Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Titre original: «Workers on the Front Line of Climate Change: Re-politicizing Trade Union Climate Action» (International Labour Review, vol. 164, n° 1). Traduit par Isabelle Croix. Également disponible en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, n° 1).
1. Introduction
Le rôle central que les travailleurs et les syndicats ont à jouer dans l’action et les décisions climatiques n’occupe qu’une place marginale dans les débats publics, lesquels abordent la question sous l’angle du «choix du consommateur» – approche selon laquelle les dommages au climat et à l’environnement ont des causes individuelles et exigent une évolution des comportements (Huber, 2022). La responsabilité du changement climatique est ainsi dépolitisée et dissociée de toute idée d’une action collective passant par le lieu de travail et l’État. Lorsque les travailleurs sont pris en compte, ils sont souvent vus comme les victimes de politiques climatiques qui, au nom de la décarbonation, les exposent au risque de perdre leur emploi.
Dans beaucoup de pays, les syndicats et les partis politiques de gauche ont réagi à cette individualisation et cherché à rendre compte des menaces que les restructurations économiques et industrielles motivées par le changement climatique font peser sur les travailleurs en proposant, examinant ou endossant diverses définitions des concepts de «transition juste» et de «pacte vert» (Boyle et al., 2021). De même, certains débats à haut niveau sur la décarbonation de l’économie et les énergies renouvelables reconnaissent le rôle crucial des travailleurs. Ainsi, l’accord de Paris adopté à l’issue de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) en 2015 et les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies font de la promotion des droits des travailleurs une dimension incontournable de la transition vers des économies bas carbone. L’accord de Paris insiste sur l’importance centrale d’une «transition juste pour la population active et de la création d’emplois décents et de qualité»1, et un document technique élaboré pour faciliter l’application de cette dimension (CCNUCC, 2016) met au premier plan l’Organisation internationale du Travail (OIT), soulignant que ses Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous (OIT, 2015a) fournissent un «cadre d’action» sur lequel s’appuyer (CCNUCC, 2016, p. 20). Les principes directeurs de l’OIT précisent que «la transition vers des économies et des sociétés écologiquement durables» suppose la réalisation «des principes et droits fondamentaux au travail» (OIT, 2015a, p. 6), et que les travailleurs doivent être des «acteurs du changement» (ibid., p. 5), capables de concevoir de nouvelles manières de travailler susceptibles de préserver l’environnement.
La place du travail et de ceux qui l’exercent dans la transition vers une économie bas carbone est également reconnue dans l’ODD 8, qui consiste à «[p]romouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous» (Nations Unies, 2017, p. 13). Les droits syndicaux sont au cœur de cet objectif, la cible 8.8 de cet ODD exigeant que les États «[d]éfend[ent] les droits des travailleurs, pro[meuvent] la sécurité sur le lieu de travail et assur[ent] la protection de tous les travailleurs» (ibid., p. 14). Les indicateurs retenus pour évaluer si cette cible est atteinte reposent certes sur les normes de l’OIT relatives à la liberté syndicale et au droit de négociation collective (ibid.), mais le lien entre droits au travail et transition bas carbone est toujours exprimé en termes de justice climatique – comme quelque chose qui est souhaitable ou que les membres des Nations Unies et les employeurs ont le devoir moral de garantir. L’idée est que «l’écologisation des économies ouvre de nombreuses perspectives pour la réalisation des objectifs sociaux» (OIT, 2015b, p. 7), ce qui laisse penser que la transition pourrait parfaitement se faire sans que les travailleurs soient associés et, implicitement, qu’il est possible d’envisager leurs intérêts et les objectifs de décarbonation et de durabilité de l’économie comme des enjeux séparés.
Paradoxalement sans doute, cette vision semble partagée par les syndicats, qui traitent souvent le climat et la soutenabilité comme des questions extérieures aux principaux sujets relevant des relations du travail et de la négociation collective. Dans les pays du Nord, ils n’ont pas encore fait du changement climatique un domaine de négociation et d’action revendicative, plaidant plus modestement pour l’«inclusion» des travailleurs dans les stratégies mises en place pour favoriser une transition juste et la justice climatique. Ce manque d’ambition pourrait être en partie la résultante de législations nationales du travail et d’institutions du marché du travail peu propices à l’intégration de la dimension climatique dans les négociations collectives (Bugada et al., 2020). Il pourrait aussi s’expliquer par le fait que, dans les pays du Nord, l’essentiel des effets du changement climatique sur la situation des travailleurs se fait sentir indirectement, par l’intermédiaire du marché, plutôt que directement (Huber, 2022).
Dans notre article, nous avançons que ce lien entre les droits des travailleurs et la transition vers une économie soutenable doit être appréhendé différemment. Les travailleurs et les organisations qui les défendent ne doivent pas seulement demander à être associés à une transition juste; ils doivent exiger que l’on reconnaisse qu’ils sont déjà impliqués, étant donné qu’ils sont déjà touchés par ces stratégies et que leur coopération est nécessaire pour la création de nouveaux secteurs d’activité et la restructuration des secteurs existants. De surcroît, les droits au travail et leur exercice ont un lien direct avec la soutenabilité de la production, parce qu’ils ont précisément pour but d’imposer des limites à la marchandisation et à l’exploitation du travail humain, lui-même finalement indissociable de la nature (Marx, (1875) 2019, p. 1025). Cet argument repose sur des thèses issues des études environnementales sur le travail (environmental labour studies) qui récusent l’existence d’un «clivage entre nature et travail» (Räthzel, Cock et Uzzell, 2018). D’après ces études, le travail humain est la principale force par laquelle la nature est transformée au cours du processus de production des moyens de la vie humaine, mais il est aussi fondamentalement dépendant du système vivant de la planète (Stevis, Uzzell et Räthzel, 2018), et l’évolution historique de l’industrialisation capitaliste a «rompu le lien entre travail et nature» (ibid., p. 440).
