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Agir sur la qualité du travail pour développer sa soutenabilité – Une approche en psychologie du travail

Auteur: Antoine BONNEMAIN orcid logo (Université Clermont Auvergne)

  • Agir sur la qualité du travail pour développer sa soutenabilité – Une approche en psychologie du travail

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    Agir sur la qualité du travail pour développer sa soutenabilité – Une approche en psychologie du travail

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Résumé

L’article aborde le travail soutenable sous l’angle de la qualité du travail et de son impact sur la santé des travailleurs et la santé publique, à partir d’une expérimentation sociale réalisée en psychologie du travail. L’auteur s’appuie sur une recherche en entreprise pour montrer comment la possibilité donnée aux travailleurs d’agir sur leur travail et les conditions de sa réalisation peut avoir des effets importants sur la santé publique et sur la protection de la nature. Pour cela, de nouvelles méthodes de délibération, associées à une évolution des dispositions légales en matière de droit du travail, s’avèrent indispensables.

Mots clés: soutenabilité écologique, qualité du travail, santé au travail, délibération, participation des travailleurs, travail durable, santé publique, soutenabilité sociale

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Publié le
2025-04-01

Examen par les pairs

Les articles paraissant dans la Revue internationale du Travail n’engagent que leurs auteurs, de même que les désignations territoriales qui y sont utilisées, et leur publication ne signifie pas que l’OIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Cet article est également disponible en anglais (International Labour Review, vol. 164, no 1) et en espagnol (Revista Internacional del Trabajo, vol. 144, no 1).

1. Introduction

Le problème des rapports entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique du travail est de plus en plus documenté dans la littérature scientifique (Duarte Duarte et al., 2015; Haslam et Waterson, 2013; Gaudart et Volkoff, 2022; Cukier, Gaborieau et Gay, 2023). Le lien entre les organisations productives contemporaines et les atteintes à l’environnement ou à la santé humaine est démontré (Clot et al., 2021; Ferreras, Battilana et Méda, 2020). Plusieurs catastrophes industrielles récentes l’attestent: les dérèglements de la qualité du travail à l’intérieur des entreprises peuvent avoir des effets avérés à l’extérieur – au-delà des atteintes à la santé des travailleurs concernés –, sur la santé publique et sur la nature (de Terssac et Mignard, 2011; Lascoumes, 2018; Aggeri et Saussois, 2017; Clot et al., 2021).

Dans cet article, nous aborderons cette question – à partir d’une expérimentation sociale réalisée à l’aide des méthodes de l’approche «clinique de l’activité»1 en psychologie du travail – sous l’angle des effets de la qualité du travail sur la santé publique et de la possibilité donnée aux salariés d’agir sur leur travail et son organisation. Le concept de travail soutenable envisage encore trop souvent de manière séparée les dimensions sociale et écologique de la soutenabilité (Herzog et Zimmermann, 2025). Le cadre théorique permettant de mieux comprendre les rapports entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique dans le travail mérite donc d’être renforcé (Boudra, 2016, pp. 237-238; Goutille, Théry et Gaudin, 2023). Nous souhaitons que cet article puisse contribuer à préciser ces rapports, en rapprochant la soutenabilité sociale des mécanismes sociaux de délibération sur le travail dans l’organisation et de leur efficacité. Selon nous en effet, c’est le renforcement du pouvoir d’agir des travailleurs de première ligne sur leur travail et dans l’organisation – c’est-à-dire la soutenabilité sociale du travail – qui est susceptible de développer en retour l’action sur les externalités du travail, autrement dit sa soutenabilité écologique. L’activité de travail, délibérée à tous les niveaux de l’entreprise, constitue alors un trait d’union indispensable entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique du travail: retoucher le fonctionnement des institutions et des mécanismes de délibération sur le travail dans l’organisation permettrait que les travailleurs contribuent davantage à agir sur les effets néfastes d’une qualité du travail dégradée au-delà des murs de l’entreprise.

De nombreux exemples – comme l’affaire du lait contaminé chez Lactalis en 2017 en France ou celle du «Dieselgate» en 2015 – montrent en effet que l’impossibilité pour les travailleurs de soigner la qualité de leur travail, en coopération avec toutes les parties prenantes du «dialogue social» à l’intérieur de l’entreprise, constitue un risque potentiel pour la santé publique (Clot, 2016). Les salariés, pourtant préoccupés par la qualité de leur travail, sont régulièrement exposés – dans les cadres légaux actuels – au risque d’être «réduits au silence» (Herzog, 2020). Dans les deux exemples mentionnés, les travailleurs connaissaient l’état de dégradation de la qualité de leur travail mais, faute d’institution dédiée, faute de pouvoir faire valoir leur point de vue, leur voix est restée inaudible. Leur expertise – sollicitée au bon moment et au bon endroit – aurait pu permettre de prévenir des conséquences néfastes pour leur propre santé, pour la santé publique ou pour l’environnement au-delà des murs de l’entreprise (Clot et al., 2021). Il y a ainsi un lien fort entre la santé au travail, la santé publique et une soutenabilité socio-écologique du travail qui ne dissocie pas les dimensions sociale et écologique de la soutenabilité. Dans ce contexte, on y reviendra, «ce serait […] une avancée importante de reconnaître légalement le droit [des travailleuses et des travailleurs] à s’exprimer collectivement et individuellement à propos des enjeux liés au travail et à son organisation» (Herzog, 2020, pp. 79-80), surtout lorsque cette dernière se fait oublieuse de la qualité du travail. Cet article présentera donc une voie méthodologique à suivre pour le développement de la soutenabilité socio-écologique du travail, associée à une évolution nécessaire du droit du travail existant: à partir de l’exemple exposé, nous proposons une méthode concrète de délibération autour de la qualité du travail dans l’organisation, pour structurer concrètement le développement de la soutenabilité sociale du travail. Cette méthode doit s’associer à une évolution nécessaire du droit du travail, pour donner aux travailleurs le droit d’intervenir individuellement et collectivement sur la qualité de leur travail dans les organisations. Ces deux perspectives associées nous permettront alors d’envisager comment la délibération centrée sur la qualité du travail à l’intérieur des organisations peut constituer un moyen pour le développement d’une «écologie du travail» soutenable (Clot et al., 2021).

