans chaque quantile.

    Source: Calculs des auteurs.