Le reste de l’article est organisé de la façon suivante. La deuxième partie décrit les manières dont l’action climatique des travailleurs et syndicats a été positionnée, d’une part par le syndicalisme d’entreprise (business unionism) (qui l’a en réalité placée en dehors de l’espace conflictuel que constituent les relations du travail) et d’autre part par la littérature écosocialiste (qui s’intéresse moins au lieu de travail lui-même qu’à la dimension politique de la transition et des pactes verts). Dans la troisième partie, nous montrons que les préjudices causés au corps des travailleurs et à l’environnement résultent de l’«économie politique de la vitesse» qui sous-tend la production capitaliste. La quatrième partie resitue cette dynamique dans le cadre d’une analyse plus large de la précarité de l’emploi, dont il ressort que soutenabilité et précarité de l’emploi sont antinomiques. La cinquième partie décrit certaines actions que travailleurs et syndicats commencent à mener pour combattre la précarité et les préjudices à l’environnement. Nous analysons ces mobilisations comme des exemples témoignant de la nécessité de dépasser le modèle syndical traditionnel et l’action climatique dépolitisée pour rechercher des solutions à la crise climatique, compte tenu des limites des structures juridiques et institutionnelles existantes. Dans la sixième partie, qui fait office de conclusion, nous décrivons les limites de notre argumentation et les enseignements qui peuvent en être tirés pour l’action syndicale en faveur du climat.
2. Action climatique et relations du travail
Les revendications climatiques faisant l’objet de négociations collectives portent généralement sur des sujets qui ont leur place dans un programme d’action pour l’environnement, par exemple l’amélioration du transport, des équipements professionnels et des méthodes de travail. Par ailleurs, les audits énergétiques ont permis aux délégués syndicaux d’exiger une meilleure gestion des déchets, des politiques d’achat améliorant l’efficacité énergétique, des mesures de sobriété énergétique et même l’installation d’éoliennes sur site. Travailleurs et direction ont en outre passé des accords afin de dépolluer les trajets entre domicile et travail. Ces accords prévoient par exemple le subventionnement des transports en commun, le versement de primes aux personnes qui se déplacent à vélo ou encore des petits déjeuners gratuits pour inciter les salariés à faire appel au covoiturage (CES, 2012).
Ces dispositifs visent tous à réduire l’empreinte carbone d’un employeur ou lieu de travail en particulier. Ils présentent certes l’intérêt de placer les travailleurs au cœur de l’aspiration à évoluer vers des façons de travailler plus soutenables, mais ils font souvent abstraction des aspects essentiels de la soutenabilité, à savoir celle des biens produits et services fournis par les travailleurs et des processus par lesquels ils sont produits ou fournis, l’objectif de ces services et les conditions dans lesquelles les travailleurs sont censés les fournir. Cette approche correspond à une conception relativement simpliste et consensuelle de l’action climatique, laquelle consiste alors à apporter des ajustements réalistes aux pratiques des entreprises pour qu’elles soient plus compatibles avec les objectifs de soutenabilité, mais reste extérieure à l’espace conflictuel des relations du travail. Elle repose donc sur l’idée que les travailleurs et les employeurs ont un «intérêt commun» à protéger l’environnement.
Selon nous, cette vision de la négociation climatique constitue un point de départ important, mais elle n’apporte pas de réponse à la question fondamentale qu’est celle de savoir comment fournir des emplois soutenables dans le cadre d’économies durables. Elle récuse l’idée que la qualité de l’environnement et le changement climatique devraient relever de la résolution des conflits du travail. À titre d’exemple, au Royaume-Uni, le Trades Union Congress (TUC) – une confédération de syndicats – a diffusé un accord type pour les négociations collectives sur le climat, mais ce document dissocie complètement les questions relatives à l’environnement et au climat de celles qui concernent l’emploi (TUC, 2021). Il réserve certes une place importante aux travailleurs, mais il établit peu de liens entre les sujets environnementaux et ceux qui ont trait, par exemple, aux conditions de travail ou au statut professionnel. Les effets potentiels du changement climatique et de la transition énergétique sur l’emploi, la précarité du travail ou encore les programmes d’investissement des entreprises sont donc visiblement exclus des points à mettre à l’ordre du jour des négociations. Cette approche met l’accent sur les «avantages mutuels» et l’intérêt pour les employeurs du modèle de la négociation collective sur le climat (en l’absence de règles juridiques sur lesquelles s’appuyer), et repose sur une «croyance sincère» en l’universalité des enjeux climatiques et environnementaux (Hampton, 2015). Elle est celle que suit le TUC depuis le début des années 1990 en faisant valoir que «la démarche conflictuelle classique» des relations du travail «ne suffit pas et risque de nuire à la protection de l’environnement»2. Comme le montre Barca (2015, p. 394) dans son analyse de l’approche de la Confédération syndicale internationale (CSI) vis-à-vis de la transition juste, la CSI s’est elle aussi ralliée à la thèse de «l’intérêt commun» et préconise une stratégie fondée sur la consultation et le dialogue social, la bonne gouvernance et l’amélioration de la communication au moyen d’outils «visant à apaiser les tensions et les conflits persistants» (ibid.), ce qui correspond à la définition même du syndicalisme d’entreprise.
Le syndicalisme d’entreprise privilégie l’établissement de bonnes relations avec les employeurs et la recherche de solutions pacifiques aux problèmes qui se posent sur le lieu de travail (Moody, 1988). Le changement climatique est appréhendé de la même manière, selon une logique voulant que des pratiques vertueuses pour l’environnement et leurs résultats servent un intérêt commun (Crawford et Whyte, 2023). L’attitude des syndicats a donc été fortement influencée par un modèle qui situe les questions environnementale et climatique à l’extérieur du champ des conflits du travail.
Pour ce courant du syndicalisme, tout comme la négociation climatique doit aboutir à des changements marginaux et progressifs, adoptés d’un commun accord, les aspects plus importants de l’organisation du travail, de la production et de la distribution sont considérés comme se situant au-delà du champ de la négociation (Crawford et Whyte, 2023). De ce point de vue, il n’est ni possible ni souhaitable que les syndicats soient associés à l’action politique contre le changement climatique et, en réalité, à une action visant un changement de système. Le syndicalisme d’entreprise fait donc jouer aux syndicats un rôle qui sépare artificiellement travail et nature.