La suite de l’article se divise en quatre parties suivies d’une conclusion. La deuxième partie revient sur le cadre théorique et méthodologique de la recherche présentée en psychologie du travail. La troisième expose plus en détail cette recherche, réalisée auprès des éboueurs et de leur hiérarchie au sein d’une grande collectivité française. Dans la quatrième partie nous formalisons, à partir de ce cas, la méthode d’organisation mise en œuvre pour développer la soutenabilité sociale autour de la qualité du travail afin de renforcer la soutenabilité écologique du travail. Enfin, dans la cinquième partie, nous montrons que le développement de la soutenabilité socio-écologique du travail suppose, au-delà du cas présenté, un renforcement des droits des travailleurs pour qu’ils puissent intervenir sur la qualité de leur travail avec leur encadrement. Un retour sur les lois Auroux de 1982 en France nous permettra de mettre en évidence les conditions d’efficacité de ce cadre légal, pour faire de la soutenabilité sociale un moyen de développer la soutenabilité écologique du travail humain. Nous concluons dans la sixième partie.

La proposition méthodologique dont cet article rend compte a donné des résultats similaires dans d’autres contextes (Bonnefond, 2019; Musseau, Zittoun et Clot, 2022; Cromer, Bonnemain et Folcher, 2022; Cromer, Bonnemain et Coutarel, 2023). Même si elle reste à évaluer à plus large échelle, elle mérite qu’on s’y arrête pour lever un déni qui risque de coûter cher en termes de soutenabilité du travail, à la fois sur le plan social et sur le plan écologique. L’article pose ainsi la question de la place que l’on peut accorder à la délibération sociale des collectifs de première ligne dans les organisations pour développer la soutenabilité sociale du travail afin de se prémunir contre les risques écologiques que le travail fait maintenant peser quotidiennement sur la nature et sur la société. Dans cette perspective, la soutenabilité sociale du travail, indispensable au développement de sa soutenabilité écologique, pose à la fois un problème de méthode et un problème de droit.

2. Cadre théorique et méthodologique

L’importance pour la santé des travailleurs de pouvoir faire un travail de qualité (Lhuilier, 2014) constitue un résultat maintenant bien documenté des recherches réalisées dans le champ francophone de l’analyse du travail (Clot, 2010a; Coutarel, 2022). L’impossibilité chronique d’agir sur son travail avec les autres pour le transformer est l’une des sources majeures de psychopathologie du travail (Clot, 2008). L’engagement de ceux qui travaillent peut se trouver diminué par une organisation du travail contrariant leur pouvoir d’agir (Clot et Bonnefond, 2018).

Cette impossibilité, répétée, peut affecter durablement la santé, comme en attestent, par exemple, les récents travaux réalisés par la DARES2 pour la France (Coutrot et Davie, 2014; Bèque, 2021). Les résultats indiquent qu’en 2014 35 pour cent des salariés de l’industrie française et 35 pour cent des salariés de la fonction publique déclaraient ne pas «ressentir la fierté du travail bien fait (toujours ou souvent)» (Coutrot et Davie, 2014). En 2021, 54 pour cent des actifs occupés estimaient «ne pas pouvoir faire du bon travail» et «devoir sacrifier la qualité» (Bèque, 2021). Une autre étude réalisée en 2017 par la même institution montre qu’il vaut mieux se borner à informer les salariés des changements plutôt que de les consulter sans donner de suite à leurs propositions, sous peine de voir augmenter les risques de dépression (Coutrot, 2017). L’impossibilité d’être entendu alors qu’on donne pourtant son avis – phénomène qui a été désigné dans la littérature comme une forme de «parole inutile» (Bonnefond, 2019) – entame, à terme, la santé de ceux qui travaillent. Et la dernière enquête européenne sur les conditions de travail montre que les travailleurs français sont particulièrement mal lotis: ils sont «très peu consultés […] et ne peuvent que rarement influencer les décisions qui sont importantes pour leur travail» (Méda, Bigi et Parent-Thirion, 2023). En réalité, c’est la possibilité pour les travailleurs de délocaliser la discussion au-delà du collectif de travail et d’agir aussi sur la définition des tâches avec leur hiérarchie pour surmonter les épreuves du travail quotidien qui est décisive pour rendre le travail socialement soutenable. C’est ce qui donne son utilité à la parole, qui reste «vide» si elle ne fait pas bifurquer un tant soit peu les décisions orientant le travail et son organisation (Detchessahar, 2019a). Pouvoir délibérer durablement avec les autres pour agir sur la qualité de son propre travail est essentiel pour la santé (Bonnefond et Clot, 2018).

C’est pour cette raison que les travaux autour de l’expérimentation de la délibération et de sa conduite concrète se multiplient à la fois en psychologie du travail (Bonnefond, 2017 et 2019; Bonnemain, 2019, 2020; Bonnemain et Tomás, 2022; Bonnemain et al., 2019; Massot et Simonet, 2017; Miossec et Simonet, 2019; Kaltchéva et Kostulski, 2020; Musseau, Zittoun et Clot, 2022) et en ergonomie (Arnoud, 2023; Arnoud et Falzon, 2013; Casse et Caroly, 2017; Domette, 2019; Falzon et al., 2012; Petit, 2020; Rocha, Mollo et Daniellou, 2015; Cromer, Bonnemain et Coutarel, 2023), mais aussi en sciences de gestion (Detchessahar et Journé, 2018; Detchessahar, 2019a et 2019b). Chacun de ces travaux valide à sa manière la fonction de la délibération et du «dialogue professionnel» (Sailly et al., 2022) pour le développement de la santé et de l’efficacité (Guérin et Ruffier, 2016), dans la perspective d’une plus grande soutenabilité sociale du travail humain, et ce à partir non pas d’une conception du dialogue noyée dans une morale de la communication, mais d’une conception qui en fait l’instrument d’une repolitisation et d’une transformation réelle du travail (Kloetzer et Seppänen, 2014).

Pourtant, tous ces travaux montrent aussi que la possibilité de faire de la délibération sur la qualité du travail l’objet d’une coopération renouvelée entre directions, collectifs professionnels et syndicats est d’abord un problème avant d’être une solution (Quillerou-Grivot et Clot, 2014). Les critères qui définissent le travail bien fait sont par nature hétérogènes dans toute organisation. De haut en bas et au sein de chaque niveau, l’organisation est traversée par la conflictualité entre des critères différents, parfois divergents voire contradictoires (Clot, 2010a; Bonnemain, 2021). En pratique, ces conflits peuvent se retourner contre l’efficacité du travail et contre la santé, si aucune instance dédiée ne permet de délibérer collectivement de nouveaux arbitrages à expérimenter dans les situations de travail quotidiennes.

La recherche que nous présentons dans cet article a été réalisée entre 2016 et 2023 dans l’optique d’expérimenter ces instances de dialogue sur la qualité du travail au sein d’un service de propreté municipal chargé de la collecte des déchets. Ce service constitue le «terrain» d’expérimentation d’un «dialogue professionnel sur la qualité du travail visant la réorganisation du service»3. Le dialogue sur la qualité du travail a ainsi pu être testé à grande échelle dans cette organisation, pour faire suite à la demande de la directrice des ressources humaines de la collectivité locale, en impliquant toutes les parties prenantes (Bonnemain, 2019 et 2022; Prot, Bonnefond et Clot, 2021). C’est sur cette base qu’un dispositif méthodologique d’action clinique à visée de recherche a été constitué selon trois niveaux:

  • un comité de pilotage réunissant la direction du service, les chercheurs et les collectifs concernés;

  • un comité de suivi, réunissant les mêmes acteurs avec les organisations syndicales;

  • un collectif d’éboueurs4, volontaire pour réaliser l’analyse de son travail avec les chercheurs dans le but de dialoguer ensuite avec la hiérarchie pour définir les actions de transformation nécessaires.

Ce cas entremêle trois phases méthodologiques5 (Bonnemain, 2020) qui visent à installer durablement des pratiques de dialogue centrées sur les critères en conflit qui définissent le travail «bien fait» (Kloetzer, Clot et Quillerou-Grivot, 2015). La méthode consiste à faire émerger plusieurs espaces de délibération reliés entre eux: au sein du collectif de travail, entre travailleurs et hiérarchies et, enfin, avec l’ensemble de ces acteurs et la contribution des organisations syndicales. Chacun de ces espaces est spécialement conçu pour expérimenter une nouvelle «performance dialogique6» (Bonnefond, 2019, p. 71) afin d’agir sur la qualité du travail (Bonnefond, 2017; Kloetzer et Seppänen, 2014). Dans ce genre d’action, les transformations pratiques utiles à l’action collective ou le savoir scientifique résultant de l’analyse de ces transformations sont produits en provoquant la multiplication des points de vue sur le même objet à transformer, afin de déterminer des solutions nouvelles. La conflictualité recentrée autour des différents critères de qualité du travail devient ainsi une méthode de coopération, entre les niveaux et au sein de chaque niveau dans l’organisation, pour développer la qualité du travail. Ce processus de coopération dialogique au long cours fait des différentes conceptions en conflit de la qualité du travail le moyen privilégié pour mieux définir collectivement les problèmes et leurs solutions. Ce processus peut être désigné comme une «coopération conflictuelle» (Clot et al., 2021; Benchekroun, 2017; Trentin, 2012).

Comme on le verra dans le cas présenté, c’est dans l’exercice répété de cette coopération autour du travail concret qu’une autre expérience peut être faite entre les collectifs et leur hiérarchie: un lien social plus vivant peut résulter des désaccords assumés autour du travail de qualité. Une autre voie devient alors imaginable pour le développement de la soutenabilité du travail: celle qui envisage l’exercice collectif du dialogue sur la qualité du travail à l’intérieur de l’entreprise – la soutenabilité sociale – comme un moyen de renforcer l’action collective sur les externalités du travail vers une soutenabilité socio-écologique du travail humain.

3. Le cas du service de propreté d’une grande collectivité: de la santé au travail à la santé publique

Le cas rapporté ici est significatif de l’action qui a été conduite depuis 2016 dans cette grande collectivité pour développer la soutenabilité sociale du travail en agissant sur sa qualité, à partir de l’expérimentation du dialogue entre toutes les parties prenantes. Ce développement provoquera des effets mesurés mais réels sur la soutenabilité écologique du travail des éboueurs de la collectivité.

Nous présentons ce cas en trois sous-parties qui retracent la mise en place d’une organisation du dialogue plus durable entre les éboueurs et leur hiérarchie pour améliorer la qualité du travail. Nous montrerons d’abord comment ce dialogue s’est progressivement organisé, en partant pour cela des premières délibérations réalisées entre trois éboueurs volontaires, autour de l’une des situations de travail filmée par le chercheur à la demande du collectif: la collecte des conteneurs à déchets sur les camps de Roms. Au cours de cette collecte, la prolifération des rats devient un problème de plus en plus gênant pour les éboueurs. Elle ne constitue pas seulement un problème pour la qualité de leur travail, elle représente également un risque pour la santé et l’hygiène publique, car les rats peuvent véhiculer de nombreuses maladies transmissibles à l’homme, qu’on appelle des zoonoses (Himsworth et al., 2013). Nous rendons compte du processus d’analyse et de traitement de ce problème, situé à la frontière entre santé au travail et santé publique. Ce processus nous permettra d’instruire – dans les parties suivantes – les liens possibles entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique du travail.

3.1. Instruire et analyser la qualité du travail entre collègues: «il faudrait mettre des bons conteneurs en fait»

La première étape méthodologique a duré trois mois. Elle a permis de collecter de nombreux films de situations quotidiennes de travail à analyser collectivement grâce à des méthodes dialogiques dédiées7. Après avoir filmé la situation mentionnée, nous avons donc réuni les trois éboueurs concernés pour en faire l’analyse. Nous allons rendre compte de cette analyse collective, qui prend la forme d’une délibération, elle-même filmée. Elle sera projetée plus tard à l’ensemble de la ligne hiérarchique, avec d’autres extraits choisis, au cours des premières réunions du comité de pilotage.