À cette conception inspirée par le syndicalisme d’entreprise s’oppose une autre approche, selon laquelle il ne peut y avoir de vraie transition si les travailleurs n’exercent pas un pouvoir sur leur lieu de travail et secteur d’activité. Huber (2022) est sans doute le partisan de cette vision le plus souvent cité. Il avance que, pour favoriser la soutenabilité climatique, la meilleure solution serait que les travailleurs du secteur de l’électricité aux États-Unis prennent le pouvoir et agissent pour que ce secteur soit nationalisé. Il cite en outre plusieurs exemples de «négociation pour le bien commun», dans lesquels les syndicats exigent la mise en œuvre de pactes verts au niveau sectoriel et national (ibid., 278). Cette thèse pèche toutefois par sa non-prise en compte de ce que ces combats font déjà partie du quotidien des travailleurs. Le combat politique est à l’évidence indispensable pour que des manières de travailler soutenables s’imposent, et une action collective extérieure au lieu de travail est nécessaire afin d’assurer une décarbonation de l’économie suffisante et assez rapide pour garantir la survie de l’humanité. Pour autant, nous estimons que les luttes menées par les travailleurs dans le cadre de leur travail – des relations du travail et des conflits du travail – sont aussi décisives pour remporter la bataille de la soutenabilité. Il faudra également faire évoluer les conditions qui règnent sur le lieu de travail, lieu d’exploitation de la force de travail et de la nature.
Cet argument est pour l’essentiel absent de la littérature écosocialiste, laquelle se préoccupe réellement des relations du travail, mais s’intéresse rarement aux caractéristiques concrètes des luttes qui se déroulent en milieu professionnel. Ainsi, Saito (2017, pp. 100-102) se livre à une lecture de Marx qui le conduit à revisiter le processus de travail pour en faire un mécanisme de métabolisme transhistorique, et Moore (2015, pp. 221-240) avance que la main-d’œuvre bon marché, conjuguée à l’augmentation du volume du «travail non payé», joue un rôle central dans la perpétuation de la baisse tendancielle du surplus écologique. Toutefois, ni Saito ni Moore ne cherchent vraiment à évaluer si les luttes que livrent quotidiennement les travailleurs ont déjà une dimension climatique. Deux remarques s’imposent à cet égard. Premièrement, la littérature écosocialiste aborde principalement les solutions politiques et économiques à un niveau général, exhortant les organisations de travailleurs à exiger des changements structurels au niveau d’une branche ou d’un secteur d’activité – c’est par exemple le cas de Huber (2022). Deuxièmement, cette littérature méconnaît souvent la manière dont, dans la pratique, les travailleurs font face à l’accumulation de surplus au quotidien, c’est-à-dire en dehors des luttes ayant les revendications climatiques pour principal enjeu. Comme le souligne Barca (2012) au sujet du mouvement ouvrier italien:
La conscience de ce que la santé environnementale est une expérience partagée entre les ouvriers et la population locale – les nombreuses femmes qui souffrent d’un cancer du sein, celles confrontées à des malformations fœtales, les parents d’enfants asthmatiques, les pêcheurs et les agriculteurs prenant conscience de décès et maladies inhabituels dans le monde vivant non humain, etc. – est une caractéristique commune des communautés de la classe ouvrière italienne et a été une constante tout au long de la période comprise entre les années 1970 et les années 2000 (Barca, 2012, p. 72).
L’ouvrage dans lequel Foster (2020, pp. 172-215) reprend l’idée engelsienne de «meurtre social» – il parle d’écocide – constitue peut-être une exception au sein du courant écosocialiste, même si, au-delà de la présentation des travaux de Engels, il nous apprend finalement peu de choses à propos de l’impact de ces luttes du quotidien sur l’évolution du capitalisme et de l’influence qu’elles continuent d’exercer. Foster y évoque l’histoire des idées – plus précisément du dialogue entre socialisme et écologie –, mais ne traduit pas ces idées en actions comme on pourrait l’espérer. Au fond, comme nous le soulignons ailleurs, l’intensité des luttes pour l’environnement fait partie des aspects de sa propre histoire que le mouvement ouvrier oublie trop facilement, qu’il s’agisse de la mobilisation pour l’organisation collective des travailleurs dans l’industrie chimique du Lancashire, au XIXe siècle, ou, également au Royaume-Uni, du long combat qui a conduit à la création du réseau Hazards Campaign à la fin du XXe siècle3 (Crawford et Whyte, 2023).
Le combat des travailleurs contre les risques liés à l’exposition aux produits chimiques ne concerne certes pas nécessairement le changement climatique à proprement parler, mais il est révélateur de l’existence d’un lien entre le travail et le reste de la nature. Ce lien est aussi une constante dans les luttes anticoloniales et anti-impérialistes menées par les travailleurs. Il en existe de nombreuses illustrations dont, pour ne citer que quelques exemples en provenance du sous-continent indien, la campagne pour la justice lancée dans le sillage de l’accident meurtrier provoqué par une fuite de gaz dans l’usine de pesticides de l’entreprise Union Carbide, à Bhopal en 1984, les luttes intermittentes menées par des producteurs agricoles indiens et bangladais contre des groupes agro-industriels tels que Monsanto au sujet de l’utilisation des semences et surtout l’action de l’Asian Network for the Rights of Occupational and Environmental Victims (ANROEV), un réseau asiatique de défense des droits des victimes du travail et des atteintes à l’environnement qui organise des campagnes en faveur de l’environnement sur les lieux de travail et auprès des populations locales afin d’aider les syndicats à renforcer leurs capacités. De même, les mobilisations syndicales contre l’exposition des travailleurs à l’amiante, au Bangladesh, ont explicitement mis en lumière un lien entre soutenabilité environnementale et agression violente du corps des travailleurs (Uddin, Nobi et Islam, 2024). On pourrait citer pléthore d’autres exemples de luttes qui ont donné naissance à des solutions élaborées à l’initiative des travailleurs en réponse aux problèmes de soutenabilité environnementale. Pourtant, ces batailles aussi permanentes que diverses n’occupent dans le meilleur des cas qu’une place marginale dans les travaux sur la lutte des classes – y compris les plus importants d’entre eux.
Pour résumer, le syndicalisme d’entreprise défend l’idée que l’action climatique et systémique n’est pas l’affaire des syndicats, et la critique socialiste oublie souvent que les conflits liés à l’environnement qui se posent sur le lieu de travail et sur le marché du travail existent depuis que le capitalisme est né. Certains des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs et les syndicats permettent de mieux comprendre ce lien profond entre le travail et le reste de la nature. Analyser les relations entre intensification, précarité et soutenabilité du travail nous permet d’appréhender le contexte climatique du travail de manière concrète et non plus abstraite. Nous allons maintenant nous livrer à un examen plus complet de ces caractéristiques du marché du travail et du travail.