Le dialogue entre les trois éboueurs autour de cette question est inhabituel pour eux. La méthode les contraint, en quelque sorte, à pousser l’analyse de cette situation, parfois jusqu’au désaccord, pour mieux comprendre le problème et ce qui pourrait, selon eux, être fait pour améliorer la qualité du travail sur ces points de collecte.

Au cours du visionnage, la délibération les amène progressivement à questionner les risques qu’ils encourent, et notamment la possibilité de se faire mordre par un rat. Pour s’en prémunir, certains d’entre eux tapent avec le pied sur les conteneurs afin de déloger les rats qui pourraient s’y trouver. Cette solution est débattue et, même si elle semble utile, son efficacité reste limitée. Finalement, l’échange entre les trois éboueurs débouchera sur un diagnostic plus précis: pour agir sur les points de collecte concernés, il faudrait, selon eux, mieux entretenir les conteneurs abîmés qui répandent les déchets sur le sol et qui attirent les rats. Il faudrait également pouvoir remettre les bouchons au-dessous de chaque conteneur, alors qu’ils avaient été retirés pour permettre l’évacuation de l’eau. Depuis, c’est par cet espace que les rats accèdent à l’intérieur des conteneurs.

Dans ce genre de dialogue méthodiquement provoqué, la délibération pousse chaque éboueur à redécouvrir sa propre activité pour la modifier si nécessaire. C’est le but des méthodes cliniques mobilisées ici: en regardant l’activité réelle et ses obstacles sous des angles différents ou parfois opposés, la compréhension du problème se précise et de nouvelles manières d’envisager la situation peuvent se construire. Néanmoins, beaucoup de questions restent en suspens à l’issue de cette analyse entre éboueurs. C’est pourquoi, la poursuite de l’instruction dialogique de ce problème spécifique relié à la qualité du travail est essentielle à d’autres niveaux de l’entreprise. C’est le but de la deuxième étape méthodologique.

3.2. Confronter le résultat de l’analyse avec la hiérarchie: «il aurait fallu faire des petits trous au-dessous des conteneurs»

Durant cette deuxième étape, qui a duré sept mois, la hiérarchie prend régulièrement connaissance des analyses réalisées dans le dialogue entre éboueurs. L’analyse s’étend alors dans l’organisation tout entière. Pour conduire ce dialogue au quotidien, deux éboueurs «référents-métiers» sont élus par leurs collègues. Ils ont pour fonction de formaliser les analyses réalisées par le collectif, les solutions envisagées et de rendre compte ensuite de ce travail à l’encadrement aux différents niveaux.

La délibération suivante est issue de la première réunion entre les deux éboueurs référents-métiers et leur hiérarchie. Ils ont distribué une liste qui formalise les problèmes à résoudre liés à la qualité du travail et ont présenté le processus d’instruction et de discussion entre éboueurs à l’aide d’un film réalisé par le chercheur. La discussion s’engage autour du problème des conteneurs à déchets et de la prolifération des rats, jugé comme une priorité par le collectif.

Après le visionnage, le directeur du service commence par donner son avis. Pour lui, l’analyse organisée préalablement entre éboueurs est «incontournable» pour trouver ensuite des solutions pertinentes dans la coopération avec la ligne hiérarchique. Il est «très fier» de constater – non sans étonnement – la capacité des éboueurs référents-métiers à conduire le dialogue efficacement avec leurs collègues de travail. Cette efficacité, rendue visible grâce au film, leur permet de faire davantage autorité auprès de leur hiérarchie.

C’est dans cette configuration favorable que l’instruction du problème se poursuit. Cependant, alors que la solution imaginée au départ entre les éboueurs consistait à remettre les bouchons sous les conteneurs pour empêcher les rats de rentrer, la «coopération conflictuelle» (Trentin, 2012) réalisée ici infléchira cet horizon de transformation. Selon la responsable administrative du service, cette solution pose problème, car le retrait des bouchons avait été demandé initialement par les éboueurs eux-mêmes pour éviter l’accumulation de l’eau et les éclaboussures éventuelles. L’objection est légitime. Elle force chacun à rechercher d’autres possibilités. Finalement, une nouvelle solution se dessine en cours d’échange: pour éviter que l’eau ne s’accumule tout en empêchant les rats de rentrer, l’un des éboueurs référent-métier propose que des «petits trous» soient percés sous le conteneur pour permettre à l’eau de s’écouler tout en repositionnant le bouchon pour empêcher les rats d’y entrer. Il cherche ainsi à tenir compte de la remarque formulée par la responsable administrative, qui validera finalement cette possibilité que personne n’avait encore envisagée. Ici, la solution nouvelle est le produit d’une coopération qui assume la divergence des points de vue sur la qualité du travail.

À l’issue de cette réunion, un mode opératoire sera décidé pour la mise en œuvre de la solution: les deux éboueurs référents seront chargés de coordonner l’action en demandant à leurs collègues d’identifier les conteneurs défectueux à changer. Ils devront ensuite collecter ces conteneurs avec leur agent de maîtrise, puis aller chercher de nouveaux conteneurs à l’atelier technique – en vérifiant la bonne réalisation du «perçage» – pour les distribuer sur chaque site concerné. À ce stade, l’expérimentation de ces dialogues vient contredire – sans le faire complètement disparaître – le sentiment d’impossibilité à agir régulièrement exprimé par les éboueurs. Leur pouvoir d’agir sur la qualité de leur travail se développe. Leur parole compte davantage pour enrichir la décision, là où aucun espace institutionnel n’existait auparavant pour permettre l’élaboration collective et la confrontation autour de ces sujets.

3.3. Aller au-delà de ses attributions: «on a même été dans les camps de Roms pour discuter de tout ça avec les usagers»

Un mois plus tard, les mêmes protagonistes se réuniront à nouveau pour poursuivre la discussion autour des objets en cours de traitement et pour ouvrir de nouveaux dossiers à l’initiative du collectif d’éboueurs. Le processus de traitement du problème de conteneurs à déchets présenté ci-dessus fera l’objet, à ce moment-là, d’un échange spécifique en début de réunion.

Pour le collectif comme pour la hiérarchie, l’expérience de cet échange sera décisive pour l’installation plus durable du dialogue dans toutes les équipes du service, qui constitue la troisième phase méthodologique. À ce moment précis, chacun éprouvera concrètement l’efficacité des délibérations méthodiquement expérimentées, là où habituellement «on parle pour ne rien dire8». L’expérience faite de cette première transformation concrète conduite ensemble fait reculer le sentiment d’impuissance à agir et, en retour, démontre que la contribution des éboueurs est non seulement possible, mais aussi utile pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers des services municipaux.

En fait, la procédure imaginée pour mettre en œuvre la solution était nécessaire, mais insuffisante. En remplaçant les conteneurs défectueux, les deux éboueurs référents-métiers ont dû s’ajuster à partir, cette fois, de la poursuite du dialogue avec les usagers qui vivent dans ces camps de Roms. Pour ces derniers, il fallait également que la municipalité fournisse davantage de conteneurs pour permettre de mieux trier et pour éviter qu’ils ne se cassent. Face à l’inadaptation partielle de la solution élaborée précédemment, les éboueurs ont donc négocié directement avec les «chefs de camp», allant ainsi au-delà de leurs attributions: «si on vous donne plus de conteneurs, vous ne mettez plus rien à côté, sinon on ramassera pas». De leur propre initiative, ils associent ces usagers au traitement du problème, car ils savent bien que, sans leur contribution effective, la solution envisagée ne suffira pas à faire reculer la prolifération des rats. Il faut également que les habitants modifient leurs pratiques: ils doivent mieux faire le tri dans les conteneurs ou encore éviter de laisser les dépôts s’accumuler au sol. En associant concrètement ces usagers à leur initiative, le problème de prolifération des rats – et le problème écologique et environnemental de l’hygiène publique qui en résulte – ne se résout donc plus seulement dans l’intimité des relations professionnelles de la municipalité. Il s’ouvre également à ces destinataires indispensables que sont les usagers, qui contribuent depuis l’extérieur à améliorer ou à détériorer la qualité du travail en faisant un certain usage des services offerts par la municipalité. La délibération organisée dans le temps autour de la qualité du travail autorise les éboueurs à faire entrer dans le processus de décision – depuis l’intérieur – les critères extérieurs des usagers concernés.

4. De la soutenabilité sociale à la soutenabilité écologique du travail: quelles méthodes pour expérimenter une écologie du travail soutenable?

En 2018, la solution imaginée un an plus tôt était toujours à l’œuvre. Le suivi quotidien de la dégradation des conteneurs a été délégué aux chauffeurs de bennes, avec leur concours actif et à la demande de leurs collègues. Les éboueurs font le constat d’une amélioration notable de leur travail de collecte. Sans avoir complètement disparu, les rats sont moins présents et l’opération est jugée moins risquée.

Jusqu’à l’année 2023, une nouvelle organisation du dialogue (voir figure) issue de l’expérience faite, entre autres, autour des conteneurs à déchets – testée puis généralisée aux six équipes du service de propreté9 – a permis de traiter une centaine de problèmes de qualité du travail analysés au préalable par les collectifs d’éboueurs (Bonnemain, 2020). C’est ainsi que, par exemple, les horaires de travail du service ont été entièrement redéfinis dans le cadre d’un dialogue social organisé entre la hiérarchie, les éboueurs et les syndicats. Depuis 2018, ils se réunissent environ une fois tous les trois mois, au sein de comités tripartites, pour prendre en charge les questions posées à l’initiative des collectifs de première ligne, formalisées par les éboueurs référents-métiers grâce à des outils de suivis dédiés10.

Méthode d’organisation du dialogue mis en place depuis 2018

Cette transformation organisationnelle – qui est une méthode d’organisation – constitue un développement de la soutenabilité sociale du travail, puisqu’elle permet aux éboueurs de contribuer aux délibérations au sein de tous les niveaux qui participent de concert à la constitution des décisions. En faisant valoir leur expertise sur les problèmes qui importent pour la qualité de leur travail, ils peuvent davantage se reconnaître dans le travail qu’ils font, en faisant alors davantage autorité auprès de leur hiérarchie. C’est un sentiment capital pour la santé.

Mais, au-delà de la santé des éboueurs, l’étude de ce cas montre aussi que cette transformation sociale peut rendre l’organisation plus résiliente dans les rapports qu’elle entretien avec l’extérieur. Comme le montre l’exemple des conteneurs à déchets, le pouvoir d’agir et l’autorité gagnés à l’intérieur de la collectivité permettent que les éboueurs soient plus équipés pour se tourner vers l’extérieur, afin de dialoguer avec les usagers du service public lorsque le problème le nécessite11. L’action sur le travail et l’action sur l’environnement sont reliées, et ces liens font entrevoir ce qui serait possible en matière de soutenabilité socio-écologique du travail humain.

On objectera bien sûr que c’est là une bien maigre contribution face à l’ampleur des enjeux autour des questions écologiques. Et on aura raison. Mais l’exemple permet de grossir la focale autour de l’essentiel: en développant leur pouvoir d’agir dans l’organisation tout entière grâce à l’autorité gagnée sur leur travail auprès des décideurs, les éboueurs peuvent installer un autre rapport de force, suffisamment puissant pour pousser la hiérarchie – si nécessaire – à s’occuper avec eux d’un problème concret de travail, finalement relié à la santé publique. C’est sans doute ce genre de rapports qui auraient été bien utiles dans le cas de Lactalis ou de Volkswagen (Clot, et al., 2021, p. 171), pour agir à la source et au bon moment afin de prendre soin du travail réalisé et de sa qualité, à partir des préoccupations des collectifs de travailleurs. Dans ces deux cas, de fait, la réduction au silence (Herzog, 2020) de l’expertise individuelle et collective issue du «terrain» n’est sûrement pas pour rien dans les soucis de santé publique et les problèmes écologiques qui ont franchi les murs de l’entreprise.