3. L’économie politique de la vitesse
Comme le font valoir plusieurs auteurs écosocialistes, l’épuisement des sols, des océans, des forêts et de l’air par la logique autoentretenue du capital est un processus comparable à l’épuisement des travailleurs (Foster, Clark et York, 2010; Moore, 2015; Barca, 2020). Dans un système capitaliste, il est impossible de dissocier l’exploitation de la main-d’œuvre de celle de la nature: l’extraction de la valeur excédentaire du travail est un processus qui exploite presque toujours simultanément les travailleurs et leur environnement.
Dans son étude classique sur l’exploration pétrolière en mer du Nord, Carson (1981) estime qu’une «économie politique de la vitesse» domine le processus de travail et fait payer aux travailleurs «l’autre prix du pétrole britannique». D’après lui, c’est le contexte politique qui déterminait l’ampleur des risques que les compagnies pétrolières étaient prêtes à prendre. Le gouvernement du Royaume-Uni, qui était confronté à un grave déséquilibre de sa balance des paiements et voulait coûte que coûte extraire du pétrole de la mer du Nord, avait délibérément assoupli la réglementation et mis en place des mécanismes incitatifs commerciaux et fiscaux à l’intention de ces compagnies. Alors qu’un travailleur employé sur une plateforme pétrolière avait un risque beaucoup plus grand de mourir au travail qu’un travailleur équivalent exerçant son activité sur la terre ferme (le taux d’accidents mortels était par exemple onze fois plus élevé que dans le secteur de la construction et près de neuf fois plus haut que dans celui de l’extraction minière), les pouvoirs publics ont exempté les plateformes de l’obligation de respecter les normes du travail et ont fermé les yeux sur la répression syndicale. Cette économie politique de la vitesse a créé des tensions insupportables qui ont propulsé les cadences de production jusqu’à des niveaux dangereux.
Cette dynamique a de surcroît été accélérée par des événements géopolitiques. En 1985, l’échec du système des quotas de production de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a été suivi par un effondrement du prix moyen du baril de pétrole, qui est passé de plus de 30 dollars des États-Unis (dollars É.-U.) en novembre 1985 à environ 10 dollars É.-U. en avril 1986. Cette implosion du marché a eu un impact spectaculaire sur le secteur pétrolier. Pour protéger leurs profits, les compagnies pétrolières ont réduit de 30 à 40 pour leur budget d’exploitation. Les salaires ont chuté et, en 1986, le secteur a perdu pas moins de 22 000 emplois (Whyte, 2006). Cette réaction à l’effondrement du prix du baril a été lourde de conséquences sur la sécurité au travail, les dépenses d’entretien courant des équipements ayant été l’un des principaux postes budgétaires sacrifiés au nom de la baisse des charges d’exploitation. La chute du prix du marché peut modifier les rapports de force entre les actionnaires, les dirigeants et les travailleurs. Un pétrole peu cher intensifie la recherche de profits plus élevés moyennant des investissements plus faibles. Les travailleurs sont moins en mesure de se défendre, parce que le risque de licenciement et de baisse de la production augmente. Ce scénario politique et organisationnel s’est reproduit à l’identique ou presque en 2010 après l’explosion, dans le Golfe du Mexique, de la plateforme Deepwater Horizon exploitée par British Petroleum (Woolfson, 2013). On retrouve des facteurs similaires (réglementation insuffisante, instabilité du marché, politiques de baisse des coûts agressives et non-prise en compte des avertissements lancés par les travailleurs) dans un nombre incalculable de catastrophes industrielles (Tombs et Whyte, 2007), à commencer par les tragédies de Bhopal (Pearce et Tombs, 1998), du Rana Plaza au Bangladesh (Crinis et Vickers, 2017) et du barrage minier de Brumadinho au Brésil (Rose, Mugi et Saleh, 2023), pour n’en citer que trois. Toutes ces catastrophes sont la résultante d’une intensification de l’économie politique de la vitesse.
L’accumulation de capital s’inscrit toujours dans le cadre d’une économie politique de la vitesse, ce qui signifie, d’une part, que les travailleurs ont généralement la possibilité de ralentir l’impact de leur travail sur l’environnement en se protégeant et, d’autre part, qu’il existe réellement un lien profond entre les travailleurs et le reste de la nature, en l’occurrence un intérêt partagé à remettre en cause – y compris, parfois, en ralentissant la production – le processus par lequel l’économie politique de la vitesse provoque des dommages environnementaux et sociaux. L’existence de ce lien en dit long sur la relation entre la situation des travailleurs et celle de la nature dans les processus de travail capitalistes. Cette relation est également mise en lumière par une analyse de la situation du marché du travail.
4. Précarité et soutenabilité
Quel que soit le secteur d’activité considéré, la précarité et la situation du marché du travail exercent une influence sur l’économie politique de la vitesse. Ainsi, Carson (1981) a constaté que, dans le secteur de l’exploration pétrolière en mer du Nord, jusqu’à 90 pour cent des travailleurs étaient titulaires de contrats précaires. Dans le secteur mondial du textile, les travailleurs précaires sont exposés à des risques à tous les maillons des chaînes d’approvisionnement, généralement longues (Crinis et Vickers, 2017). Cette dynamique joue un rôle central dans la thèse présentée plus haut, précisément parce qu’elle met au jour l’existence d’un lien entre la situation des travailleurs sur le marché du travail et leur capacité à remettre en cause les conditions de travail engendrées par le processus de travail.
Le lien entre l’élimination de la précarité de l’emploi et la durabilité économique, sociale et environnementale, que l’on retrouve dans l’ODD 8 par exemple (voir l’introduction), est rarement évoqué dans les débats publics sur le changement climatique. L’objectif de durabilité environnementale ne peut cependant pas être atteint dans des économies qui reposent sur le travail précaire. Il est impossible d’imaginer de nouvelles manières de travailler et d’organiser la fourniture d’énergie, de nourriture, d’eau, de vêtements et autres services essentiels de manière inoffensive pour le monde naturel dans un système de travail qui impose une baisse des coûts et une dégradation des conditions de travail, qui se déplace dans les lieux où la main-d’œuvre et la nature sont le plus exploitées et qui encourage des modalités d’utilisation du travail et du capital qui accélèrent le changement climatique. Cette question n’est pas seulement morale, elle est aussi pratique. Il y a trois grandes raisons à cela.