À l’inverse, lorsque la délibération est possible, la contribution directe des travailleurs de première ligne peut leur permettre de peser suffisamment pour infléchir les critères dont la hiérarchie tiendra compte pour formuler sa décision, en y mêlant ceux des usagers concernés par l’origine du problème. Ils peuvent au bout du compte – mais non sans difficulté – «contraindre» l’organisation qui ne le fait pas à s’occuper des dérives, souvent imperceptibles pour d’autres, conduisant à la dégradation de la qualité du travail et à ses externalités. Au-delà de l’exemple des éboueurs et des Roms, qui reste un cas spontané dépassant les attendus initiaux du dispositif d’action mis en œuvre, des méthodes et des dispositifs restent à concevoir pour intégrer dès le départ la voix des usagers à ces délibérations, avec celle de toutes les parties prenantes à l’intérieur de l’entreprise.

Ce genre de dialogue collectif tourné vers le soin apporté au travail suppose, bien sûr, de nouveaux fonctionnements et espaces institutionnels similaires à ceux que nous avons expérimentés dans cette collectivité, qui ne contournent pas les conflits de critères autour de la qualité du travail. Dans de telles institutions de la délibération professionnelle, la responsabilité de ceux qui travaillent en première ligne se trouverait engagée tout autrement qu’elle ne l’est aujourd’hui, au-delà même de la qualité de leur travail à l’intérieur des frontières de l’organisation. Ces travailleurs, qui ont développé leur pouvoir d’agir dans l’organisation, peuvent être comparés à ce que l’anthropologue Frédéric Keck (2020) appelle – dans le champ spécifique des techniques de préparation aux pandémies d’origine animale – des «sentinelles», en les distinguant des lanceurs d’alerte. La distinction est utile pour mieux définir les rapports entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique du travail. Pour lui, la sentinelle signale à l’avance l’étrangeté d’une situation pour s’y mesurer par anticipation, là où les lanceurs d’alerte demeurent palliatifs a posteriori. Elle «perçoit des signaux d’alerte avant que ceux-ci soient représentés collectivement» (Keck, 2023, p. 12). Ainsi, en surveillant les mutations de la qualité du travail dans l’organisation au sein d’espaces institutionnels dédiés12, la force de rappel des délibérations directes entre travailleurs peut faire tache d’huile horizontalement, de façon continue, dans des réseaux sociaux de plus en plus larges. Comme des sentinelles, les référents-métiers sont au centre d’un travail méthodique de collecte réitéré, cumulatif et coopératif autour des problèmes reliés au travail bien fait. Ils veillent de l’intérieur et de manière longitudinale sur la qualité du travail en endossant d’autres responsabilités que celles de leur travail quotidien, ce qui leur donne la possibilité de convoquer ensuite les délibérations nécessaires aux différents niveaux.

Le développement d’une écologie du travail alliant soutenabilité sociale et soutenabilité écologique est sans doute à ce prix: une méthode d’organisation de la délibération à ajuster, qui permette la contribution directe des collectifs de travail aux processus de décision, et qui soit dans le même temps un nouvel organe de contrôle des dérives de la qualité du travail au-delà des frontières de l’entreprise.

5. La soutenabilité socio-écologique du travail: un problème de droit?

Cependant en l’état actuel du droit du travail, fondé sur le principe de subordination, rien ne peut complètement garantir la pérennité d’une organisation qui retouche la division du travail en autorisant les salariés de première ligne à définir les problèmes à résoudre et leurs solutions, et ce dans un dialogue organisé entre eux, avant que soient convoquées les discussions nécessaires aux différents niveaux, avec les directions et les organisations syndicales. Le protocole organisationnel présenté plus haut a ainsi dû prendre des libertés avec ce principe de subordination, pour autoriser les collectifs à intervenir directement et de manière durable dans le dialogue sur la qualité de leur travail grâce à cette fonction nouvelle de travailleur référent-métier. Cette prise de liberté a été indispensable pour obtenir les résultats exposés précédemment. Mais paradoxalement c’est aussi la liberté associée à cette participation directe des travailleurs aux transformations du travail et à son organisation qui rend l’ensemble si fragile en raison de l’absence de cadre juridique sur lequel s’appuyer.

En fait, la gestion des conflits de critères autour de la qualité du travail – qui cherche à faire de la participation directe des travailleurs à la définition de leur travail un moyen d’enrichir leur participation indirecte, et inversement (Sailly et al., 2022, p. 69) – ne dispose toujours pas d’institutions légales qui permettent de pratiquer le genre de délibération illustrée plus haut, à tous les niveaux de l’entreprise. Pour y parvenir, il faut pouvoir s’affranchir des limites imposées par le principe de subordination, qui entrave le dialogue alors même – comme le montre notre exemple et d’autres (Bonnefond, 2019; Musseau, Zittoun et Clot, 2022) – que ces délibérations peuvent être protectrices pour la santé publique en rendant visibles les incertitudes, en imposant l’examen de pistes écartées et en inventant collectivement des solutions jusque-là impensables. Elles peuvent devenir la source d’une création collective débordant les frontières du travail. Le barycentre de la qualité peut s’en trouver déplacé (Chabot, 2019). Mais ce déplacement suppose un recul de la subordination au principe même du droit du travail actuel (Maximo, 2020; Béroud, 2013; Trentin, 2016, p. 96). L’exemple rapporté, en prenant des libertés avec le droit d’aujourd’hui, permet alors d’envisager une autre voie pour le droit du travail de demain. Ce droit nouveau pourrait inscrire dans le contrat de travail lui-même la possibilité, pour les travailleurs, de participer au contrôle individuel et collectif de leur activité – autrement dit de délibérer sur la qualité de leur travail avec l’ensemble des parties prenantes, bénéficiaires compris (Wolmark, 2016).

La revendication d’un droit d’expression directe des salariés sur leur travail n’est pas une nouveauté. Les lois Auroux de 1982 en France, par exemple, avaient constitué une tentative importante de développer «l’expression directe» des salariés sur leur travail, avant que ce droit ne tombe finalement dans l’oubli (Weiszfeld, Roman et Mendel, 1993). Ces lois comportaient des limites (Bevort, 2013; Le Goff, 2008) qui expliquent l’état actuel de l’expression des salariés concernant leur travail dans les organisations. Deux limites particulièrement importantes étaient l’animation de ce dialogue par la ligne hiérarchique directe et l’impossibilité pour les salariés de préparer l’échange entre eux avant la réunion avec l’encadrement (Coffineau, 1993).

Cette tentative montre à quel point le droit d’expression peut se trouver désinvesti lorsqu’il manque de méthode. La possibilité de s’exprimer ne suffit pas. Sophie Béroud a sans doute raison de faire le diagnostic «d’un problème posé depuis longtemps au mouvement ouvrier, soit celui de se doter d’un véritable pouvoir d’agir, de créer les possibilités non seulement de représenter les travailleurs, mais aussi de changer concrètement l’organisation du travail et les finalités allouées à la production» (Béroud, 2013, p. 18). C’est dans cette perspective que se joue aujourd’hui le développement de l’institution du contrat de travail. Ce développement interroge la subordination et la disponibilité passive de la personne qui travaille (Didry, 2016). Un nouveau contrat de travail, comportant un droit de regard et de contrôle pour les salariés – au-delà du droit d’expression – sur l’objet du travail et son organisation, est nécessaire (Trentin, 2016), mais ses dispositions légales restent à inventer.

Une étude supplémentaire serait importante pour établir les comparaisons nécessaires entre le modèle de délibération présenté plus haut et la diversité des modèles expérimentés dans d’autres pays. Dans cette perspective, la comparaison avec les expériences menées aux Pays-Bas ou en Suède (Sailly et al., 2022) est déjà engagée. L’expérience italienne menée par Ivar Oddone et ses coauteurs auprès de Fiat dans les années 1970 pourrait également en faire partie (Oddone, Re et Briante, 2015). Dans chaque cas, c’est la question de l’articulation entre la participation directe et indirecte des salariés à l’organisation de leur travail qui est posée. Au sein des différents niveaux de dialogue, la fonction de référent-métier que nous avons expérimentée constitue une nouvelle courroie de transmission nécessaire pour éviter le risque toujours présent d’une déconnexion entre les pratiques des représentants des salariés, qu’ils soient syndicaux ou non, et la réalité du travail (Lhuilier et Meynaud, 2014; Sachs et Wolmark, 2017). Au-delà de la codétermination entre les administrateurs salariés élus dans les instances de gouvernance de l’entreprise et les directions, dont l’efficacité est discutée dans la littérature (Nègre et Verdier, 2023), la soutenabilité sociale du travail requiert également une autre codétermination instituée: celle qui organise la coopération entre les salariés et les représentants élus, afin de lester le dialogue social dans la gouvernance de l’entreprise en instaurant un dialogue professionnel de proximité. Le référent-métier constitue dans ce cadre un nouvel interlocuteur privilégié pour les représentants du personnel au sein des ateliers ou des services. Conduit par le référent-métier sur le terrain et dans l’organisation, le dialogue qui régénère l’autorité des collectifs de première ligne est une ressource indispensable à mettre en œuvre pour mieux enraciner l’activité des administrateurs salariés au sein des instances de gouvernance dans le réel du travail, et éviter ainsi les risques de déconnexion toujours possibles.

Un «effort d’articulation des différentes scènes de représentation du personnel» (Conchon, 2014, p. 5) semble alors nécessaire pour le développement de la soutenabilité sociale, mais aussi écologique, du travail. Un rapport récent autour de ces questions (Ast, 2022), remis par le gouvernement français au Parlement, souligne par exemple – dans les dispositions légales actuelles – la non-compatibilité du mandat d’administrateur salarié avec tout autre mandat de représentation des salariés. Ce découplage serait, selon le rapport, nécessaire à «l’établissement de relations de confiance avec les autres membres du conseil» (p. 31). Pourtant, cet «isolement» (Nègre et Verdier, 2023, p. 84) vis-à-vis des cercles de sociabilité de l’entreprise risque de renforcer l’éloignement des représentants élus du travail réel et des préoccupations concrètes des collectifs pour la qualité de leur travail. Même la proposition formulée par Isabelle Ferreras (2020) en faveur d’un système bicaméral au sein de l’entreprise pour «gouverner le capitalisme» (Ferreras, 2012) mériterait d’être regardée sous cet angle, tant la division sociale du travail est résistante. Le cas présenté dans cet article montre qu’à la frontière entre dialogue professionnel et dialogue social des dispositions légales qui tiennent compte des tentatives existantes mériteraient d’entrer dans le droit du travail.

Il apparaît ainsi de plus en plus clairement que la soutenabilité sociale du travail, indispensable au développement de sa soutenabilité écologique, pose à la fois un problème de méthode et un problème de droit.

6. Conclusions

La soutenabilité sociale du travail ne peut être réduite au problème de l’accès à l’emploi (Volkoff et Gaudart, 2015; Delgoulet et Desriaux, 2021; France Stratégie, 2021), pas plus que la soutenabilité écologique au développement des emplois verts (green jobs) (Herzog et Zimmermann, 2025, présent numéro). La soutenabilité socio-écologique pose finalement la question du fonctionnement des institutions et des mécanismes sociaux de délibération sur le travail dans l’organisation (Clot et al., 2021). L’impossibilité de contribuer directement aux décisions sur l’objet de leur activité prive ceux qui travaillent d’une liberté décisive pour leur santé et pour l’efficacité de ce qu’ils font. Organiser la délibération pour développer la soutenabilité sociale devient alors indispensable. Et, comme nous l’avons montré, s’appuyer davantage sur l’expertise des travailleurs permet aussi d’agir avec eux sur les externalités du travail, en vue de sa soutenabilité écologique. Mais cela suppose une génération nouvelle de cadres juridiques donnant un «droit de cité» aux travailleurs dans leur activité, en faisant reculer le privilège de l’employeur à décider seul du contenu du travail et de son organisation (Wolmark, 2016), et en renforçant l’activité des représentants du personnel au sein des instances de gouvernance. Ce privilège de l’employeur est de plus en plus inadapté si l’on veut parvenir à la soutenabilité socio-écologique du travail.