Premièrement, lorsque les travailleurs sont en position de faiblesse pour s’opposer d’une quelconque manière à leur employeur, ils le sont quel que soit le sujet concerné. C’est pourquoi le statut professionnel est ce qui compte le plus pour la santé et la santé environnementale des travailleurs. L’appartenance à un syndicat est d’ailleurs le facteur qui réduit le plus le risque de mourir ou d’être blessé au travail (Walters et Quinlan, 2019). Pour les mêmes raisons, la sécurité de l’emploi est essentielle pour l’écologie. Lorsque les travailleurs sont titulaires d’un contrat à durée indéterminée, perçoivent un salaire plus élevé et jouissent de meilleures conditions de travail, ils sont davantage en mesure de faire pression pour que des améliorations soient apportées à l’environnement dans lequel ils travaillent: ceux du secteur chimique sont en meilleure position pour demander une diminution du temps de travail au titre de l’exécution de tâches dangereuses ou pour exiger des systèmes de réduction de la pollution de l’air; les travailleurs agricoles sont mieux à même de réduire leur exposition aux produits chimiques qu’ils sont contraints d’employer; et les ouvriers des chaînes de transformation de la viande sont dans une posture plus favorable pour se mobiliser afin d’obtenir une baisse des cadences de travail. Ce raisonnement vaut aussi pour les travailleurs du secteur des transports, les ouvriers d’usine, entre autres (par exemple Gouveia et Juska, 2002; Gordon, 1999).
Deuxièmement, le travail précaire compromet les dimensions démocratique et participative de toute transition juste planifiée. Une main-d’œuvre externalisée, vulnérable et temporaire disposant de droits limités a peu de chances d’acquérir des compétences et de les mettre au service d’une transition vers des modèles de production réellement soutenables. La précarité sape directement les mécanismes qui pourraient aboutir à plus de démocratie économique – organisation et représentation des travailleurs par les syndicats. L’organisation collective des travailleurs est donc plus difficile dans des secteurs où le recours au travail atypique est fréquent (Shamir, 2016). À cela s’ajoute que les travailleurs atypiques ont beaucoup plus de difficultés que les autres à adhérer à un syndicat et à participer aux structures de représentation prévues par l’employeur. Ainsi, depuis sa création, le comité d’entreprise européen de McDonald’s – instance prévue par la loi qui a vocation à atténuer les dommages des décisions économiques des multinationales au sein de l’Union européenne – a été «noyauté par la direction» précisément en raison du fort pourcentage d’employés titulaires d’un contrat atypique – temporaire, zéro heure ou à temps partiel (Royle, 1999). À l’échelle mondiale, les travailleurs précaires ou informels sont extrêmement nombreux à être exclus des mécanismes qui pourraient leur permettre de s’exprimer et d’influencer la transition (Novitz, 2023). Bon nombre d’entre eux sont exposés à des dangers liés à l’environnement, par exemple à la pollution de l’air dans la rue ou à des substances toxiques dans les décharges, mais n’ont aucun moyen de protester contre leur situation ou de la faire évoluer (Novitz, p. 6). Le droit élémentaire qu’est celui de contester une décision dangereuse est affaibli par le modèle d’emploi. Toute transition juste doit reposer sur des processus délibératifs et stratégiques engagés à l’initiative des employés, mais ces systèmes sont à l’évidence voués à l’échec si les employés les plus fragiles et les plus précaires en sont exclus.
Troisièmement, des conditions de travail précaires contraignent les travailleurs et les syndicats à défendre des emplois et activités polluants. En l’absence de voie clairement tracée pour le passage à des activités durables, les travailleurs et les populations sont confrontés à une menace existentielle et sont obligés de résister au changement. Dans les économies qui dépendent d’emplois polluants, ils risquent de ne pas être en position de force pour exiger des emplois plus verts, même s’ils sont organisés collectivement et devraient donc en principe pouvoir le faire. Dans une récente enquête conduite auprès de travailleurs du secteur pétrolier au Royaume-Uni, 81,7 pour cent des personnes interrogées ont répondu affirmativement à la question: «envisageriez-vous de changer de poste au profit d’un emploi en dehors du secteur pétrolier et gazier?» (Jeliazkov, Morrison et Evans, 2020, p. 7). Plus édifiant encore, la majorité des personnes qui avaient répondu par la négative à la première question ont cité la «sécurité de l’emploi» comme principale motivation de leur choix (ibid., p. 21). On peut en déduire, d’une part, que l’existence du lien établi plus haut entre précarité et soutenabilité de l’économie est confirmée et, d’autre part, que les travailleurs ont peu de marge de manœuvre pour évoluer vers des emplois moins émetteurs de carbone. Plus loin dans le questionnaire, les répondants étaient invités à indiquer s’ils avaient déjà entendu parler de la «transition juste». Pas moins de 91 pour cent ont répondu par la négative (ibid., p. 9), ce qui montre de manière flagrante qu’il n’y a pas de dialogue autour de la transition juste et, a fortiori, que les travailleurs ne sont pas impliqués dans ce processus. Ils ne peuvent pas y être associés dès lorsqu’ils n’ont pas de pouvoir d’agir et qu’ils sont transférés d’un emploi à l’autre selon le bon vouloir de l’employeur.
Pour analyser les innombrables exemples dans lesquels des syndicats ont défendu des emplois non soutenables, il faut les resituer dans le contexte d’un marché du travail capitaliste qui force les individus à faire des choix contre leur gré. Si les citoyens avaient réellement la possibilité de choisir, il est peu probable qu’ils se dirigeraient vers le secteur chimique ou pétrolier. On ne s’expose pas par choix à des dangers professionnels ou environnementaux ni au risque de mourir au travail. Un travailleur décide d’accepter tel ou tel emploi dans des circonstances qui s’imposent à lui, ce qui laisse penser que la précarité sur le marché du travail constitue une dimension fondamentale des négociations sur les enjeux climatiques.