Le dispositif analysé ici – qui encourage la soutenabilité sociale du travail – peut être regardé comme un instrument méthodique de «préparation» (Keck, 2020) en matière de soutenabilité écologique, au-delà de la «prévention» dont la fonction consiste plutôt à limiter l’impact des dégradations déjà avérées en organisant le soin. Car la qualité du travail dégradée qui empoisonne la planète se répercute aujourd’hui de plus en plus fréquemment sur la vie quotidienne, comme en attestent les nombreux scandales sanitaires. Mieux vaut alors organiser méthodiquement et grâce à de nouveaux moyens légaux le soin apporté au travail pour se prémunir des dérives écologiques auxquelles il contribue. C’est ce qui peut permettre de donner une fonction écologique à la soutenabilité sociale du travail, en passant, dans l’organisation même du travail, «de la temporalité courte des urgences sanitaires à la temporalité longue des écologies menacées» (ibid.,).

Dans tous les cas, dans les développements à venir du travail soutenable, il sera sans doute de moins en moins possible d’examiner ou de définir la qualité d’un travail dans le secret de l’entreprise ou de l’institution. Car il y a de plus en plus de conflits de critères possibles et même inévitables entre ceux qui fabriquent les produits ou ceux qui «rendent» les services, d’un côté, et les usagers, clients, consommateurs et citoyens, de l’autre. Il devient de plus en plus difficile d’imaginer des organisations qui maîtrisent les effets de leur production sur l’environnement sans faire intervenir toutes les parties prenantes, et en particulier les travailleurs eux-mêmes, qui connaissent les difficultés associées à leur travail. C’est le développement de ce genre de délibération méthodique qui protège la santé des uns et des autres, à l’intérieur comme à l’extérieur. Faire justice à cette «activité délibérée» (Clot, 2010b) peut servir de trait d’union entre soutenabilité sociale et soutenabilité écologique du travail, dans la reconsidération des critères de performance. Et c’est sans doute en garantissant mieux le droit des travailleurs d’agir, avec d’autres, sur le travail dans la cité, que la santé publique et même la nature pourront être mieux protégées conjointement. La qualité du travail pourrait devenir dans cette perspective un nouvel objet du «dialogue social» au sens élargi (Clot et Bonnefond, 2018), à tester avec toutes les parties prenantes, pour développer la soutenabilité socio-écologique du travail humain.

Notes

  1. La clinique de l’activité est une approche francophone de psychologie du travail (Filliettaz et Billett, 2015) qui a élaboré des méthodes d’action cliniques à visée de recherche pour organiser la transformation du travail en développant conjointement la santé et l’efficacité au moyen du dialogue et de l’interaction (Clot et Kostulski, 2011; Kloetzer, 2013; Kloetzer, Clot et Quillerou-Grivot, 2015; Bonnemain et al., 2019). Elle s’inscrit dans un ensemble de travaux internationaux relatifs aux théories historico-culturelles de l’activité (Leontiev, 1978; Vygotsky, 1978; Engeström, 2000; Kloetzer et Seppänen, 2014; González Rey, 2020).
  2. Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail français.
  3. Selon les termes de la convention de recherche établie entre cette collectivité locale et l’équipe de recherche en psychologie du travail et clinique de l’activité du Centre de recherche sur le travail et le développement, au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Voir Clot et al. (2021) pour une description plus détaillée de cette recherche.
  4. Une équipe composée d’une vingtaine d’éboueurs s’est portée volontaire auprès des chercheurs, après la présentation de la recherche et de ses objectifs à l’ensemble des 120 travailleurs du service en présence de toute la ligne hiérarchique.
  5. Ces trois phases consistent: 1) à expérimenter le dialogue au sein du collectif; 2) à tester une nouvelle organisation du dialogue au sein du service pour développer la qualité du travail; 3) à généraliser cette organisation dans l’ensemble du service de propreté de manière durable.
  6. Dans ces travaux, le dialogue sur le travail est performant lorsqu’il permet la délibération collective à partir des différentes conceptions de la qualité du travail, pour élaborer des solutions nouvelles (Clot et al., 2021, p. 44).
  7. La méthode mobilisée plus particulièrement ici est l’autoconfrontation croisée (Bonnemain et Clot, 2017). Elle consiste à confronter les travailleurs aux films des activités qu’ils ont réalisées et qui mériteraient d’être transformées. En provoquant la délibération, elle constitue un moyen d’analyse de ces activités pour envisager collectivement des solutions nouvelles.
  8. Comme le rapportent régulièrement les éboueurs auprès des chercheurs.
  9. De surcroît, l’organisation mise en place s’est également étendue ensuite à d’autres services de la collectivité avec le concours des éboueurs (Prot, Bonnefond et Clot, 2021).
  10. Plusieurs outils de suivi – moyens de délibération aux différents niveaux de l’organisation – ont été élaborés avec le concours des éboueurs, notamment le «tableau des problèmes» renseigné par l’éboueur référent-métier à l’issue des délibérations avec ses collègues, la «fiche problème» permettant au référent-métier de mettre un problème instruit à l’ordre du jour d’une réunion avec la direction, ou encore le «tableau de suivi des problèmes traités» renseigné par la hiérarchie et permettant un suivi longitudinal des sujets pris en charge.
  11. Les usagers mentionnés ici sont bien extérieurs au cadre formel de subordination institué au sein de la collectivité, mais ils font pourtant partie de la division du travail de collecte des déchets.
  12. Dans le cas présenté et dans d’autres, l’organigramme est modifié: des espaces tripartites réunissant les référents-métiers élus par leurs collègues, les organisations syndicales ainsi que les hiérarchies des services concernés ont été progressivement installés de manière durable (voir figure; Bonnefond, 2019).

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