C’est la précarité qui explique que certains des emplois les plus polluants ou exercés dans les lieux les plus dangereux sont présentés comme des métiers issus de la transition juste. La construction de parcs d’éoliennes en mer du Nord se fait dans des conditions comparables à celles qui avaient cours lorsque les activités pétrolières et gazières ont commencé en mer du Nord. De fait, ce sont les mêmes bateaux qui sont utilisés – et les mêmes récits sur l’absence de sécurité à bord qui sont rapportés –, les mêmes méthodes de travail qui sont appliquées et le même degré de précarité qui est subi par les travailleurs (Jeliazkov, Morrison et Evans, 2020). Le secteur du traitement des déchets offre une autre illustration: alors qu’il joue un rôle décisif dans la diminution de l’impact des sous-produits industriels et dans le recyclage, il fait partie des domaines où les accidents du travail et maladies professionnelles sont les plus fréquents. Ainsi, au Royaume-Uni, d’après certaines estimations, le taux d’accidents mortels y serait environ onze fois supérieur à la moyenne nationale (Circular, 2022). Des chercheurs qui ont réalisé une recherche sur ce secteur sont parvenus à la conclusion suivante:
On observe une augmentation de la prévalence des affections respiratoires, gastro-intestinales et dermatologiques chez les travailleurs en contact avec le compost comparativement à ceux du groupe témoin. Ces employés pourraient aussi être davantage exposés à un risque d’alvéolite allergique extrinsèque, d’aspergillose bronchopulmonaire allergique, d’asthme professionnel et d’anomalies de la fonction pulmonaire. Les travailleurs qui participent au recyclage de batteries et de câbles pourraient être exposés à un risque d’intoxication par le plomb et d’exposition à d’autres métaux lourds (Poole et Basu, 2017, p. 626).
Les travailleurs paient actuellement l’énorme coût sanitaire de beaucoup d’emplois prétendument «verts». Qui plus est, les risques et l’exploitation associés à ces métiers sont d’une toute autre ampleur dans les pays du Sud. Au Bangladesh, on s’attend à une vague de problèmes sanitaires dus à l’exposition à l’amiante dans la démolition navale (Muralidhar, Ahasan et Khan, 2017), activité de plus en plus souvent intégrée au domaine du «recyclage». Les travailleurs employés sur ces chantiers sont aussi au contact de polluants organiques persistants et de métaux lourds (Ruhan Rabbi et Rahman, 2017). À Accra (Ghana) et Lagos (Nigéria), qui sont des centres névralgiques du recyclage de déchets électroniques, cette activité repose sur l’économie informelle et est accomplie par des enfants et des travailleurs pauvres qui sont ainsi exposés pendant de longues périodes à des métaux lourds et autres produits toxiques extrêmement dangereux. De même, la Chine occupe désormais une place importante dans le recyclage de déchets électriques, qui relève aussi de l’économie informelle (Chi et al., 2011). Ces secteurs économiques font appel à une main-d’œuvre bon marché, reproduisant les anciennes inégalités coloniales et déplaçant les activités toxiques des pays du Nord vers les pays du Sud (voir également Zbyszewska et Maximo, 2025, présent numéro), tout en permettant que les richesses continuent d’être transférées du Sud vers le Nord (Fevrier, 2022). On pourrait également mentionner les conditions de travail terrifiantes des mineurs qui extraient les métaux entrant dans la fabrication des batteries (Arvidsson, Chordia et Nordelöf, 2022). Étant donné l’intensification de l’économie politique de la vitesse et l’extrême précarité qui est la marque de fabrique de ces activités, la transition «juste» va inévitablement entraîner une hausse encore plus grande des taux de décès, d’accidents et de maladies dans les secteurs concernés (McKie, 2021).
Le mouvement syndical a mis du temps à comprendre que la précarité et le travail atypique créent des situations qui empêchent l’apparition d’emplois non polluants et de manières de travailler plus respectueuses de l’environnement. Il existe une relation congénitale entre la précarité des emplois – absence de soutenabilité sociale – et les pratiques non soutenables du point de vue de l’environnement qui sont au fondement de notre économie. C’est pourquoi il n’est pas possible de séparer les campagnes que les travailleurs et les syndicats mènent contre la précarité de leurs actions pour le climat. Ces actions de mobilisation doivent tenir compte des ressorts par lesquels la précarité présente à tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement contribue à exporter les dangers vers les travailleurs et populations des pays du Sud.
L’idée que la transition juste doit reposer sur des emplois sûrs est trop souvent présentée comme quelque chose de «souhaitable» pour les travailleurs ou comme une exigence morale. Nous ne nous contentons pas d’affirmer que les syndicats devraient porter cette revendication. Comme indiqué plus haut, le lien entre le travail et le reste de la nature, indispensable à la production, a une autre dimension, absolument capitale. Nous affirmons donc qu’il ne peut y avoir d’économies soutenables du point de vue de l’environnement que si les organisations de défense des travailleurs luttent contre la précarité. Ce lien entre précarité, intensité du travail et soutenabilité doit aussi être mis en rapport avec la question plus large du temps de travail et du travail socialement reproductif, en particulier dans le cadre des efforts déployés pour parvenir à des modes de travail qui permettent de vivre de manière soutenable (Barca, 2020).
Cet argument nous ramène directement à la question des «intérêts communs» soulevée dans la partie précédente. La baisse des cadences de production et la lutte contre la précarité sont des démarches par définition conflictuelles. Elles exigent un pouvoir collectif, qui s’exprime sous la forme d’une action revendicative. Le ralentissement des cadences résulte rarement d’un accord entre employeurs et salariés. Il est en général acquis à l’issue d’une grève ou autre type de mobilisation des travailleurs. De surcroît, les entreprises, en particulier celles qui poursuivent un but lucratif, fonctionnent dans un environnement concurrentiel et ne peuvent en général pas se permettre de perdre la maîtrise du rythme de travail. Le ralentissement des cadences par le personnel d’une entreprise permet à ses rivales de renforcer leur position sur le marché, ce qui signifie souvent qu’elles sont en mesure d’accroître la productivité, d’obtenir une part plus grande des profits et d’exercer un contrôle sur un plus grand nombre de travailleurs et de chaînes d’approvisionnement. Dans les économies capitalistes, que les emplois soient sûrs ou non, la sécurité de l’emploi dépend des décisions prises par les employeurs et les pouvoirs publics pour protéger certains postes ou subventionner des secteurs particuliers. In fine, la viabilité des emplois dépend de celle des entreprises.
Les paragraphes qui précèdent décrivent les limites de la négociation climatique dans l’absolu. Les travailleurs en quête d’un emploi plus soutenable risquent finalement de se retrouver au chômage, raison pour laquelle eux-mêmes et les organisations qui les représentent doivent agir le plus collectivement possible au sein de leur secteur et au-delà. Autrement dit, il faut réfléchir à mobiliser les travailleurs autour des enjeux climatiques au niveau du lieu de travail, des chaînes d’approvisionnement et du secteur d’activité, parce que le pouvoir des employeurs d’exploiter simultanément la force de travail et la nature s’exerce au même moment dans tous ces sites. Dans la partie suivante, nous montrons, au moyen de quelques exemples d’actions des travailleurs contre le changement climatique, qu’il est possible de remettre en cause ces dynamiques.
5. Action revendicative à visée transformative
En septembre 2019, les employés d’Amazon aux États-Unis se sont mis en grève à midi pour protester contre l’inaction de l’entreprise face à son empreinte environnementale, contre les dons qu’elle versait à des climatosceptiques et contre ses liens avec le secteur des énergies fossiles (Ghaffary, 2019). Ce mouvement de protestation a été suivi d’autres grèves, lancées en mai 2023 à l’initiative de travailleurs organisés par le collectif Amazon Employees for Climate Justice (AECJ). Cette fois, la mobilisation ne visait pas seulement à dénoncer l’inaction climatique d’Amazon, elle avait aussi un lien avec les conséquences de cette inertie sur les modèles d’emploi, plus précisément les suppressions de postes et une réduction de la liberté des salariés en matière de télétravail. Les employés faisaient valoir que l’approche autoritaire d’Amazon vis-à-vis du télétravail était en contradiction avec ses positions sur la diversité et l’inclusion, le logement abordable et la soutenabilité (Palmer, 2023). Un mois plus tard, un collectif formé de plus de 60 chauffeurs sous-traitants d’Amazon ont organisé un piquet de grève devant l’entrepôt du groupe à San Bernardino, empêchant les camions d’y pénétrer ou d’en ressortir (Duran, 2023). En 2022, ils avaient signé le tout premier accord syndical jamais conclu entre un syndicat et un prestataire de services de livraison travaillant pour Amazon (Asher-Schapiro, 2023). Les chauffeurs protestaient alors contre les risques qu’ils couraient en raison de l’intensification des canicules due au réchauffement climatique, citant des exemples de chauffeurs qui avaient perdu connaissance pendant la canicule de 2022, tellement intense que l’état d’urgence avait été décrété. Cet épisode de fortes chaleurs a également été à l’origine de grèves parmi le personnel des entrepôts d’Amazon, qui dénonçait les températures extrêmes sous lesquelles il devait travailler, et parmi les chauffeurs d’UPS, qui exigeaient que des pauses permettant de se rafraîchir et la climatisation des véhicules soient prévues dans le contrat (ibid.). Malgré la signature de l’accord collectif, le dirigeant de l’entreprise prestataire de services de livraison a souligné qu’il n’avait pas la main sur les questions de sécurité et de santé, parce que le temps et les horaires de travail étaient décidés par l’algorithme d’Amazon, et que le remplacement et la réparation des véhicules et des systèmes de climatisation insuffisants ou en panne relevaient aussi d’Amazon (ibid.). Les syndicalistes de la section Amazon du syndicat International Brotherhood of Teamsters et des employés d’autres prestataires de services de livraison ont fait part d’énormes obstacles à surmonter pour étendre le mouvement de syndicalisation aux 2 500 prestataires travaillant pour le groupe aux États-Unis, soulignant le caractère «restrictif» de la relation entre Amazon et ses sous-traitants, exposés à un risque de résiliation de leur contrat (Duran, 2023; Asher-Schapiro, 2023).
Tous ces exemples montrent qu’assurer la soutenabilité du travail et de la production est un défi qui comporte de nombreuses dimensions liées les unes aux autres – précarité de l’emploi, intensification du travail, autonomie des travailleurs, sécurité et santé, émissions de carbone et adaptation au changement climatique. Ils mettent en lumière une fragmentation des collectifs de travailleurs, elle-même révélatrice de l’obstacle que constitue la précarité de l’emploi lorsqu’il s’agit de faire valoir des revendications liées au climat. Ils mettent également au jour les liens latents existant entre les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, ce qui laisse penser que des stratégies plus intégrées de mobilisation politique, ou de mobilisation des travailleurs, seraient envisageables.
Dans les situations décrites plus haut, l’action syndicale en lien avec le changement climatique n’a été menée qu’à l’échelle du lieu de travail. Toutefois, d’autres stratégies déployées témoignent d’une tentative de tirer parti des liens intersectoriels existant au sein des chaînes d’approvisionnement afin d’agir de façon coordonnée contre le dérèglement du climat. Ce type de stratégie a été formulée par l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) dans un récent rapport de recherche sur l’action climatique dans le secteur de l’élevage intensif (UITA, 2022). Le document souligne qu’il est indispensable de construire un pouvoir syndical dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de la production animale pour transformer le système alimentaire mondial et propose une marche à suivre pour y parvenir. La méthode décrite lie les revendications fondamentales des travailleurs du système alimentaire – pour un salaire décent, un emploi stable et un environnement de travail sûr – et les modèles de production agricole qui ont un impact colossal sur l’environnement. Le rapport présente d’autres modèles de production – par exemple l’agroécologie – et des solutions qui soumettent la production à un meilleur contrôle démocratique local et analyse leur capacité à permettre aux travailleurs d’exercer plus efficacement leurs droits.
Par ailleurs, dans un récent rapport, qui est à la fois un rapport de recherche et un document d’orientation, la division de la recherche du syndicat Unite the Union (ou Unite), au Royaume-Uni, plaide pour une nouvelle approche de la négociation collective. Elle préconise une coordination intersectorielle ou interbranche des délégués du personnel, étant donné que «les activités sont désormais organisées de telle manière que tous les lieux de travail sont intégrés à des chaînes d’approvisionnement» (Unite Research Department, 2021). Par cette proposition, Unite cherchait à contrer les mesures prises par le patronat face aux conséquences du Brexit et de la pandémie sur le modèle fondé sur la mondialisation de la production et du commerce. Même si le rapport ne porte pas spécifiquement sur le changement climatique, les perturbations croissantes provoquées par les événements météorologiques extrêmes causés par le réchauffement de la planète conduisent déjà le patronat et les pouvoirs publics à commencer de réévaluer les risques au sein des chaînes d’approvisionnement (Woetzel et al., 2020). Comme les employeurs cherchent à diminuer les coûts et à renforcer la «flexibilité» de l’approvisionnement, ce sont surtout les salariés qui paient le prix de ces réorientations. Dans ce contexte, Unite entend transformer les raisons pour lesquelles les chaînes d’approvisionnement fragmentées portent préjudice aux travailleurs en une force et veut à cette fin décrypter le fonctionnement de l’ensemble de la chaîne de production et organiser les travailleurs. Les délégués syndicaux sont encouragés à mieux comprendre les vulnérabilités face aux effets des échanges commerciaux et aux stratégies des entreprises (relocalisation ou mise en sommeil de sites de production par exemple), puis à visualiser la position que leur employeur direct occupe dans la chaîne d’approvisionnement ou la structure d’un groupe (par exemple en repérant les dix principaux fournisseurs et les dix principaux clients). Le repérage, à chaque niveau de la chaîne d’approvisionnement, des maillons stratégiques, qu’ils représentent une faiblesse ou une force structurelle pour l’organisation collective des travailleurs, peut ensuite être utilisé comme guide pour renforcer le pouvoir syndical dans la chaîne en établissant des relations avec les délégués syndicaux et en soutenant les efforts déployés pour organiser les travailleurs. Cette méthode de cartographie de la chaîne d’approvisionnement fait désormais partie du contenu des programmes de sensibilisation et de formation à la recherche mis en place dans le secteur de l’alimentation, des boissons et de l’agriculture (Unite the Union, 2022).
Dans le cas des enjeux climatiques, cette méthode peut également être utilisée pour repérer les effets du modèle de production sur l’environnement dans les parties amont et aval de la chaîne, ainsi que l’exposition des travailleurs à l’impact du changement climatique au sein de la chaîne. Elle peut aussi aider à évaluer s’il est possible de renforcer le pouvoir dont disposent les travailleurs pour lutter contre ces conséquences négatives en faisant évoluer simultanément le modèle d’emploi et le modèle de production. Au contraire de l’approche caractéristique du «syndicalisme d’entreprise» présentée plus haut, cette stratégie part du principe qu’il faut commencer par renforcer le pouvoir structurel et le pouvoir syndical des travailleurs pour remédier aux dommages sociaux et environnementaux imputables aux systèmes de production contemporains.
6. Conclusions
La littérature écosocialiste a le mérite de démontrer avec constance que, dans le capitalisme, l’exploitation de la force du travail et celle de la nature sont indissociables: l’une et l’autre constituent les deux faces d’un même processus. Dès lors, pour définir le «travail soutenable», il faut commencer par décrire en quoi les travailleurs ont concrètement intérêt à résister aux dynamiques à l’œuvre dans le processus de travail. Le refus de l’économie politique de la vitesse et de la précarité endémique devient alors une forme importante d’action climatique. Dans cet article, nous soutenons que c’est précisément parce qu’il existe une solidarité profonde entre les travailleurs et le reste de la nature qu’il est dans l’intérêt de l’humanité et de la nature de ralentir les cadences de production. Parallèlement, il n’est pas possible d’envisager des modèles économiques soutenables sans lutter d’abord contre la précarité de la main-d’œuvre.
Il ne faut évidemment pas en déduire que toute mobilisation des travailleurs sert nécessairement l’écologie. Nous avons cependant montré qu’il existait une compatibilité latente que les syndicats pourraient utiliser pour élaborer des stratégies de négociation s’apparentant de fait à des stratégies de négociation climatique. Il leur faut trouver un moyen de réagir à la transition tout en développant des revendications transsectorielles pour l’élimination du travail précaire et atypique et en les transformant en revendications climatiques.
La coordination ne permet certes pas toujours de gagner la bataille dans l’entreprise mais, la classe politique traditionnelle n’ayant pas formulé la moindre proposition sérieuse pour impulser une stratégie réellement porteuse de transformation, le mouvement syndical doit envisager la manière d’utiliser cet espace politique. Comment les organisations de défense des travailleurs peuvent-elles définir une nouvelle stratégie? Le mouvement syndical est-il capable de définir sa propre stratégie en amenant les secteurs et les différents syndicats à travailler ensemble pour impulser le changement nécessaire?
Le temps étant compté, nous ne pouvons pas nous en remettre au volontarisme ni à un vague espoir que les employeurs finiront par comprendre qu’ils partagent effectivement un «intérêt commun» avec leurs employés à cet égard. La lutte des classes dans l’entreprise est non pas stoppée, mais intensifiée par le changement climatique. Une coopération stratégique peut certes être nécessaire dans le cadre des initiatives en faveur de la transition, mais les approches partenariales et le syndicalisme d’entreprise ne suffiront pas à engendrer un système économique soutenable. Dans cet article, nous avons décrit des formes de résistance et d’action qui sont rarement qualifiées d’actions pour le climat, mais qui constituent le quotidien des luttes syndicales. C’est de ce type de luttes que nous avons besoin pour construire et pérenniser les fondation d’un monde soutenable.
Notes
- ONU, Accord de Paris sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adopté le 12 décembre 2015. ⮭
- Note envoyée par le TUC au National Economic Development Council en 1991, citée par Hampton (2015). ⮭
- La Hazards Campaign est un réseau de syndicalistes et de responsables de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail qui a été créé à la suite du mouvement pour l’interdiction de l’amiante dans les années 1970. ⮭
Remerciements
Nous remercions Hilary Wainwright pour ses commentaires sur une précédente version de cet article. Cet article repose en partie sur des travaux de recherche conduits dans le cadre d’un projet plus vaste mis en œuvre en collaboration avec l’Institute of Employment Rights, le syndicat des travailleurs de la boulangerie, de l’alimentation et des secteurs connexes (Bakers, Food and Allied Workers Union), le syndicat des services publics et commerciaux (Public and Commercial Services Union) et le syndicat des personnels de l’enseignement supérieur (University and College Union). Il s’appuie aussi sur la publication Working for Climate Justice: Trade Unions on the Front Line of Climate Change (Crawford et Whyte, 2023).
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